Littérature : influence latino-américaine chez les auteurs africains

Samedi 14 Mars 2015 - 9:24

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L’héritage latino-américain auprès des auteurs africains s’observe à certains égards autour de ce tissu de brassage qu’est l’écriture.

De Sony Labou Tansi en passant par Tierno Monénembo ou encore Sami Tchak, l’Amérique latine se traduit chez ces trois romanciers aussi bien par des faits d’intertextualité que d’influences littéraires relève t-on dans le dossier réalisé par Florence Paravy dans la revue Silène. 

On remarque dans certains de leurs œuvres respectives que l’Amérique latine occupe manifestement une place de choix dans leurs expériences littéraires. Qu’il s’agisse des textes romanesques ou des paratextes, de l’espace diégétique ou de l’espace littéraire auquel nous renvoient ces écrivains, l’Amérique latine semble être d’une importance capitale.

Il se révèle par exemple dans le roman «Les sept solitudes de Lorsa Lopez », de l’écrivain congolais Sony Labou Tansi, la présence d’une très forte intertextualité avec les romans « L’Automne du patriarche » « Chronique d’une mort annoncée » et « Cent ans de solitude » du Romancier, nouvelliste, et journaliste colombien Gabriel García Márquez. S’il n’est pas dans les usages de l’auteur de citer des œuvres ou des auteurs au cours de ses récits et si ses dédicaces des romans ne renvoient pas aux auteurs sud-américains, c’est dans l’écriture même que se révèle l’influence de la littérature latino-américaine de l’écrivain congolais.

Procédant par détournement d’expressions, mélanges des registres en usant de l’espagnol dans les toponymes souvent inventés, à l’instar des expressions «l’allée des Oreillidos » dans son ouvrage « L’État honteux », ou « la Plazia de la Poudra, la Rouviera Verda » dans « Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez » qui n’existent nullement en espagnol, l’auteur congolais aux talents multiples a façonné son langage à l’intérieur d’une langue française réinventée et tropicalisée. En l’occurrence à la littérature latino-américaine qui s’exprime dans des langues importées, ne coïncidant nullement avec les frontières nationales.

Le romancier  guinéen francophone s’inscrit quant à lui dans la tendance latino-américaine à travers son cinquième roman « Pelourinho ». Ce dernier a pour cadre un pays d’Amérique du Sud, le Brésil. Le titre en témoigne d’emblée, puisqu’il fait allusion au Largo do Pelourinho, un quartier de Salvador de Bahia, au Brésil  où se déroulait autrefois le marché aux esclaves.

L’œuvre regorge d’expressions brésiliennes désignant toutes sortes de réalités de la vie quotidienne : lieux, objets, spécialités culinaires..., ce qui reflète particulièrement le désir de l’auteur d’ exprimer Bahia dans son histoire, car pour l’auteur dans l’histoire des Noirs brésiliens, le repérage des lieux permet de baliser la déperdition de la mémoire. La référence géographique est donc singulièrement explicite dans ce roman.

Cette attache romanesque s’explique aussi par le fait que le romancier est resté six mois dans ce pays (Brésil), et s’est visiblement documenté et imprégné des cultures brésiliennes avant de rentrer en France pour y écrire son roman.

Cette région du monde est également présente dans l’écriture de Sami Tchak, l’écrivain togolais. Depuis son roman « Hermina » publié en 2003, chez Gallimard, ses livres notamment « La fête des masques », « Paradis des chiots » ou « Filles de Mexico » sont géographiquement situés dans une Amérique latine « imprécise » qui fait aussi beaucoup penser à l’Afrique.

Fortement connotée de références africaines, L’Amérique latine sert de toile de fond pour l’auteur. Dans ces romans, les personnages auxquels l’écrivain fait appel sont des êtres assez mobiles dont les expériences traversent des frontières.

Outre ces trois auteurs, le père de la négritude Léopold Sédar Senghor a lui aussi loué ce continent dans son allocution « Éloge de la latinité » lors de sa réception au Capitole par le Conseil municipal de Rome, le 30 octobre 1962.  La revue « Le Brésil et l'Afrique » de l’écrivain et ambassadeur du Congo en France Henri Lopes vient en amant appuyer ce rapport d’appartenance entre la littérature d’Amérique latine et celle d’Afrique noire.

En somme, qu’il s’agisse de l’environnement géographique, de l’histoire ou de la culture, l’Amérique latine semble être une source bien plus proche du continent africain que l’Europe avec laquelle les liens historiques et culturels sont certes très puissants. 

Source: http://www.revue-silene.com/f/index.php?sp=comm&comm_id=87

Durly Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Sony Labou Tansi Photo 2: Tierno Monénembo Photo 3: Sami Tchak