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Les leçons d’un voyage en Asie

Lundi 13 Novembre 2017 - 10:03

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La tournée de dix jours que vient d’effectuer Donald Trump en Asie ne garantit évidemment pas que la première puissance du monde empruntera, dans le proche avenir, la voie de la sagesse plutôt que celle de l’outrance comme semblaient l’indiquer les premiers actes du nouveau président des Etats-Unis. Mais elle envoie à la communauté internationale plusieurs signaux forts que l’on peut ainsi résumer.

° Premier signal : la puissante Amérique reconnaît officiellement le rééquilibrage des relations internationales que génèrent l’affirmation de la Chine et le retour de la Russie sur la scène mondiale. En témoignent la chaleur mais également  la modération des propos que sa plus haute autorité a tenus lors des entretiens qu’elle a eus avec Xi Jinping à Beijing. En témoigne, peut-être plus encore, l’ampleur des contrats  - 253 milliards de dollars ! -  passés à cette occasion entre la Chine et les Etats-Unis. Aux tweets ravageurs et donc irresponsables que Donald Trump balançait régulièrement contre les dirigeants de l’ex-Empire du milieu ont succédé des propos très diplomatiques prônant, y compris à l’égard de la Corée du nord, la paix plutôt que la guerre, le commerce plutôt que l’affrontement.

° Deuxième signal : le changement brutal d’attitude et de propos de la plus haute autorité américaine lors de sa tournée en Asie confirme que l’Etat américain, autrement dit l’administration fédérale, a repris la main, sans le dire ouvertement, sur la Maison-Blanche. Certes, rien ne permet de dire que ce changement stratégique est définitif tant est imprévisible le comportement de Donald Trump qui est plus celui d’un homme d’affaires milliardaire que celui d’une haute personnalité politique. Mais la puissance souterraine de l’appareil d’Etat aux Etats-Unis est telle que si le président américain ne respecte pas les us et coutumes de la Maison-Blanche, il n’aura aucune chance de finir son mandat dans le « bureau ovale » où il siège aujourd’hui.

° Troisième signal : la longueur du séjour que le président américain a effectué en Asie et la diversité des pays qu’il a visités à cette occasion – Japon, Corée du sud, Chine, Vietnam, Philippines ! – est le signe annonciateur, ou plus exactement la confirmation, d’un mouvement historique qui conduira dans les années à venir les Etats-Unis à faire de ce qu’était jadis le Tiers-Monde le point focal de sa diplomatie. Consciente que l’Asie, l’Afrique, l’Amérique latine sont d’ores et déjà les véritables moteurs du devenir de la planète, la haute administration américaine s’emploie maintenant à renforcer sa présence sur les trois continents plutôt qu’en Europe. En témoignent, pour ce qui concerne plus précisément l’Afrique, la modernisation des ambassades et plus encore le renouvellement des équipes diplomatiques américaines.

° Quatrième signal : la combinaison des trois mouvements précédents accélèrera, probablement à court terme, la modification en profondeur de la gouvernance mondiale qui se dessine depuis le début de ce nouveau millénaire. Jusqu’à présent dominées par les Etats-Unis et l’Europe Occidentale, l’Organisation des Nations unies et les institutions internationales qui en sont les piliers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale vont devoir s’adapter aux changements stratégiques majeurs que provoque la percée humaine des nations du Sud. La Chine et, dans une moindre mesure, la Russie étant les moteurs de cette évolution, les Etats-Unis vont devoir prendre place à leur tour dans ce processus historique s’ils veulent demeurer dans la course. Et c’est bien ce que laisse prévoir la visite de Donald Trump en Asie.

Conclusion de ces quelques remarques : nous sommes bien à un tournant de l’Histoire moderne. Que Donald Trump reste à la Maison-Blanche ou qu’il en soit exclu par la voie de l’ « impeachment » qui se dessine à son encontre,  les Etats-Unis n’ont pas d’autre solution que de se rallier à ce vaste mouvement. Si, du moins, ils veulent continuer à jouer un rôle dans la conduite des affaires mondiales.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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