L’OIF se mobilise pour l’employabilité des jeunes

Vendredi 11 Octobre 2013 - 16:49

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Le 9 octobre dernier, au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à Paris, l’équipe des Dépêches de Brazzaville a rencontré Ma-Umba Mabiala, originaire de la République démocratique du Congo, récemment nommé directeur de l’Éducation et de la Jeunesse à l’OIF. Il a présenté au journal ses objectifs suite à sa prise de fonction qui a eu lieu le 28 mai 2013

Ma-Umba Mabiala, directeur de l’Education et de la Jeunesse à l’OIF  ©DR

Les Dépêches de Brazzaville : Quels sont vos objectifs ?

Ma-Umba Mabiala : Mes objectifs sont ceux de l’OIF et s’inscrivent dans le cadre stratégique de l’organisation. Dans le secteur de l’éducation, notre objectif principal est de contribuer à assurer une éducation de qualité pour tous les enfants, filles et garçons. Nous devons donc nous mobiliser et tendre nos efforts vers cet objectif afin que tous les enfants aillent à l’école. Mais y aller ne suffit pas. Il faut aussi que ces enfants bénéficient d’une éducation de qualité qui doit se traduire par des résultats concrets : la maîtrise de la lecture et de l’écriture, des apprentissages solides attestés par des résultats probants, la réduction de l’échec scolaire, la réduction de la déperdition scolaire afin que ces enfants aillent le plus loin possible, jusqu’à l’université. Dans cette perspective, nous devons faire attention aux disparités liées au genre et aux groupes défavorisés. Dans de nombreux pays francophones, on dénombre moins de filles à l’école. Il s’agit d’une situation anormale qu’il faut corriger. De plus, une attention particulière doit être prêtée aux groupes défavorisés : il faut gommer les différences entre milieux ruraux urbains.
Concernant la jeunesse, un de nos objectifs principaux est de contribuer à l’employabilité des jeunes. En d’autres termes, les jeunes doivent acquérir des connaissances, des compétences et des aptitudes leur permettant de s’intégrer dans la vie socioprofessionnelle afin de contribuer au développement de la société. Cela veut dire aussi qu’il faut créer des opportunités pour ces jeunes. C’est dans cette perspective que l’OIF a mis en place un programme intitulé « Volontariat international de la Francophonie ». Ce programme permet d’identifier et de sélectionner des jeunes, de différents pays, afin qu’ils aillent travailler en dehors de leur pays d’origine pendant un an. Il s’agit d’offrir aux jeunes de l’espace francophone la possibilité d’avoir une expérience professionnelle sur le plan international pour qu’ils trouvent plus facilement du travail lorsqu’ils rentrent chez eux.

LDB : Quelles sont vos priorités parmi ces objectifs ?

MUM : Tous ces objectifs sont extrêmement liés. L’employabilité commence par une éducation de base de qualité. Ensuite, il faut mettre en place des formations appropriées, qui répondent aux besoins actuels de notre société. Personnellement, j’aimerais attirer l’attention des pays membres de l’OIF sur la pertinence des programmes scolaires. En effet, quand on observe la situation actuelle dans différents pays, notamment au sud du Sahara, on remarque qu’il y a des milliers d’enfants qui terminent l’école secondaire. En raison de l’explosion démographique, leur nombre a pratiquement été multiplié par dix, depuis les années 1960. Évidemment, ces enfants espèrent aller à l’université pour continuer leurs études. Malheureusement, plus de la moitié d’entre eux ne pourront pas parce qu’il n’y a pas de places. Combien d’universités ont été construites depuis les indépendances ? En un mot, les capacités d’accueil étant limitées, de nombreux jeunes n’ont pas d’autres choix que de se lancer sur le marché du travail. Or, l’école ne prépare pas les élèves à devenir employables. Et par conséquent, les entreprises ne peuvent pas les recruter faute de compétences adaptées ;  d’où une faible probabilité d’intégration socioprofessionnelle de la jeunesse.
Que faire face à cette situation ? Il faut probablement s’interroger sur la pertinence du contenu de nos programmes scolaires. Faut-il continuer à dispenser les mêmes enseignements depuis quarante ans ? Faut-il réformer profondément les programmes scolaires ? Certains contenus d’enseignement ne correspondent plus aux réalités actuelles : il devient urgent de revoir ces programmes et de les adapter aux besoins actuels de notre société, en intégrant, par exemple, l’informatique à tous les niveaux. Pour y parvenir, il faut faire preuve de courage, car cela bouscule l’ordre établi et entraîne des changements profonds qui concernent plusieurs aspects, notamment les manuels scolaires et la formation des enseignants.

LDB : Comment revaloriser le métier d’enseignant aujourd’hui dévalué ?

MUM : La qualité de l’enseignement repose en grande partie sur les enseignants. Si nous voulons que nos enfants apprennent mieux et atteignent des résultats satisfaisants, nous devons faire en sorte que les enseignants soient motivés et qualifiés. La qualification induit une bonne formation de base, le recyclage ou la formation continue puisque les connaissances évoluent. C’est la raison pour laquelle l’OIF met un accent particulier sur la formation des enseignants, à travers un programme appelé « Initiative francophone de formation à distance des maîtres », l’Ifadem. Quant à la motivation, elle résulte des bonnes conditions de travail. Sur ce point, je crois que tous les États francophones font des efforts pour revaloriser le métier d’enseignant ; mais certains pays, notamment au sud du Sahara, ne disposent pas de moyens suffisants pour réaliser leurs ambitions. En effet, le nombre croissant d’enfants scolarisés implique l’augmentation du nombre d’enseignants. Dans certains pays africains, plus de 50% des fonctionnaires sont des enseignants, absorbant plus de la moitié du budget du secteur de l’éducation en traitements et salaires. C’est un problème réel qui doit nous pousser à poursuivre les efforts de plaidoyer pour que des ressources additionnelles soient allouées au secteur de l’éducation dans chaque pays, mais il faut aussi que les pays donateurs augmentent les financements destinés à l’éducation dans leur aide publique au développement. Il semble rationnel de soutenir les moins aisés.

Ma-Umba Mabiala, directeur de l’Éducation et de la Jeunesse à l’Organisation internationale de la Francophonie, dispose d’une vingtaine d’années d’expérience de travail sur le plan international en matière de gestion des projets. Il a travaillé pendant dix ans comme Senior Program Officer à l’université Johns-Hopkins à Baltimore (Maryland, États-Unis) où il a, entre autres, coordonné des programmes de formation et des projets dans les pays francophones. Il a été également chargé de cours à l’Université de Montréal où il a fait des études de communication et d’andragogie. Tout au long de sa carrière en Amérique du Nord, dans les Caraïbes et en Afrique, M. Mabiala a acquis une vaste expérience en matière d’encadrement des jeunes, de définition et de mise en œuvre des politiques éducatives ainsi qu’en matière de mobilisation des ressources. Il est originaire de la République démocratique du Congo.

Propos recueillis par Richard Ballet et Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Ma-Umba Mabiala, directeur de l’Éducation et de la Jeunesse à l’OIF (© DR).