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L’éducation au Congo

Lundi 27 Janvier 2014 - 0:00

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La baisse du niveau de l’enseignement au Congo
Depuis que le président de la République a déclaré l’année 2014 Année de l’éducation, de nombreuses langues se délient pour analyser les problèmes qui minent ce secteur très sensible de notre société. Parmi ces problèmes figure la baisse du niveau de l’enseignement. Dans ce propos, nous voulons donner des pistes de réflexion afin de permettre aux spécialistes de la question d’approfondir le débat et proposer des solutions efficaces et durables. Mais qu’est-ce qui peut expliquer cette baisse ?

Une idée déformée de l’école
Nous avons tous pensé longtemps que l’école était l’unique voie du savoir. Or aujourd’hui, le constat général est que l’école n’est plus la seule voie pour accéder au savoir ou à la compétence. De nombreuses opportunités d’apprentissage et de maîtrise des savoirs, non strictement scolaires mais très pratiques et utiles pour la vie au quotidien, sont offertes désormais à tous gratuitement, à la maison, au quartier, dans les médias, etc. C’est le cas par exemple du maniement des nouvelles technologies de l’information, où nos enfants qui n’ont jamais étudié dans des écoles spécialisées nous enseignent tous les jours le maniement et l’usage de nos appareils électroménagers, ordinateurs, téléphones, smartphones, tablettes et autres gadgets high-tech de l’informatique et du numérique.

La démotivation des enseignants
L’autre problème qui peut expliquer cette baisse est la démotivation des praticiens du métier. En effet, l’enseignement n’est plus un métier valorisant. Pendant longtemps, l’instituteur était considéré comme le seul fonctionnaire du village. Il était l’homme qui détenait le savoir et qui servait d’intermédiaire entre le monde sauvage et la civilisation. Il fallait l’écouter, car il détenait la vérité, le savoir, la compétence. Tout cela faisait de lui un homme mystérieux et l’affublait d’une aura particulière. Même le grand chef du village se pliait devant ses exigences pour ramener en classe un enfant récalcitrant. Ses sentences étaient sans équivoque, puisqu’il pouvait frapper à la chicotte comme le milicien colonial sans être inquiété, punir et renvoyer qui il voulait. Une dictature pédagogique que les parents d’élèves n’ont pas acceptée facilement.

Le laxisme
Il y a aussi le laxisme qui caractérise désormais l’encadrement pédagogique. On a constaté, par exemple, que les élèves de bon niveau étaient mis ensemble avec ceux de niveaux plus bas. Ils profitent souvent des facilités d’accès aux classes supérieures par le fait d’être fils de nantis et non par le mérite. Ce phénomène est criant en Afrique. Alors que la méritocratie permet de sélectionner les bons, de purger la société, qui ne pourra jamais être composée uniquement de génies, les pouvoirs publics doivent contribuer à créer une harmonie pour permettre un équilibre social indispensable au fonctionnement de la société.

Quel diplôme pour quel avenir ?
Le mythe du diplôme international : beaucoup de publicités malsaines embrouillent les parents et les jeunes en leur faisant croire que certaines écoles sont agréées pour délivrer des diplômes reconnus internationalement, ce qui est totalement faux. La vérité est qu’il n’y a pas de diplômes internationaux, car dans la plupart des pays avancés le recrutement d’un travailleur dans tout secteur est toujours soumis à un test, quelle que soit l’origine de sa formation et l’établissement qui lui a délivré un diplôme. C’est pourquoi il faut se méfier des écoles qui clament leur excellence sur les toits alors qu’aucun critère sérieux ne permet de la vérifier.

Sur le plan international, le classement Shanghai permet aujourd’hui sur la base de six critères de classer les meilleures universités dans le monde. Au départ, ce classement avait pour but de comparer les universités chinoises avec les meilleures universités du monde afin de répondre à la demande du président de l’université Jiao-Tong qui souhaitait envoyer ses étudiants dans les meilleures écoles. C’est ainsi que le professeur Nian Cai Lu, un chimiste travaillant pour cette université, établit un classement simple, ne prenant en compte que des données accessibles par internet et jugées objectives, à savoir le nombre de prix Nobel et de médailles Fields pour les mathématiques, le nombre de chercheurs les plus cités dans leur discipline, le nombre de publications dans les revues scientifiques Nature et Science, le nombre de chercheurs répertoriés dans deux bases de données d’articles scientifiques, l’une de sciences humaines, l’autre de sciences pures. Dans le classement Shanghai de 2013, il n’y aucune université africaine. Même si on peut reprocher à ce classement d’être quelque peu anglophobe, ces critères de classement s’imposent de plus en plus comme des indicateurs d’excellence.

Cependant l’exigence d’excellence aujourd’hui passe aussi par la capacité financière des apprenants. Certaines grandes écoles restent très fermées et n’ouvrent leurs portes qu’à ceux qui en payent le prix. Mais avec la mondialisation, certains étudiants, lorsqu’ils choisissent leur université future, regardent le classement Shanghai.

On pense généralement qu’un savoir qui ne débouche pas sur la compétence est inutile à son détenteur. L’école a vocation à compléter et perfectionner les connaissances humaines acquises dès le plus jeune âge auprès des parents et dans le milieu social d’origine. Elle permet également, et certains penseurs affirment que c’est là son but fondamental, de procurer un savoir utile pour faire quelque chose. L’école doit donc permettre à l’apprenant de s’intégrer dans la société. Dans ce sens, la connaissance est un élément d’intégration sociale dans la mesure où elle permet à son détenteur de jouer un rôle, et pour cela elle doit donner une connaissance pour faire et non uniquement pour savoir.

Pour conclure
Pour bien assurer l’enseignement, il faut que les enseignants soient d’abord eux-mêmes bien formés. Par conséquent, il est indispensable que les structures de formation des formateurs soient mieux préparées sur les plans organisationnel et pédagogique. Or aujourd’hui, ce sont les universités qui forment, et les diplômes qui y sont délivrés sont institués selon des besoins purement universitaires. Alors même qu’au Congo l’école a été laïcisée et libéralisée, certains pensent qu’on apprend un peu de tout et peut être trop d’éléments pas toujours indispensables à l’apprenant. Nous faisons trop de choses en même temps. Les contenus de nos cursus sont trop denses et occupent l’enfant à des connaissances dont il n’aura jamais besoin dans l’exercice de son métier à l’âge adulte. L’accent devrait plutôt être mis sur l’essentiel dans la formation initiale, et chaque enfant pourra par la suite trouver, en fonction de ses compétences, une voie qui le conduira vers l’apprentissage d’un métier ou la maîtrise d’un domaine d’étude précis.

Emmanuel Mbengué

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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