Littérature : Yanick Lahens recoit le Prix Femina pour «Bain de lune»

Vendredi 7 Novembre 2014 - 23:00

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Le 3 novembre dernier, la romancière haïtienne Yanick Lahens s’est vu remettre le Prix Femina pour son quatrième ouvrage «Bain de lune» paru aux Éditions Sabine Wespieser. Soutenu par le magazine éponyme, cette distinction mise en place en 1904 récompense chaque année une œuvre de langue française écrite en prose ou en poésie. Engagé, le Prix Femina a été créé pour protester contre l’attribution systématique du Goncourt à des auteurs masculins. Son jury est exclusivement féminin.

Yanick Lahens signe une saga familiale ancrée dans la terre et la mer de son pays, où dialoguent quatre générations de deux familles, les Lafleur et les Mésidor, issues d’un milieu paysan. «Bain de lune» est une œuvre poétique et politique, qui raconte un pays ébranlé par la destruction, la corruption, l’opportunisme politique, les familles déchirées ; magnifié par la poésie, protégé par le vaudou. « Je suis très contente. La reconnaissance fait du bien et je suis surtout sensible au fait que le jury a compris que cette histoire, si elle se passe en Haïti, est universelle », a déclaré Yanick Lahens après l’annonce du jury.

Née le 22 décembre 1953 à Port-au-Prince, Yanick Lahens a fait ses études en France avant de revenir s’installer en Haïti pour enseigner la littérature. Elle s’engage contre l’illettrisme, cofonde l’Association des écrivains haïtiens et se joint comme membre au Conseil international d’études francophones.

Année faste pour la littérature haïtienne

La distinction de Yanick Lahens intervient presqu’un an après l’entrée à l’Académie Française de l’homme de lettres canadien d’origine haïtienne Danny Laferrière. Tous deux portent les couleurs d’une littérature riche, dont la reconnaissance internationale est toujours grandissante. Dans un article paru en août 2014 dans le quotidien français Libération, le journaliste Émile Rabaté rappelle qu’en 2012, l’Unicef rapportait que la moitié de la population haïtienne ne savait ni lire ni écrire et le pays affiche le taux de pauvreté le plus fort des Caraïbes. Les conditions énoncées n’empêchent pas un foisonnement littéraire : Dany Laferrière, Yanick Lahens, mais aussi Lyonel Trouillot, Gary Victor, Bonel Auguste ou encore Kettly Mars intègrent une longue liste de plumes locales. Pour le spécialiste américain Léon-François Hoffmann, l’écriture est au cœur de l’identité haïtienne : «En 1804, près de la moitié des nouveaux citoyens étaient nés en Afrique. Ils appartenaient à des ethnies aux traditions linguistiques, religieuses, sociales très différentes et n’avaient guère en commun que d’avoir souffert aux mains des Blancs. La tâche la plus urgente […] était de forger un sens d’identité et de fierté nationale. Les écrivains s’y attelèrent sans hésiter» explique-t-il à Libération. Emile Rabaté rappelle les années Duvalier et la censure littéraire, une époque où les livres se passaient sous le manteau, où le sentiment patriotique grandissant ne demande qu’à s’exprimer. Naturellement la chute de la dictature entraîne un bouillonnement créatif, Haïti se raconte et panse ses plaies par les lettres. Un regard sur le tremblement de terre le confirme : le destructeur 12 janvier 2010 fut le point de départ de Corps mêlés de Martin Victor, Tout bouge autours de moi de Dany Laferrière ou encore Failles de Yanick Lahens.

 

 

 

 

 

Morgane de Capèle