Littérature : " Babingo, au nom des acculturés" de Moussibahou Mazou

Samedi 23 Février 2019 - 10:45

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Considéré comme un vibrant plaidoyer pour l’instauration des langues nationales dans le système scolaire africain de l’espace francophone, le roman à thèse a été présenté le 20 février, à l’Institut français du Congo, dans le cadre des activités liées à la Journée internationale des langues maternelles.

À travers son roman de deux cent soixante-dix pages paru en 2018, aux éditions Flamboyant et communications, au Bénin, l’auteur parle de Makouta qui était un indigné évolué, fier de communiquer dans sa concession exclusivement dans la langue française avec Madeleine Mamatouka (son épouse), Alex (son unique garçon) et les autres enfants de la famille. La scène se passe en 1950, à Pointe-Noire. En effet, Makouta ne voulait, à aucun prix, que les membres de sa famille révèlent un accent bantou, en s’exprimant dans la langue de la Métropole. Et quiconque s’aventurait à parler le kituba avec les domestiques de la maison familiale était passible d’une sévère réprimande.

L’intransigeance paternelle était, bien entendu, en contraste avec l’ambiance dans le quartier et au long de la route menant à l’école. Et c’est naturellement que Tessa, voisine dans le quartier, parvint à convaincre l’adolescent Alex Babingo de l’absurdité de la consigne de Makouta. « Alex Babingo était alors bien loin de s’imaginer que braver l’interdit paternel n’était que le début d’un itinéraire qui devait, de l’autre bout du monde, le ramener aux racines même de sa culture et de ses traditions », lit-on à la quatrième de couverture du roman.

Interrogé sur les motifs l’ayant conduit à écrire cet ouvrage, Moussibahou Mazou a rappelé qu’il a voulu faire la différence entre les langues nationales et la langue maternelle. D’après lui, on ne peut pas se développer si les référents sont de l’extérieur. « Je voudrais exprimer une souffrance, Makouta c’est un peu moi-même et si je me réhabilite, je suis un peu Babingo. La culture c’est ce que nous avons comme patrimoine, comme héritage que nous allons passer aux générations suivantes. Il n’y a pas de développement sans conscience, sans identité, sans langue », a-t-il expliqué.

Présenté par le Pr André-Patient Bokiba de la Faculté des lettres, arts et sciences humaines (Flash) de l'Université Marien-Ngouabi, sous la modération d’Emilienne Raoul, enseignante de géographie à la même université, ce roman de vingt-deux parties a donné lieu à trois communications. Langue, culture et développement ; les mécanismes linguistiques de l’auto-aliénation ; langue : entre psychisme et culture. Ces communications ont été faites respectivement par Auguste Miabeto et Josué Ndamba, tous deux membres du Centre international de recherche-éducation sur la civilisation kongo, ainsi que par le Pr Julien Bambi de la Flash. Elles ont presque toutes souligné la menace de disparition des langues maternelles à l’avenir.

Ils ont dit…

Quant aux débats ayant précédé la dédicace de l’ouvrage, ils ont été très animés au regard du profil des participants parmi lesquels les enseignants, les chercheurs, les responsables des confessions religieuses, les acteurs politiques et bien d’autres. Notons que ces débats ont tourné autour de l’introduction des langues nationales dans le système scolaire et la position des participants.

Le Pr Mukala Kadima-Nzuji : « Les enseignements se font en français, une langue étrangère que beaucoup d’élèves et d’étudiants ne comprennent pas. Quand ils rentrent chez eux ou se retrouvent en séance de répétition, ils sont obligés de traduire les notions apprises en français dans une langue africaine pour mieux assimiler la leçon. En dehors de cela, c’est très difficile parce qu’ils ne comprennent pas tous les concepts, les mots utilisés, bref la langue ».

Pour le Pr André-Patient Bokiba, le problème de la langue est celui de l’identité, de l’individualité de quelqu’un. « Il faut que nous soyons fiers de ce que nous sommes, à commencer par manger nos produits et ce que nous préparons. Il faut que nous parlions absolument nos langues sinon il y a risque de disparition. Il ne s’agit pas d’évacuer la langue française, mais il est absolument important que, dans nos familles, pour la sauvegarde de notre identité, nous sachions parler nos langues, que nous soyons fiers d’être ce que nous sommes au lieu de regarder ailleurs », a-t-il estimé.

Docteur en économie du développement, Moussibahou Mazou est arrivé au Congo adolescent. Il est auteur de "L’Union postale universelle, passé présent et avenir", paru à Paris, publié en 2004 aux éditions Maisonnerie & Larose ; "Omanga ou l’exil en héritage", aux éditions Harmattan, Paris 2014.  

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

- Moussibahou Mazou dédicaçant son roman aux côtés de l’ancienne ministre, Emilienne Raoul / Adiac - Une vue de la salle/Adiac

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