Le pape secoue le monde par une encyclique-choc

Jeudi 18 Juin 2015 - 17:37

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Rarement encyclique aura suscité autant d’intérêt et de débats que celle publiée jeudi par le pape et largement consacrée aux thèmes de l’écologie

Le Vatican a prévenu : l’encyclique du pape François publiée ce jeudi n’est ni un traité d’écologie ni un manifeste s’ajoutant à d’autres manifestes. Il s’agit d’une réflexion s’encadrant dans la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Le souverain pontife, insiste-t-on, a voulu rappeler au monde son devoir incontournable de préserver la planète qu’il contribue très largement à détruire par des choix de développement, d’économie et des politiques hasardeux. « Il nous faut préserver la maison commune », la terre, parce que c’est le seul lieu habitable que l’homme possède, recommande le pape en substance.

« Laudato si' », (Loué sois-tu), première lettre encyclique entièrement écrite par le pape François lui-même, a donc été publiée jeudi au Vatican comme annoncé par lui-même auparavant. Cela s’est fait au cours d’une conférence de presse présidée par le cardinal Peter Kodwo Apiah Turkson, le cardinal ghanéen en charge des questions de justice et de paix dans le gouvernement du Vatican. La conférence était modérée par le jésuite Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège. Une foule de journalistes a accouru du monde entier pour l’événement.

Dans son texte de 200 pages, et déjà traduit dans les principales langues du monde, le pape écrit que la question du réchauffement climatique est devenue d’une urgence capitale pour l’homme. Car c’est lui qui est grandement responsable des dérèglements que connait la planète aujourd’hui. « La plus grande partie du réchauffement global des dernières décennies est due à la grande concentration de gaz à effet de serre émis surtout à cause de l'activité humaine ». Cela représente « l'un des principaux défis actuels pour l'humanité », écrit le pape.

Dans un ton assez éloigné des circonlocutions de rigueur dans ce genre de textes au Vatican, cette encyclique présentée par les analystes comme « une œuvre majeure » du pape François, dénonce aussi la concentration des pouvoirs économiques et l’action des multinationales. « Il est prévisible, écrit le Souverain pontife, que le contrôle de l'eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l'une des principales sources de conflits de ce siècle ». Il estime qu’avec l’eau, l’épuisement de certaines ressources de la planète conduira fatalement à de nouvelles guerres.

Plus écolo que jamais, il soutient que « la technologie reposant sur les combustibles fossiles très polluants - surtout le charbon, mais aussi le pétrole et, dans une moindre mesure, le gaz - a besoin d'être remplacée, progressivement et sans retard ». D’où un impératif de justice qui s’impose aux nations riches face aux nations en développement. D’où un impératif de modération à tous. Car « l'heure est venue d'accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d'autres parties ».

Le chef de l’Eglise catholique met en cause le rôle d’une certaine politique dans la dégradation continue de l’environnement dans lequel l’homme vit. Il faut sauver la planète et toute la création ; cela est de la responsabilité première de l’homme. «On ne parvient pas, dans la communauté internationale, à des accords suffisants sur la responsabilité de ceux qui doivent supporter les coûts de la transition énergétique », déplore le pape. Or, même les flux migratoires aujourd’hui au centre des débats dans les nations riches, résultent d’une rupture de la chaîne des responsabilités de l’homme face à son milieu. « Il faut sauver tout le créé », réaffirme le pape ; toute la création constitue une chaîne, soutient-il.

A rappeler que le litre de l’encyclique, « Laudato si' » (Loué sois-tu), est inspiré du Cantique des créatures de saint François d'Assise. Ce moine de la région italienne d’Ombrie est le fondateur de l’ordre des Franciscains. La tradition voudrait que, né d’une riche famille de commerçants au 12è siècle, il ait décidé de se dépouiller de ses biens « pour épouser dame pauvreté ». Et qu’il soit devenu très attentif à la nature, parlant aux oiseaux au 13è siècle. En choisissant de s’appeler François, le pape actuel a voulu souligner son admiration pour cet exemple de sobriété. Et avec son encyclique de jeudi, il parfait sa conformation par plus d’attention à l’écologie, tout comme « le petit pauvre d’Assise », autre nom de son modèle.

Lucien Mpama

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