Lire ou relire: « Postite » de Jean Marie Bamokena

Samedi 2 Juin 2018 - 13:23

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Publié aux éditions La Doxa en 2015, la pièce de théâtre au contenu assez rare, écrite dans un style proche de Beaumarchais ou de Molière, est structurée en trois actes qui mettent en scène des réalités actuelles portant sur les intrigues de palais.

Toutes les scènes de la pièce se déroulent quasiment dans la maison de Kudia-Kubanza, ministre d'un pays imaginaire. Ce ministre d'Etat est un personnage cynique et inconstant, avec un passé peu élogieux. Il doit son ascension sociale aux récompenses relatives aux crimes et au clientélisme en faveur d'un ami d'enfance qu'il a aidé à devenir chef d'Etat. 

Autour du cercle du pouvoir, oubliant de servir l'intérêt commun, chacun veut avoir sa part du gâteau au prix de la résignation à toutes formes de bassesse et de maléfices. Le pays, à cause des hommes au caractère exécrable qui succèdent à sa tête, est divisé en différents clans, les sud-nord, les est-ouest et les originaires du centre.

Cette pièce est vraiment une thérapie contre le repli identitaire et les pratiques ségrégationnistes. On y lit: «Un siècle après César, les Germains (race considérée supérieure aux autres par Hitler) n'avaient adopté de la civilisation romaine que deux coutumes : la boisson et le jeu », page175.

William Shakespeare écrivant dans Comme il vous plaira que « le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Chacun y joue successivement les différents rôles d'un drame en sept âges ». Sur ce profil, Jean-Marie Bamokena, futé dramaturge, construit des dialogues dans lesquels interviennent les membres issus de toutes les classes sociales. Les domestiques, les cadres militaires et civils, les universitaires et les hommes politiques, chacun donnant son opinion sur la gestion de la cité.

La pièce fait état des vérités et des rumeurs qui sont chuchotées dans le cadre privé. La cupidité des prétendants aux différents postes de l'Etat entraîne une nouvelle pathologie, la « postite », type de dépression qui, dans la pièce, concerne une bonne partie des déchus du pouvoir. Parmi ceux-ci, Kudia-Kubanza, sorti du gouvernement en remplacement de son neveu et directeur de cabinet.

Dans ce texte de cent quatre-vingt-quatorze pages, le vice côtoie la vertu et vice versa. Les raisonnements les plus abjects font place aux débats philosophiques qui essaient de cerner les raisons de la déchéance des mœurs. Quelques personnages non chauvins marquent, par l'éclairage de leurs propos, une certaine lueur de lucidité et d'humanité dans la trame.

L'originalité dans la structuration de la pièce est l'écriture attrayante. Postite peut sans nul doute être admise parmi les chefs-d'œuvre dramatiques de la littérature congolaise. L'écrivain congolais Jean-Marie Bamokena est également auteur des pièces de théâtre Le chef de famille malgré lui et Quand le sida s'en mêle qui ont été respectivement couronnées Meilleure pièce de théâtre populaire 2008 et Meilleure pièce de théâtre de sensibilisation 2010 par les Grands Prix Afrique du théâtre francophone à Cotonou, au Bénin.   

 

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Photo/Couverture de l'ouvrage

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