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L’Europe coupable de crime contre l’humanité

Lundi 7 Octobre 2013 - 0:15

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La tragédie qui s’est déroulée la semaine dernière au large de la petite île italienne de Lampedusa et sur laquelle s’est focalisée pendant quelques heures l’attention des médias internationaux n’est que la partie émergée d’un iceberg qui ne cesse de grandir au fil des ans. Parce qu’elle a entraîné la mort atroce de centaines de migrants venus de la Corne de l’Afrique, elle a suscité une vague d’indignation qui sera très vite recouverte par l’actualité et qui, de ce fait, permettra aux Européens de fermer rapidement les yeux sur un crime contre l’humanité dont ils sont largement responsables.

Rappelons d’abord, pour cadrer précisément notre propos, que le déferlement des migrants africains vers le vieux continent ne se limite pas aux côtes italiennes de la Méditerranée. Il s’étend en réalité de la Grèce à l’Espagne et même à l’Afrique du Nord puisque les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en terre marocaine, sont à intervalles réguliers le théâtre d’incidents graves provoqués par la prise d’assaut de leurs frontières par des migrants venus d’Afrique de l’Ouest. Au total, ce sont des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui tentent chaque année de gagner l’Europe afin de vivre mieux et, parmi eux, des dizaines de milliers qui y laissent leur vie.

Chacun sait que la cause première de cette émigration sauvage est le sous-développement dans lequel baignent toujours les pays du Sud et qui pousse les plus jeunes à tenter d’atteindre un eldorado sur lequel ils se font de grandes illusions puisqu’il mettra tout en œuvre pour les repousser. Tout, y compris la violence et le mépris comme le montrent les récits que font de nombreux rescapés de la terrible aventure qu’ils ont vécue en tentant par tous les moyens de gagner l’Europe.

Ce que l’on sait moins, en revanche, ou plus exactement ce que les Européens refusent de considérer, c’est que la migration sauvage dont ils s’efforcent de se protéger par tous les moyens est la conséquence directe de leur égoïsme et, surtout, de leur refus d’assumer les conséquences de leur propre passé : de leur égoïsme, d’abord, car s’ils se préoccupaient de construire avec les pays du Sud une véritable coopération, s’ils contribuaient de façon efficace à l’émergence de l’Afrique, la migration sauvage qui les submerge se réduirait rapidement ; ensuite de leur refus de réparer les abus dont ils se sont rendus coupables, car c’est l’exploitation brutale, sauvage, impitoyable des ressources naturelles de l’Afrique à laquelle ils se sont livrés pendant l’ère coloniale sans se préoccuper du développement des pays qu’ils asservissaient qui a fondé leur prospérité présente.

Cette réalité, les peuples européens, enfin rassemblés dans une communauté pacifique et organisée, oublient ou refusent de la considérer alors qu’elle se trouve à l’origine directe des drames du temps présent dont ils sont en réalité les vrais responsables. Tandis que les anciennes puissances coloniales se déchargent sur l’Union européenne des programmes d’aide et de coopération sur lesquels elles s’étaient engagées au lendemain des indépendances, les institutions de Bruxelles mettent tout en œuvre, elles, pour freiner le plus possible l’aide apportée au tiers-monde. Un double mouvement qui permet au vieux continent de ne pas réparer les violences commises par lui au siècle dernier pour s’approprier les richesses de l’Afrique.

Le drame qui vient de se produire au large de Lampedusa rappelle de façon tragique que l’Europe, en fermant obstinément ses frontières, commet un crime contre l’humanité qui n’a pas de précédent dans l’Histoire. Un crime dont elle devra un jour ou l’autre rendre des comptes.

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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