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Les leçons d'un conflit

Samedi 24 Novembre 2018 - 18:52

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Ce que confirme la dégradation continue de la situation dans l'immense région du Sahara et du Sahel est bien le fait que les interventions conduites présentement par des puissances extérieures au continent africain n'ont aucune chance de ramener la paix dans cette partie du monde. Provoquées souvent par l'incapacité des pays riches de prévoir les conséquences de leurs interventions comme on l'a vu en Libye lorsque la France, l'Angleterre et dans une moindre mesure les Etats-Unis ont fait abattre le guide libyen Mouammar Kadhafi, les crises qui se succèdent au Mali et ailleurs ne peuvent qu'empirer au fil du temps.

Enoncer ce genre de jugement ne peut, bien sûr, qu'agacer les bonnes âmes qui, à Paris et ailleurs, n'ont toujours pas tiré les conclusions de leurs erreurs passées. Mais les temps à venir se chargeront d'en confirmer le bien-fondé et c'est pourquoi il convient de le dire, de le redire, de l'écrire, de le réécrire sans le moindre complexe. En ajoutant, toutefois, ce qui suit dont l'évidence s'imposera tôt ou tard quoi qu'en pensent aujourd'hui les stratèges occidentaux et qui pourrait ouvrir, un jour prochain,  une porte de sortie aux puissances qui croient encore naïvement que le déploiement sur le terrain d'engins militaires sophistiqués tels que les drones et autres produits des nouvelles technologies permettra de résoudre les problèmes insolubles auxquels leurs troupes se trouvent confrontées dans les zones de conflit.

Seuls, en vérité, les peuples directement concernés peuvent mettre un terme aux guerres intestines qui les ravagent. Mais si l'on veut que leurs dirigeants relèvent les défis  de  toute  nature – sous-développement,  misère,  tensions ethniques  et religieuses, trafics  en  tous genres sur lequel surfent les tenants de la violence armée –  il faut leur donner les moyens d'accélérer fortement le développement de leurs nations. Or ces moyens économiques, financiers, techniques, seuls les pays riches de l'hémisphère nord les ont en ce moment à leur disposition. D'où la nécessité impérieuse de les mettre enfin à la disposition des nations du Sud, exactement comme ce fut le cas lorsqu'au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis lancèrent le Plan Marshall qui permit aux peuples européens de se redresser après s'être étripés cinq années durant.

Plutôt donc que d'agir en ordre dispersé sans mettre en place la véritable stratégie qui permettrait une coordination efficace de leurs efforts en faveur de la paix, les pays riches de l'hémisphère nord – y compris la Russie, la Chine et l’Inde – feraient bien de se concerter afin de proposer à l'Union africaine l'aide multiforme dont celle-ci a aujourd'hui besoin pour prévenir ou gérer les crises.

S'ils le font rapidement et fortement, ils ne contribueront pas seulement à instaurer une paix durable dans tout le nord et le centre du continent. Ils éviteront aussi les nouveaux drames en série qui se préparent au vu et au su de tout le monde, même si personne ne veut regarder la vérité en face. Mais aussi et surtout ils se protègeront eux-mêmes contre les effets dérivés et dévastateurs des crises auxquelles nous assistons dans la zone sahélo-saharienne et qui descendent  lentement mais sûrement vers l'Afrique centrale, l’Afrique occidentale, l'Afrique orientale.

Pour ne citer que cet exemple, seule une telle coopération entre les nations du Sud et du Nord peut mettre fin dans les décennies à venir au flux incontrôlable des migrants africains qui tentent de survivre en gagnant aujourd'hui l'Europe et demain la Russie, l'Asie, les Amériques. Avec l’effet désastreux que constitue la remontée du populisme sur le Vieux continent.

Tout le problème, aujourd'hui, est de savoir si les consciences s'éveilleront dans les pays riches avant que des dizaines de millions d'êtres humains paient de leur vie le refus de regarder la vérité en face. Exactement comme cela s'est produit il y a soixante-dix-huit ans par la faute des Européens.

 

         

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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