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Leçons de choses

Vendredi 11 Mai 2018 - 13:19

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La crise est bien là. À cause d’elle, un raptus d’anxiété existentielle s’est installé dans le pays. Dans tous les coins de rue, les conversations tournent autour de l’incertitude ambiante. Certains semblent ignorer que de la crise surgissent des solutions salvatrices. Celle de 1929 fut suivie d’une embellie durable.

Ce qu’attend le peuple du gouvernement, c’est un nouveau discours plus mobilisateur, discours d’espérance ou d’espoir. Au lieu de quoi, c’est un discours assommant, profondément déconnecté des attentes du public déboussolé ;  ce qu’attend le peuple, ce sont les signes forts d’une politique volontariste visant à juguler la crise ; ce qu’attend le peuple, c’est une nouvelle gouvernance, impulsée par le chef de l’Etat qui avait promis une équipe gouvernementale efficace, apte à relever le défi de la crise plurielle.

Depuis qu’on en parle, la question de l’homme me turlupine l’esprit. Heureusement qu’un lecteur me rappelait récemment, après la parution du dernier Brin d’histoire, que la question de l’homme, chez nous, est une préoccupation récurrente. La déclaration du 12-12-75 insistait déjà sur cette question. Un « confrère », je n’ai pas de terme de substitution, hélas, pour désigner ceux qui écrivent dans certains « journaux », un confrère, disais-je, désignait à la vindicte populaire un certain nombre de ministres qui auraient échoué ou peinaient à la tâche, sans citer ceux qui auraient réussi dans cette chienlit. Le journalisme alimentaire fait des dégâts dans la profession. Malheureusement, toutes les professions ont leurs moutons noirs. Ici même, je citais, de manière allégorique, Max Weber qui affirmait que l’on jugeait une corporation à travers ses représentants les plus indignes. Ceux qui font profession de politique n’y échappent pas. Là, comme dans d’autres secteurs de la vie, subsiste encore à la frange des moutons noirs, une minorité qui inspire respect. Dussé-je me tromper, je cite l’exemple de Aimée Mambou Gnali. Je l’ai rencontrée à l’occasion d’une interview, alors qu’elle était ministre de la Culture et des Arts. Elle m’a complètement bluffé. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses administrations, où le travail débute, au plus tôt, entre 9 et 11 heures, elle était à son bureau avant 7 heures. C’est, du reste, pour cette raison que nous avons connu ici, un célèbre slogan symptomatique : « 8 heures de travail et non huit heures au travail ». Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, lit-on dans la Bible.

Après son départ du gouvernement, Gnali reprit ses enseignements à l’Université de l’Atlantique à Pointe-Noire. Là aussi, rien à voir avec les démiurges pleurnichards de la politique congolaise, qui,  menacés de perdre leur maroquin ou quand ils l’ont perdu, ont toujours su se sauver de tous les cataclysmes qui jalonnent leur parcours, poussant parfois l’indignité jusqu’à imaginer des stratagèmes dégradants, comme les fausses maladies, pour rester en poste. Gnali a fait le choix de la dignité, la seule qui s’impose à un « Homme », selon Kipling. Ce qui confère à cette dame une place à part dans la galaxie politique congolaise. Elle impose le respect. Au surplus, elle a des opinions qu’elle assume. Ses nombreuses saillies dans « La Semaine Africaine » en témoignent. On construit un pays ni avec les eunuques ni avec ceux qui ont fait de la politique un fonds de commerce pour se servir, même au prix de l’opprobre, et non servir l’intérêt général. « La politique est le moyen pour des hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire », écrivait Voltaire.

Les hommes de principes, quand ils ont failli à la tâche, démissionnent, rendant ainsi service à celui qui les a propulsés et les maintient en place, malgré lui, par empathie. La sourde contestation rampante de la population doit interpeller  ceux qui les dirigent. Elle  montre que les Congolais ont retrouvé la mémoire en cette période de disette. Le langage de vérité au peuple est le seul qui vaille. L’équipe gouvernementale actuelle, à travers ses prestations larmoyantes à l’Assemblée nationale, épuise le chaland, en tentant de justifier l’injustifiable, par de risibles contorsions. Elle plonge le public dans un spleen ravageur qui accroît son angoisse existentielle. Avec le gouvernement actuel, tout se passe comme si la crise n’était qu’une simple vue de l’esprit. Il est difficile, dans ces conditions, de mobiliser la population afin qu’elle s’approprie les thérapeutiques éventuelles envisagées pour en sortir. L’espoir fait vivre lorsqu’il est entretenu. Or, paradoxalement, l’impéritie gouvernementale conduit la population à vivre la crise actuelle comme une calamité. Ce qui est fortement démobilisateur.

Le gouvernement ne convainc personne. Ailleurs, l’expérience montre, tous les jours, que la crise a souvent marqué la fin des politiques cacochymes et cataplasmiques. Elle favorise, quand elle est bien gérée, des approches novatrices dans tous les secteurs de la vie nationale et met fin, en général, à une trajectoire désespérée ou catabatique. Ici, on n’en est loin. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.                                                              

 

 

Mfumu

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