Libye : plusieurs morts et près de 3000 personnes déplacées par les combats

Lundi 8 Avril 2019 - 18:45

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Le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est du pays, poursuit son offensive sur Tripoli et toute la partie ouest. De violents affrontements opposant ses troupes à ses rivaux du Gouvernement d’union nationale (GNA) ont déjà provoqué des pertes en vies humaines et matérielles ainsi que des déplacés, a-t-on appris.

Des témoins font état des combats qui font rage dans le périmètre de l’aéroport international, situé à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale. Selon un communiqué, un avion militaire non identifié a mené, le 8 avril, une frappe contre l’aéroport de Mitiga, le seul fonctionnel dans la capitale libyenne, situé dans la banlieue-est de Tripoli. Une source de sécurité sur place a indiqué que le raid qui visait une des pistes d’atterrissage n’a pas fait de victimes.

Après la frappe aérienne qui a visé cet aéroport, les autorités aéroportuaires ont suspendu le trafic aérien dans la capitale, selon la compagnie nationale Libyan Airlines et une source aéroportuaire. L'Autorité de l'aviation civile a décidé de « suspendre le trafic aérien jusqu'à nouvel ordre », a confirmé le porte-parole de Libyan Airlines, Mohamad Gniwa.

Des affrontements ont été signalés également à Wadi Rabi, dans le sud de Tripoli. Un nouveau bilan du ministère de la Santé du GNA fait état d’au moins trente-cinq personnes tuées dont des civils et une quarantaine de blessées depuis le lancement de l’offensive du maréchal Haftar. Quant à ses forces, elles ont fait état de plus d’une dizaine de leurs combattants tués.

Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui a indiqué que plus de deux mille huit cents  personnes ont déjà été déplacées par les combats, a exprimé sa « préoccupation » face à cette situation, et appelé les belligérants « à assurer la sécurité de tous les civils » et un accès humanitaire « permanent ».

Le maréchal Haftar est déterminé à prendre Tripoli grâce à son autoproclamée Armée nationale libyenne qui bénéficie du soutien des institutions parallèles au GNA basé dans la capitale. Cet exécutif reconnu par la communauté internationale est soutenu par de puissantes milices. Pour faire face aux troupes de Khalifa Haftar, ces forces ont promis, avec le soutien de toutes les régions du pays, une contre-offensive nommée « Volcan de la colère » pour « nettoyer toutes les villes libyennes des agresseurs » liés à ce dernier.

Du côté de l’ONU, à New York, alors que les combats font rage en Libye, les grandes puissances ont échoué à se mettre d’accord sur une déclaration appelant les forces du maréchal Khalifa Haftar à cesser leur assaut contre la capitale libyenne. Le texte soutenu, entre autres, par les Etats-Unis, et présenté au Conseil de sécurité le 7 avril, a été bloqué par la Russie qui tient à ce que « toutes les parties » soient appelées à la retenue pour éviter « un bain de sang ».

Les Etats-Unis, la mission de l’ONU en Libye, l’Union européenne, pour ne citer que ces exemples, ont demandé au maréchal Khalifa Haftar d’arrêter son offensive contre Tripoli et de revenir à la table des négociations pour éviter une guerre civile dans le pays. Mais, les deux camps rivaux ont ignoré les appels de la communauté internationale.

Le maréchal Khalifa Haftar, il faut le signaler, est de longue date soutenu par l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, trois pays avec lesquels la France entretient de bonnes relations diplomatiques et militaires. Quant à la France qui se pose en médiateur entre les deux camps libyens, elle est régulièrement accusée de favoriser l’homme fort de Cyrénaïque (est) dans la guerre contre les pro-GNA. Rome, au contraire, soutient de longue date les autorités du camp du Premier ministre, Fayez-al-Sarraj.

 

Chaos libyen depuis la chute de Mouammar Kadhafi

Malgré les appels de la communauté internationale à la cessation des hostilités, les forces loyales à l’homme fort de l’est du pays, le maréchal Khalifa Haftar, sont toujours engagées dans une offensive pour prendre l’ouest du pays, dont Tripoli la capitale, au moment où il est envisagé l'organisation d'une conférence interlibyenne dans le but d’y ramener la paix.

Le guide libyen tué

Tout a commencé en février 2011, dans le sillage du Printemps arabe, lorsqu’une contestation violemment réprimée par le régime Kadhafi, débuta à Benghazi (est) avant de s’étendre dans le pays. Le mois suivant, une coalition emmenée par Washington, Paris et Londres lança une offensive militaire contre le régime en place, notamment après un feu vert de l’ONU.

Le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, qui était en fuite depuis août, est tué 20 octobre par les rebelles, après la prise de son Quartier général à Tripoli. Trois jours plus tard, le Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, proclame la « libération totale » du pays. En juillet 2012, le Congrès national général (CGN - parlement) sera élu, permettant ainsi au CNT de remettre ses pouvoirs à l’institution.

