Lire ou relire : "Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Márquez

Vendredi 21 Décembre 2018 - 12:27

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Traduit dans presque toutes les langues, l'auteur du roman culte a vendu plus de trente millions de livres dans le monde. Mais il est surtout connu en Afrique pour avoir influencé des écrivains comme Sony Labou Tansi ou encore le Togolais Sami Tchak, dont les textes sont profondément marqués par cette influence latino-américaine dont Garcia Marquez fut l’un des instigateurs. 

Initiateur du « réalisme magique », véritable icône en son pays, l’écrivain colombien, qui s’est éteint en avril 2014, était l’un des derniers géants des lettres d’Amérique latine dont les livres composent les bibliothèques de nombreux écrivains africains.

Tous ceux qui ont un jour lu le chef-d’œuvre de l’écrivain colombien, "Cent ans de solitude", publié pour la première fois en 1967, en ont gardé un souvenir indélébile. Cette grande fresque universelle, qui le fit connaître du grand public, raconte avec une narration virtuose le parcours d’une famille sur six générations, condamnée à vivre cent ans de solitude, par la prophétie d’un gitan. « Cent ans de solitude est le meilleur roman en langue espagnole écrit depuis Don Quichotte », avait formulé Pablo Neruda, autre géant des lettres sud-américaines.

Pièce maîtresse du « réalisme magique », un genre littéraire mêlant éléments de la réalité historique et géographique au merveilleux et au surnaturel, cette incroyable épopée colombienne a captivé des dizaines de millions de lecteurs à travers le monde.
Le roman, non dénué d’humour, transporte le lecteur à travers les guerres et conflits dans un lieu imaginaire : Macondo, village fictif récurrent dans l’oeuvre de García Márquez. Macondo, vraiment imaginaire ? Le lieu a de toute évidence de grandes similitudes avec un village que connaît bien Gabriel García Márquez : Aracataca. Voilà l’endroit où est né celui qui était considéré comme le patriarche des lettres colombiennes. C’est dans l’atmosphère tropicale de cette bourgade du nord de la Colombie, cernée de plantations bananières, que Gabriel García Márquez a puisé, tout au long de sa vie, une grande partie de sa féconde inspiration.

Il naît en 1927, l’année du massacre, dans la région d’Aracataca, des ouvriers des bananeraies, en révolte contre les patrons. Il était l’aîné de onze enfants, le fils d’un télégraphiste et d’une jeune fille de la bourgeoisie locale. Mais il fut surtout élevé par ses grands-parents maternels. Haut en couleurs, anticlérical, son grand-père, dit le « Colonel », est un vétéran de la Guerre des mille jours, un libéral s’étant battu en vain, au tournant du XXe siècle, contre le gouvernement conservateur colombien. Superstitieuse, sa grand-mère, imaginant sa maison peuplée de fantômes, pleines de présages et de prémonitions, avait le don de traiter les choses extraordinaires comme si elles étaient tout à fait naturelles, dira-t-il. Un terreau familial fertile pour se créer un univers bien à soi.

A partir de 1936, le jeune homme vit désormais avec ses parents entre Sucre et Barranquilla, où il fait ses études primaires chez les jésuites. Boursier, il obtient son baccalauréat à Bogota, en 1946, puis abandonne ses études de droit. Ballotté entre la capitale et Carthagène, il mène une existence solitaire. Il décide de se lancer dans le journalisme, tout en continuant à vouloir devenir écrivain. C’est, d’ailleurs, grâce à la presse que cet admirateur d’Hemingway, Joyce ou Faulkner publie ses premiers contes tels " La troisième résignation" ou "Récit d’un naufragé".

Il finit par publier, en 1955, son premier roman, "Des feuilles dans la bourrasque". Echec : l’ouvrage n’est vendu qu’à quelques centaines d’exemplaires, après avoir été longtemps ignoré des éditeurs.
C’est là qu’il décide de partir pour l’Europe, correspondant pour le journal "El Espectador". Mais le quotidien colombien ferme bientôt ses portes selon la volonté du dictateur Rojas Pinilla. C’est le temps des vaches maigres. Ses biographes ont, notamment, raconté sa vie de miséreux à Paris, à peine capable de se payer un ticket de métro.

De retour en Amérique latine, jeune marié, il s’envole pour Cuba pour qui il avait créé à Bogota une antenne locale de la nouvelle agence de presse Prensa latina, puis le Mexique. C’est là, sur la route d’Acapulco, que lui vient à l’esprit cette phrase inoubliable.

C’est le célèbre incipit de "Cent ans de solitude", roman fleuve qu’il mettra douze mois à rédiger et, selon la légende, en consumant trente mille cigarettes. Gabriel García Márquez est en route pour la gloire.

Pour l’Espagne, l’écrivain apparaît comme le symbole du boom littéraire hispano-américain, aux côtés du Péruvien Mario Vargas Llosa ou encore du Mexicain Carlos Fuentes.

Superstar mais fidèle à ses idées révolutionnaires, l’auteur s’invite dans le débat politique. Il décide de se laisser pousser la barbe tant que Pinochet reste au pouvoir, claque la bise à François Mitterrand, tout en demeurant un fervent soutien du régime castriste. Il aura la bonne idée de laisser la politique pure hors de ses écrits, comme en témoignent les romans à suivre, gorgés de violence et d’ironie, marqués par les thèmes de la guerre, de la mort, de l’amour et de la solitude.

"L’automne du patriarche", "Chronique d’une mort annoncée" ou "L’amour au temps du Choléra"... Tous sont salués par la critique.

La consécration ultime surviendra avec le Prix Nobel de littérature, qui lui est décerné en 1982, plusieurs années avant qu’il apprenne être atteint d’un cancer lymphatique. Ses dernières œuvres s’intitulent "Mémoire de mes putains tristes" et "Vivre pour la raconter ", un recueil de souvenirs. Deux livres au titre a posteriori ironiques quand on sait que sur la fin de sa vie, García Márquez, souffrant d’amnésie, ne se souvenait, selon ses proches, même plus du titre de ses livres.

Il meurt le 17 avril 2014 à son domicile de Mexico. Les hommages affluent du monde entier et le gouvernement colombien décrète trois jours de deuil national.

 

Boris Kharl Ebaka

Légendes et crédits photo : 

couverture de l'ouvrage

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