Le quartier « Simba-pelle » nécessite d’urgence un plan de réhabilitation

Vendredi 28 Février 2014 - 16:50

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À Brazzaville, chaque quartier connaît son lot de problèmes. Dans celui de « Simba-Pelle », à Talangaï (6e arrondissement), la vie quotidienne prend les couleurs du désespoir. Son nom même, « Simba-Pelle » (Tenez la pelle), traduit la triste et dure réalité que vivent les populations, à savoir : retrousser leurs manches pour désensabler rues, maisons et écoles

La fin de la saison sèche a toujours été vécue à Brazzaville avec angoisse par les populations de certains quartiers, régulièrement en proie aux inondations, glissements de terrain, érosions et d’ensablement. Depuis plusieurs décennies, cette situation est quasiment devenue le quotidien des habitants du quartier « Simba-Pelle », souvent victimes du phénomène d’ensablement, provoqué par l’occupation anarchique des terrains et la destruction de la biodiversité dans les zones dites à risques.

Arafat, un célèbre chômeur quadragénaire, nous reçoit avec une histoire qui restera à jamais gravée dans la mémoire des citoyens du quartier. La scène concerne Daniel, un puisatier, qui s’activait à creuser une canalisation artisanale lorsqu’il a été pris au piège par les sables mouvants. L’entendant crier à l’aide, les personnes arrivées sur les lieux ont retrouvé le pauvre Daniel englouti dans le sable, presque inerte, sur l’avenue Matondo. La tâche n’a pas été facile pour les sauveteurs de fortune en raison de la qualité du sol, et il leur a fallu user de doigté pour tirer le puisatier de son piège.

Cette horrible scène arrive souvent dans ce coin de Brazzaville où l’ensablement progresse avec les inondations. Dans la zone située derrière l’école Gaston-Lenda à Mikalou, chaque année, des dizaines de parcelles sont englouties par le sable et de nombreuses familles sont déplacées. La plupart d’entre elles ont définitivement trouvé refuge ailleurs.

Les habitations situées soit sur le flanc de la colline, soit au pied de celle-ci reçoivent tout le sable que charrient les eaux de pluie. Selon les habitants, ce phénomène date de 1988-1989, depuis l’occupation effrénée des parcelles par de nombreuses constructions non conformes aux normes sur le versant de la montagne.

« Tous les trois ans en moyenne et par rapport au mouvement du sable, les familles se déplacent et celles qui résistent subissent toujours des inondations. En 2003 par exemple, cinq chefs de famille ont failli se donner la mort, lassés et désespérés par les inondations de leurs habitations », témoigne Kevin Sylver Ntsouanampou, un habitant du quartier.

En novembre 2011, des maisons ont été entièrement englouties, laissant plusieurs personnes sans abri. Devant l’ampleur de la situation, les populations de ces quartiers avaient demandé l’intervention des pouvoirs publics. « Nous sommes fatigués de lutter, nous n’y arrivons plus, car cette situation nous dépasse. Nous perdons nos biens à chaque fois et de nombreuses familles ont fini par abandonner leurs maisons », indiquait alors un habitant du quartier.

La zone concernée à cette période était celle partant de la quatrième avenue jusqu’à la septième, voire la huitième. Des familles s’étaient échappées de leurs habitations par les fenêtres ou les toits ; certaines personnes étaient restées bloquées jusqu’à 11 heures. L’école primaire Gaston-Lenda n’avait pas échappé à l’inondation : certains bâtiments ainsi que la cour avaient été inondés.

L’expropriation souhaitée par de nombreux habitants

Le phénomène étant devenu monnaie courante à chaque période des pluies, les populations attendaient d’être expropriées de cette zone par les pouvoirs publics. C’était la première fois que l’ensablement, fréquent dans les 6e et 7e et avenues de « Simba pelle », avait atteint la quatrième avenue. « Je suppose que le gouvernement a un programme pour Talangaï. On nous avait demandé de cibler les actions prioritaires par quartier, et nous avons déposé la liste à qui de droit. Je pense que des techniciens analysent la situation et vont agir le moment venu. Pour le moment, nous avons besoin d’une intervention d’urgence », déclaraient Gaston Mbengué, le chef du quartier 67, Gaston Lenda.

Autres images en mémoire chez les populations de ce quartier, les dégâts causés par la pluie qui s’est abattue dans la nuit du 3 au 4 novembre 2003. De nombreuses habitations avaient été englouties, effacées de la carte à l’instar de la maison de l’ancien député du quartier, François Adzabi, sur la rue Andzounou.

Autre zone en point de mire, la zone marécageuse située à un kilomètre de là, de la rue Oboli à la rue Kimongo où les populations vivent dans des conditions épouvantables. C’est le cas de cette habitation dans laquelle s’est formé un lac. La plupart des maisons sont faites de briques ou de planches et les rues ressemblent à des tranchées. Tous les jours, l’armée de crapauds qui a pris ses quartiers dans ce vaste marigot, qui s’est formé au fil des années, offre une « sérénade » gratuite aux habitants.

« Tout pour le peuple » : un slogan, une politique, un quartier

Ce quartier a fait l’objet d’une libre occupation par les populations à la suite de la mesure prise par le président Marien Ngouabi d’aider les citoyens à acquérir des parcelles de terrain. Dans les années 1970, en effet, sous la devise « Tout pour le peuple », un vaste espace avait été consigné. Dans la pratique, on a assisté à un débordement qui fait que même les « zones interdites » ont été occupées. La quasi-totalité des quartiers de la ville est née dans les mêmes conditions, sans aménagement et sans lotissement.

Devant les plaintes des populations, les autorités s’appuient sur l’occupation anarchique des terrains qui semblent les prendre de court et qui les place face à des défis colossaux. 

Des maladies diverses s’ajoutent désormais au calvaire des Congolais de « Simba-Pelle », qui mérite une attention spéciale, sinon un plan d’urgence de réhabilitation.

Fortuné Ibara

Légendes et crédits photo : 

(© DR)