Fermeture des ambassades

Malgré cela, quatre Américains, dont l’ambassadeur Christopher Stevens, sont tués dans une attaque contre leur consulat à Benghazi, le 11 septembre 2012. Même si l’attaque n’avait pas été revendiquée, un groupe djihadiste lié à Al-Qaïda fut montré du doigt par le gouvernement américain et les pays occidentaux.

L’année suivante, plus précisément le 23 avril 2013, un attentat à la voiture piégée vise l’ambassade de France à Tripoli et fait deux blessés. Conséquences : la plupart des ambassades étrangères décidèrent de fermer.

Deux autorités rivales dans le pays

La présence des djihadistes dans le pays pousse, le 16 mai 2014, le maréchal Khalifa Haftar, proche de l’Egypte et des Emirats arabes unis, à lancer une opération contre les groupes terroristes à Benghazi. Plusieurs officiers de la région orientale rallient sa force paramilitaire, l’Armée nationale libyenne (ANL).

Dans cet élan, et le 25 juin, soit à la suite de nouvelles élections, le CGN sera remplacé par un parlement dominé par les anti-islamistes. Fin août, après des semaines de combats, « Fajr Libya », une coalition de milices, s’empare de Tripoli et réinstalle l’ancien parlement, le CGN, et un nouveau gouvernement. Ce qui contraint le gouvernement d’Abdallah al-Theni en place jusque-là et le parlement élu en juin à s’exiler dans l’est, donnant lieu au pays de se retrouver avec deux exécutifs et deux parlements.

Après des mois de négociations, notamment en décembre, des représentants de la société civile et des députés signent un accord à Skhirat (Maroc) sous l’égide de l’ONU. Un Gouvernement d’union nationale (GNA) est alors proclamé. Si son chef, Fayez-al-Sarraj, est parvenu, en mars 2016, à s’installer à Tripoli, il faut dire que dans l’est, le cabinet parallèle, soutenu par Khalifa Haftar, et le parlement lui étaient restés opposés.

Des djihadistes chassés

Auparavant, soit en décembre 2016, Fayez al-Sarraj annonça la libération de Syrte, ancien fief du groupe Etat islamique (EI), et affirma que la guerre contre le terrorisme n’est « pas finie », allusion faite aux nombreux attentats suicides meurtriers perpétrés par l’organisation à travers la Libye.  Du côté de l’est, Khalifa Haftar annonce la « libération totale » de Benghazi des djihadistes, le 5 juillet 2017.

Des sommets organisés pour sortir le pays du chaos

Les violences qui se poursuivaient dans le pays ont amené, le 25 juillet 2017, Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar sur la table des négociations. Les deux personnalités, réunies en région parisienne, sur l’initiative de l’actuel président français, Emmanuel Macron, s’engagent à œuvrer pour sortir le pays du chaos. Et en mai 2018, ils s’accordent à collaborer pour organiser des élections à la fin de l'année. Mais celles-ci n’auront pas lieu, puisque l’homme fort de l’est boycotta une conférence internationale sur la Libye, qui devait se tenir en novembre.

Succès de Khalifa Haftar et annonce de la conférence interlibyenne

Fin juin 2018, les forces du maréchal prennent le « contrôle total » de la région dite du « Croissant pétrolier » (nord-est) et s’empare de Derna, bastion des islamistes radicaux et seule ville de l’est échappant jusque-là à son contrôle. Et pas plus longtemps qu’en janvier dernier, elles se lancent à la conquête du sud désertique, s’emparant de son chef-lieu Sebha ainsi que d’al-Charara, un des plus importants champs pétroliers du pays.

Devant cette situation, l’Union africaine appelle, le 11 février, à une conférence internationale et réclame des élections. Ce qui se solde à la fin du mois par un accord entre Fayez-al Sarraj et Khalifa Haftar sur l’organisation d’élections. Le 20 mars, l’ONU annonce une « conférence nationale » à la mi-avril à Ghadamès (centre) pour sortir de la crise.

L'offensive de l’homme fort de Cyrénaïque sur Tripoli

Le 4 avril, les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar lancent une offensive vers la capitale libyenne. Le jour suivant, ses troupes sont repoussées à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Tripoli. Des combats opposent pro-GNA et forces de l’ANL au sud de la ville.

Face au risque d’un nouvel embrasement, la communauté internationale multiplie les appels au calme. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui a rencontré les deux principaux protagonistes dans la crise libyenne, exprime sa « profonde inquiétude ».

Le 6 avril, le GNA mène un raid aérien contre une position de l’ANL dans la région d’Al-Aziziya (sud de Tripoli). Au lendemain de cette opération, de violents combats ont opposé les deux camps rivaux à une trentaine de kilomètres  au sud de Tripoli. L’ANL mène à son tour un premier raid aérien en banlieue de la capitale, poussant le GNA à annoncer une « contre-offensive » généralisée dans « toutes les villes » du pays.

Depuis le début de l’offensive de Khalifa Haftar, les combats entre les deux camps adverses ont déjà fait près d’une quarantaine de morts, selon le GNA, tandis que l’ANL fait état de quatorze morts parmi ses combattants.

 

 

Nestor N'Gampoula

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