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Les États-Unis à la rencontre de l’Afrique

Lundi 14 Juillet 2014 - 0:10

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Nous l’avons écrit ici même à plusieurs reprises, les Américains vont devoir se préoccuper de l’Afrique infiniment plus qu’ils ne l’ont fait dans les dernières décennies. Profondément  marqués, quoi qu’ils en disent  par la traite négrière et la ségrégation raciale qui en découla, ils ont eu jusqu’à très récemment une perception fausse du continent noir qu’ils jugeaient, dans leur grande majorité, incapable de s’engager sur la voie du développement durable.

Ce manque de clairvoyance a conduit leurs dirigeants à commettre, dans les dernières décennies, trois erreurs historiques majeures :

  1. Laisser se développer, avec leur appui plus ou moins direct, des conflits destructeurs, au Soudan et en République démocratique du Congo notamment, dont ils commencent tout juste à mesurer la dangerosité pour leurs propres intérêts.
  2. Dans le même contexte favoriser, sans le dire réellement, l’action criminelle de sociétés américaines telles que les « fonds vautours » ou les trafiquants de terres rares dont l’activité perturbe et ralentit fortement l’émergence du continent.
  3. Tenir pour négligeable la percée en Afrique de grandes puissances extérieures comme la Chine qui, elles, ne commettaient pas l’erreur stratégique de considérer l’Afrique comme une terre condamnée à la misère et au sous-développement.

Si les États-Unis changent aujourd’hui de braquet dans la course de fond qui oppose désormais les « grands » sur le continent, ce n’est pas parce que leur président est issu de la communauté noire, mais parce que les institutions qui détiennent la réalité du pouvoir – le Congrès, le Département d’État, le Pentagone, la CIA et les services de renseignement, Wall Street et les grandes entreprises – ont pris la pleine mesure de l’erreur commise depuis l’accession des pays africains à l’indépendance au début des années soixante du siècle précédent.  C’est aussi parce que les rapports de force changent rapidement sur la scène internationale avec l’émergence de la Chine, la réapparition programmée de la Russie, l’incapacité de l’Europe à s’unir sur le plan politique, l’affaiblissement constant des anciennes puissances coloniales que furent la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie.

Dans un pareil contexte, et alors que les dirigeants américains mesurent enfin la gravité des erreurs commises par leurs prédécesseurs en s’engageant comme ils le firent au Proche et au Moyen Orient, l’Afrique devient tout naturellement un enjeu majeur pour la Maison Blanche. Laquelle, du même coup, doit résoudre les  problèmes essentiels dont dépendent la réussite ou l’échec des actions que les États-Unis entreprendront sur le continent dans les années à venir : comprendre qui sont aujourd’hui les Africains, quels sont leurs atouts et leurs faiblesses, les attentes et les craintes de leurs peuples, comment aider leurs dirigeants présents et futurs à franchir les obstacles qui se dressent sur la voie du développement durable.

Affable, attentif et ouvert, Barack Obama le sera certainement les 4 et 5 août  prochain lorsqu’il recevra à Washington la quasi-totalité des chefs d’État africains pour un Sommet Afrique-États Unis qui s’annonce historique. Il faudra cependant beaucoup plus qu’une grand’messe, aussi bien organisée soit elle, pour effacer un passé fait d’incompréhensions, d’erreurs et de fausses manœuvres. Ceci ne réduira en rien l’importance de l’évènement, mais devrait amener la puissante administration américaine à privilégier, dans le moment présent, l’observation attentive d’un monde qu’elle ne connaît pas bien.

Savoir interpréter les évènements, analyser correctement les évolutions en cours ou à venir, s’informer donc à bonne source sera déterminant pour la réussite de ce « new deal ».

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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