Libye : Syrte libérée de l’Etat Islamique ? Rome veut y croire

Lundi 19 Décembre 2016 - 14:31

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Le chef du gouvernement libyen d’union nationale affirme que la victoire sur l’Etat islamique a amorcé un tournant décisif.

La guerre n’est pas finie, mais les signes d’un affaiblissement certain du mouvement djihadiste en Libye sont de jour en jour évidents. Le Premier ministre libyen du Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale a officiellement annoncé dimanche, que Syrte est désormais « libérée ». Fayaz al-Sarraj a fait part de la détermination de son gouvernement à venir à bout du groupe djihadiste, qui s’était établi sur les terres natales du colonel Kadhafi (là aussi où il a fini sa vie, en octobre 2011).

« Après huit mois du début des opérations contre l'Etat islamique dans la ville de Syrte, j'annonce officiellement la fin des opérations militaires et la libération de la ville », a déclaré M. Sarraj. Pourtant le GNA avait déjà annoncé cette « libération » début décembre, à l’occasion de la célébration du premier anniversaire de l’accord qui a donné naissance, sous l’égide des Nations unies et des pays comme l’Italie, au gouvernement que conduit  aujourd’hui M. Fayaz al-Sarraj.

Victoire déclarée trop vite ? A Rome, on suit avec une grande attention l’évolution de la situation libyienne, à la fois pour des raisons historiques et géographiques. L’actuel Premier ministre italien, Paolo Gentiloni, a été pendant deux ans le ministre des Affaires étrangères de M. Matteo Renzi qui a démissionné, il y a dix jours. L’un et l’autre ont forgé une dynamique africaine passant par l’aide à la Libye pour qu’elle retrouve son unité et sorte du chaos. L’installation à Syrte, c’est-à-dire à 300 km seulement des côtes italiennes de l’Etat islamique qui a plusieurs fois menacé de « marcher sur Rome », est une menace que l’Italie ne peut sous-estimer.

D’autant que cette situation a favorisé le transit par la Libye de vastes flux migratoires qui ont d’abord pris l’Italie comme point d’entrée en Europe. Matteo Renzi a lancé le « migration compact », une sorte de Plan Marshall pour les pays africains de provenance de ces migrants, afin d’y créer les emplois et les opportunités économiques qu’ils sont censés venir rechercher dans une Europe où montent les populismes. Renzi et Gentiloni se sont employés à convaincre les pays africains du bien-fondé de cette démarche qui fonde la lutte contre les migrations clandestines en s’attaquant à ses causes. Le dernier pays visité par M. Gentiloni en tant que ministre des Affaires étrangères a été le Niger, point de transit essentiel des migrants en partance vers l’Europe, par la Libye justement.

Tout justifie donc que l’Italie se porte aux côtés de la Libye, à la fois sur la question des migrants et pour sa stabilité aux retombées régionales certaines. L’Italie a brièvement colonisé la Libye (1913-1961); il en est résulté des liens multiformes jamais distendus par les vicissitudes de l’histoire. L’Italie est la première partenaire économique de ce pays, et il y a peu la communauté italienne était la plus importante des communautés étrangères européennes dans le pays. Le groupe pétrolier italien ENI est l’opérateur le plus important en Cyrénaïque.

Or, la Libye est aujourd’hui dirigée par deux gouvernements, dont celui installé à Tobrouk et dirigé par le maréchal Khalifa Haftar, qui n’est pas reconnu par la communauté internationale. A ces deux gouvernements, correspondent aussi deux parlements, et il n’a pas été rare dans un passé récent de voir les armées qui leur correspondent s’affronter. L’objectif du Gouvernement d’union nationale, établi quant à lui à Tripoli la capitale, est de parvenir à la cohésion territoriale, politique et militaire de la Libye.

« La bataille de Syrte est finie mais la guerre contre le terrorisme en Libye n'est pas finie encore », a dit M. Sarraj, qui a souligné la nécessité d'unifier les forces militaires libyennes « dans une seule armée ». Pour l’heure, les différents camps semblent avoir  trouvé plus de raisons de combattre ensemble l’Etat islamique, ennemi commun. Mais il n’est pas impossible que les appétits politiques des uns et des autres fassent voler en éclats cette trêve armée. Le maréchal Haftar était à Alger dimanche, avec l’intention de d’attirer les soutiens de la région en sa faveur.

Voisine de la Libye, l’Algérie est le pays qui avait accueilli pendant plusieurs mois les négociations ayant abouti à l’accord qui a donné naissance à la formation du GNA actuel. Cet accord, fortement voulu par l’ONU, avait été signé en décembre 2015 au Maroc en présence, entre autres, de M. Paolo Gentiloni. Il continue donc de suivre ce dossier d’un œil, tout en dirigeant le gouvernement italien dont il a hérité après la démission de M. Matteo Renzi.

Lucien Mpama

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