Le pape en Terre Sainte ou la diplomatie du toucher

Mardi 27 Mai 2014 - 19:26

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En Terre Sainte, le pape François a appelé Israéliens et Palestiniens au courage de la paix et du vivre ensemble

À bord de l’avion qui le ramenait lundi de sa visite pastorale de trois jours en Terre Sainte, le pape François n’a pas esquivé les questions des journalistes, même parmi les plus embarrassantes comme la pédophilie ou le mariage des prêtres. Visite préparée au cordeau, jamais un mot ou geste ne devant dépasser un autre, le chef de l’Église catholique semble avoir tenu avec succès le rôle délicat d’équilibriste. Il s’est arrêté devant le mur de séparation construit par les Israéliens en Cisjordanie, lacérant davantage encore ce qui reste de terre aux populations arabes. Il est allé aussi au Mémorial de Yad Vashem de Jérusalem en signe de grand respect pour la mémoire des millions de Juifs déportés et tués durant la Deuxième Guerre mondiale.

En se rendant successivement – et dans cet ordre – en Jordanie, en Palestine puis en Israël, le Souverain pontife est allé rappeler aux populations sur place et au monde entier que chacun de ces trois pays a droit à sa reconnaissance et à sa sécurité. La Jordanie tient entre les deux belligérants un rôle de balancier, souvent mis à mal par les éruptions de violences qui ne mettent jamais bien longtemps à se manifester dans la sous-région. La Palestine, le Vatican la reconnaît déjà comme État, ce qui n’a vraiment jamais fait plaisir à Israël. Et pour ce dernier, le pape argentin qui entretient d’excellentes relations avec les communautés juives de son pays, a également tenu à dire aux Palestiniens que le dialogue avec lui passe aussi par sa reconnaissance sans « si », et sans « mais ».

Les journalistes sont donc revenus sur tous ces différents aspects d’un voyage qui, samedi, dimanche et lundi, s’est concentré sur une terre éminemment croyante, terre de naissance du Jésus de la Bible des chrétiens, mais aussi des ancêtres vénérés par les deux autres religions monothéistes, le judaïsme et l’islam. Ce sont en tout onze questions que les journalistes ont posées au pape pour recadrer une visite que ceux-ci jugent largement positive portée, soulignaient-ils mardi, par une théologie de la main ouverte, du toucher des réalités physiques, politiques et spirituelles de cette région de violentes confluences.

Le pape a expliqué en toute simplicité que la visite avait été préparée dans ses moindres détails même si, évidemment, il y a apporté sa touche personnelle. La démarche ne devant pas se limiter à répéter des gestes et des paroles de protocole. Ainsi, a-t-il dit, l’invitation faite aux présidents israélien et palestinien à venir prier ensemble au Vatican, n’a jamais figuré dans les détails protocolaires conclus. Il s’agira d’une rencontre de prière et non pas d’une médiation formelle du Saint-Siège, a indiqué le pape qui aurait aimé organiser directement la rencontre en Terre Sainte mais cela aurait posé des difficultés diplomatiques évidentes.

Sur le plan œcuménique, le pape François a insisté sur l’importance de marcher ensemble avec les Églises d’Orient, soulignant notamment qu’une date de Pâques commune entre catholiques et orthodoxes serait un signe d’unité. Il a aussi évoqué les martyrs chrétiens, catholiques et non catholiques, plus nombreux à notre époque qu’aux premiers temps de l’Église. Il a souligné que la porte était toujours ouverte sur l’ordination d’hommes mariés dans l’Église catholique, cette règle de vie n’étant pas un dogme de foi, mais que le sujet n’était pas à l’ordre du jour dans l’immédiat.

Par ailleurs, le pape a précisé que la réforme de la Curie romaine suivait son cours et que, sur la question des prêtres pédophiles, « le prêtre qui abuse d’un enfant trahit le corps du Seigneur ». Le pape François a assimilé un tel acte à la célébration d’une messe noire. Il a annoncé qu’il recevra huit victimes de prêtres pédophiles début juin à Sainte-Marthe.

Concernant ses prochains voyages, le pape François a dit se tourner vers l’Asie : après la Corée du Sud en août, il a confirmé qu’il se rendrait en janvier au Sri Lanka et aux Philippines, notamment dans les zones touchées par le typhon de novembre dernier. Sur la question importante de savoir, enfin, s’il démissionnera le jour où il ne se sentira plus la force d’assumer son ministère, il a déclaré « qu’un évêque de Rome qui sent que ses forces baissent doit se poser les mêmes questions que Benoît XVI ».

Lucien Mpama