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L’émergence économique des pays d’Afrique subsaharienne d’ici à 2025 : utopie ou réalité ?

Lundi 29 Juin 2015 - 18:00

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L’année 2025 a été retenue par plusieurs dirigeants des pays d’Afrique subsaharienne comme l’ultime date pour converger leurs économies vers celles des pays riches. Cet audacieux pari peut devenir une réalité structurante si, dans leur trajectoire de développement, les économies des pays concernés améliorent continuellement leur attractivité économique, et accèdent au statut de Nouveau Pays Riche, ultime niveau avant celui de Pays Riche ou Industrialisé sur l’échelle mondiale du Développement.

L’attractivité économique est la capacité d’une économie à attirer continuellement les flux d’investissements directs étrangers et à créer de la richesse, grâce à l’assainissement de sa gouvernance, à la rationalisation de l’organisation de ses activités économiques et au développement de l’incitation de son milieu d’affaires. Elle est mesurée par le rapport entre les flux d’investissements internationaux reçus et le Produit intérieur brut généré par un pays. Cet indicateur synthétique de la performance économique est connu sous le nom de taux d’investissement.

Sa variation sur une longue période permet de distinguer les pays en voie de développement en divergence économique de ceux qui sont en convergence économique avec les pays riches. Les pays divergents ont une attractivité économique très faible par rapport à celle des pays riches, et se maintiennent dans la trappe de la pauvreté, à cause de leur incapacité à résorber les déficits liés aux distorsions structurelles. Les pays convergents ont une forte attractivité économique et peuvent devenir des Nouveaux Pays Riches, s’ils améliorent leur capacité à résorber leurs déficits structurels.

Les rapports sur le développement économique et sur le climat des affaires dans le monde de 2015, publiés par la Banque mondiale, montrent qu’entre 2004 et 2015, les économies de l’Afrique subsaharienne se divisent en deux grands groupes essentiels :

- les économies en divergence économique avec les pays riches  qui ne créent pas assez de richesse et attirent faiblement les flux d’investissements internationaux. Leur émergence économique à l’horizon 2025 est incertaine. Ce groupe est tiré vers le haut par les Lionceaux d’Afrique, économies ayant obtenu une forte croissance du taux d’investissement entre 2004 et 2015, mais souffrant encore des déficits structurels. Dans ce groupe, le Congo a vu son taux d’investissement passé de 20,9% en 2004 à 34% en 2015, comme le Cameroun ( de 16,5% à 20,3%), le Gabon  (de 22,4% à 29,4%), le Tchad  (de 22,6% à 32,9%), le Mali (de 28,2% à 32%), du Niger (de 23,2% à 40,8%),  de la RDC (de 14,3% à 22,7%), de l’Angola (de 12,6% à 14,6%) et de la Côte d’Ivoire de (13,9% à 16,3%).

Les financements de leurs économies par les fonds gouvernementaux, par ceux provenant des institutions de Bretton Woods et d’autres partenaires, améliorent faiblement leur cadre institutionnel et managérial et rendent peu incitatif leur climat d’affaires. Si les reformes nécessaires ne sont pas entreprises efficacement, au mieux, ces économies stagneront à leur niveau actuel à l’horizon 2025. Au pire, elles régresseront vers la base de l’échelle mondiale du Développement, où sombrent déjà les économies les moins avancées ;

- les économies en convergence économique avec les pays riches pour lesquels l’émergence économique à l’horizon 2025 sera certaine. Ce sont les Lions d’Afrique, pays ayant une croissance soutenue du taux d’investissement, une gouvernance, un cadre organisationnel et managérial relativement sains, et bénéficiant d’un milieu d’affaires incitatif. Parmi ces pays, certains ont stabilisé leur taux d’investissement comme l’Afrique du Sud, où ce taux est passé de 19,9% en 2004 à 19,5% en 2015, et le Sénégal avec un taux de 26,3% contre 26,2%. D’autres pays ont connu une légère augmentation de ce taux comme le Ghana, où il est passé de 22% à 25,9%, le Kenya (de 17,2% à 20,7%), le Burundi (de 18,1% à 18,7%). Le Nigéria est le seul Lion d’Afrique où ce taux a baissé  en passant de 16% à 15,2%.

Dans cette dernière trappe, l’Afrique du Sud a atteint sa maturité économique. C’est le seul Lion d’Afrique qui fait partie des économies émergentes du monde et qui figure depuis 2005 dans le palmarès des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Afrique du Sud), économies en développement les mieux intégrées dans l’économie mondialisée, et appelées à remplacer les Tigres (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong), Nouveaux Pays Riches qui ont terminé leur trajectoire du Développement.

La maturité économique des Lions d’Afrique dépend de la capacité de chacun de ces félins, à capter continuellement les afflux importants d’investissements internationaux, à développer la saine administration et  à inciter son climat d’affaires.

Ainsi, le processus d’émergence économique exige t-il une réelle prise de conscience du Développement, accompagnée d’un travail méthodique mobilisant l’ensemble des acteurs de la vie économique pour qu’il devienne une réalité structurante. Les Lions d’Afrique, en continuant d’améliorer leur attractivité économique, pourront devenir à l’horizon 2025, des Nouveaux Pays Industrialisés.

Quant aux Lionceaux d’Afrique, les meilleurs parmi eux pourront devenir au moins des Lions d’Afrique, s’ils ont le courage de réaliser les réformes nécessaires pour résorber les déficits de la gouvernance, organiser rationnellement leurs activités économiques et rendre plus incitatif leur milieu d’affaires.

L’horizon 2025 risque d’être un long cauchemar pour les Lionceaux d’Afrique les moins engagés et les moins entreprenants.

 

 

 

 

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestio

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Édition Quotidienne (DB)

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