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Le racisme redevient-il à la mode en France ?

Lundi 25 Novembre 2013 - 0:19

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Selon une étude suédoise, la France serait l’un des pays les plus racistes d’Europe. Qu’en est-il réellement ? Doit-on s’inquiéter de ce que 22,7% des Français ne veulent pas d’un voisin d’une autre « race » que la leur ?

Établi dans le but de régir la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises des Antilles, le Code noir avait institutionnalisé le racisme, justifiant l’esclavage des déportés africains dans les colonies des Antilles et de Guyane. L’esclavage avait été aboli par la Convention en 1794, puis rétabli par Napoléon Ier par une loi du 20 mai 1802, de nouveau aboli en 1815 par ce même Napoléon, puis aussitôt rétabli par la Restauration. En fait, on constate que l’esclavage, resté en vigueur en France jusqu’au décret d’abolition du 27 avril 1848, a enraciné toute une culture qui a eu une longue vie. C’est au cours de cette longue traite négrière que nous avons hérité de termes comme « sale nègre », devenus une marque déposée et applicable à tous les Noirs. Par une suite logique, la colonisation a conduit les Français à se forger une image du nouveau Noir, comme cette photo du nègre colonial avec le slogan « Y a bon Banania ». Certains produits ont ainsi été vendus avec l’image du racisme.

On peut souligner bien d’autres formes de racisme, comme l’antisémitisme, particulièrement fort lors de l’affaire Dreyfus à la fin du xixe siècle, puis lors des années 1930 et sous Vichy, mais aussi celui réputé le plus ravageur et le plus meurtrier à l’endroit des Maghrébins, dont le journaliste Fausto Giudice recensait plus de deux cents assassinés lors de crimes racistes et plusieurs centaines d’autres agressés entre 1971 et 1991. De nos jours ne doit-on pas dénoncer un risque d’escalade morbide, tellement le monde politique français aligne dérapage sur dérapage, à l’instar de l’allusion au bruit et à l’odeur de Jacques Chirac, qui s’étendait longuement le 19 juin 1991 sur les supposés désagréments causés par les immigrés en France ; de Brice Hortefeux, qui en parlant des Arabes affirmait : « Quand y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » ; Gérard Longuet, sénateur UMP, qui estimait que le socialiste Malek Boutih n’était pas « le bon personnage » pour succéder à Louis Schweitzer à la présidence de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ? Arguant que le futur président de la Halde devait être issu du « corps français traditionnel » pour aboutir aux caricatures de guenon en allusion à la garde des Sceaux Christiane Taubira.

Tant de dérapages tuent, et la liste est longue. Les termes « Français décomplexés » cachent-ils cette réalité raciste qui refait surface, lorsque l’on évoque Jean-François Copé avec sa fameuse histoire de « pain au chocolat » ? Peut-être que les sanctions ne sont pas assez exemplaires. Dieudonné, interdit de télévision en France, et d’autres, condamnés comme lui pour injures ou propos racistes, continuent à parader dans le paysage audiovisuel français.

La lutte contre le racisme doit commencer par la répression du délit sur le plan légal, car si l’on n’y prend garde on peut s’exposer aux pires vicissitudes que l’humanité ait connues et qui ont conduit aux conflits mondiaux. Il faut se souvenir que les thèses raciales ont été développées en France au milieu du xixe siècle, plus particulièrement avec l’influence incontestable de l’Essai sur l’inégalité des races humaines du comte de Gobineau, courant repris et impulsé par Georges Vacher de Lapouge à la fin de ce siècle. On peut également citer des auteurs comme Jules Soury, Georges Montandon et René Martial, qui tentaient au xxe siècle de fonder l’idéologie raciste sur l’autorité de la science.

Aujourd’hui, les déclarations et incidents racistes concernant les Roms recensés en France ont augmenté considérablement, et même les propos du ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, les considérant inassimilables, ont largement choqué. À tel point que d’aucuns prétendent que l’on revient à un racisme à l’ancienne. Est-ce cela la réelle aspiration des Français du xxie siècle ?

Ferréol-Constant-Patrick Gassackys

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Édition Quotidienne (DB)

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