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Les grandes diplomaties sont des univers immuables

Lundi 17 Novembre 2014 - 10:22

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Ce qui le révèle, ce n’est pas une quelconque absence de dialogue au niveau des États. Au contraire, les nations du monde échangent et se parlent beaucoup au travers des forums, des colloques, des sommets, perpétuant ainsi la quête du vivre ensemble qui préoccupe les peuples de tous les continents. Mais, c’est bien lors des prises de parole officielles, en marge ou pendant ces rencontres, que l’on aperçoit la face cachée de l’Iceberg. Du côté des puissances mondiales qui incarnent les relations internationales, les lignes de défense tracées depuis des décennies, voire des siècles, pour défendre leurs intérêts ne bougent pas. Le récent forum de coopération Asie-Pacifique de Pékin, en Chine, les 10-11 novembre, en a encore donné la mesure. Observons les faits et gestes du  trio Barack Obama-Xi Jinping-Vladimir Poutine, les trois présidents des puissances qui comptent aujourd’hui que sont les États-Unis, la Chine et la Russie.

Parce qu’ils sont en froid depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, peut-être même bien avant, les présidents américain, Barack Obama, et russe, Vladimir Poutine, ne sont parvenus à se serrer la main à Pékin que pour ne pas trop avancer sur les dossiers ukrainien, syrien et iranien qui les tourmentent. Le premier considère, en effet, s’agissant notamment de l’Ukraine, que Moscou se rend coupable d’immixtion dans le conflit qui oppose le pouvoir désormais pro-occidental de Kiev aux régions séparatistes ukrainiennes pro-russes, et que cela doit cesser. Pour l’y contraindre, Washington, appuyé par les capitales européennes alliées, a déployé une  échelle de sanctions qui étouffent l’économie russe et raidissent les dirigeants du Kremlin.

Pour Vladimir Poutine, le fait même que l’Ukraine, située aux portes de la Russie, avec qui elle partage une longue histoire, devienne en un tour de main, le hublot à travers lequel l’ennemi occidental scrutera à son aise le quotidien de l’exécutif russe est tout simplement inadmissible. Moscou vit sans doute tout ceci comme de la provocation mélangée à du harcèlement, et semble s’accommoder de ce bras de fer à un contre plusieurs. D’où sa volonté affichée de constituer avec la Chine un axe qui entend renforcer ses liens au double plan politique et économique. Comme naguère, du temps de la guerre froide, les grandes puissances gardent leurs jumelles allumées pour ne pas se laisser prendre de vitesse par l’autre. La chute du Mur de Berlin, dont on venait de célébrer les 20 ans, le 9 novembre, n’aura pas brisé tous les tabous.

Même chose donc, lorsque les présidents américains et chinois s’exprimaient au forum de Pékin. L’un après l’autre, Barack Obama et Xi Jinping rendaient hommage à l’idée qu’une parfaite coopération entre leurs deux pays aurait des effets bénéfiques sur le monde : « Si nous travaillons ensemble, le monde en profitera », concédait le chef de la Maison Blanche. Travailler ensemble ? Pékin et Washington ont de quoi avancer sur ce chemin, en particulier dans les domaines économiques et commerciaux, mais avec des  idées reçues tellement fortes chez tous que leur volonté réciproque de puissance les en éloigne presque convenablement. Et quand les Etats-Unis appellent au respect des droits de l’homme, la Chine invite à la fin des ingérences, au respect des différences. On en reste là, depuis la nuit des temps, au nom de la diplomatie du « meilleur des mondes vu par moi seul ».
 

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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