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L’Europe au gré des flots …

Samedi 6 Février 2016 - 13:08

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Chaque jour qui passe démontre que l’Europe s’enfonce, sans vraiment s’en rendre compte, dans une crise politique et institutionnelle qui, à terme plus ou moins rapproché, peut la faire imploser. Comme un navire qui n’a plus ni moteur ni pilote, elle vogue au gré des flots, emportée par des courants contraires qui la précipiteront un jour prochain sur les rochers si rien n’est fait à Bruxelles pour stopper cette dérive.

Que ceux qui doutent de la justesse de cette analyse considèrent les évènements se déroulant sous leurs yeux depuis des mois et dont voici une liste non exhaustive : les multiples rebondissements de la crise grecque, les interminables discussions visant à empêcher le « Brexit » qui se traduirait par le retrait pur et simple de la Grande-Bretagne, l’incapacité des nations européennes à s’entendre pour gérer l’afflux massif des migrants vers leurs côtes, la résurgence des frontières au sein même de l’Europe afin de contrôler les mouvements humains, la prise de contrôle progressive des institutions de l’Union à Bruxelles par une technocratie toute puissante, le fossé économique qui se creuse entre les pays du nord emmenés par la vertueuse Allemagne et les pays du sud peu soucieux de leur équilibre financier, la division des gouvernements face aux mesures à prendre pour combattre le terrorisme, l’incohérence des actions diplomatiques, la non organisation d’un système de défense propre à l’Europe, etc. etc…

La dérive de l’Europe qui se produit sous nos yeux est le fruit de l’erreur historique commise par l’Allemagne, la France et dans une moindre mesure l’Angleterre lorsqu’au lendemain de l’effondrement du bloc soviétique constitué par l’URSS, c’est-à-dire au début des années quatre-vingt-dix du siècle précédent, ces trois puissances décidèrent d’intégrer dans leur rang les pays de l’Europe de l’Est. Ouvrant une boîte de Pandore dans l’espoir, illusoire bien sûr, qu’elles construiraient sur leurs frontières orientales un mur les mettant définitivement à l’abri de la Russie, les trois nations dominantes de la Vieille Europe ont détruit de fait l’unité qu’elles avaient réussi, non sans mal, à édifier au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et comme elles n’ont pas été capables de prévoir la réapparition de la Russie sur la scène internationale, deux décennies plus tard elles se retrouvent prises dans leur propre piège, incapables d’influer sur le cours des évènements à venir comme le démontre de façon accablante la gestion de la crise en Syrie où ni l’Europe ni les puissances qui la composent ne jouent le moindre rôle quoi qu’elles prétendent.

L’Histoire dira si l’Union Européenne aura été ou non capable de faire taire les mauvais démons qui la détruisent. Mais en attendant que cette même Histoire délivre son verdict, les partenaires du Vieux continent feraient bien de prendre les dispositions qui s’imposent afin d’éviter d’être touchés eux-mêmes par les éclats de l’implosion du Vieux continent si celle-ci venait à se produire dans les mois à venir. Dans des domaines aussi stratégiques que la sécurité, la défense, le renseignement, la finance, la monnaie ou le commerce, l’affaiblissement brutal de l’UE génèrerait à coup sûr une aggravation des divergences entre les gouvernements qui aurait inévitablement des répercussions sur l’ensemble du monde.

 

Même si cela ne se voit pas les grandes puissances ont d’ores et déjà pris la mesure des problèmes, mais aussi des avantages que la dérive continue de l’Europe peut leur procurer. Les Etats-Unis, même s’ils s’en défendent officiellement, ont entrepris de remettre sous tutelle le Vieux continent pour ce qui concerne notamment sa défense et si l’Afrique devient au fil des jours l’une des préoccupations stratégiques majeures de la Maison Blanche c’est précisément parce qu’elle a conscience que la capacité d’intervention des anciennes puissances coloniales sur le continent se réduit de jour en jour comme une peau de chagrin. Quant à la Russie, à la Chine et dans une moindre mesure à l’Inde elles s’organisent de façon évidente pour prendre la place de ces mêmes nations dans les domaines les plus divers, tout particulièrement dans la construction des grandes infrastructures qui permettront au continent d’accélérer son émergence dans les dix années à venir.

 

Triste bilan que celui-là, n’est-il pas vrai ? Les Pères fondateurs de l’Europe doivent se retourner dans leur tombe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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