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L’Union Européenne face à ses contradictions

Samedi 25 Mars 2017 - 12:45

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Si les dirigeants européens, les hauts fonctionnaires travaillant à Bruxelles et, de façon plus générale, tous ceux qui exercent des responsabilités dans le cadre de l’Union Européenne avaient deux sous de bon sens ils auraient fait en sorte que la célébration du soixantième anniversaire du Traité de Rome, samedi, dans le cadre historique du Capitole, soit aussi discrète que possible. Le moins que l’on puisse dire, en effet, est que la communauté européenne après avoir été longtemps perçue comme une avancée décisive du Vieux continent sur la voie de l’unité apparait aujourd’hui dangereusement instable, prête à redonner vie aux démons qui la perturbèrent des siècles durant.

Conçue à l’origine pour achever de réconcilier l’Allemagne et la France, dont les ambitions et les conflits avaient provoqué deux guerres mondiales, la Communauté Economique Européenne créée le 25 mars 1957 était le fruit d’une longue réflexion engagée par des hommes d’Etat responsables au plus fort de la guerre provoquée par les Nazis dans le but de s’emparer du continent. Elle fit naître de grands espoirs chez les peuples concernés par ce mouvement historique en paraissant écarter définitivement les affrontements fratricides et en jetant les bases d’une communauté économique qui profiterait aux six nations.

Rejointe le 1er janvier 1973 par le Danemark, l’Irlande et la Grande Bretagne, elle s’est étendue presque aussitôt à l’Espagne et au Portugal, donnant naissance à un ensemble géographique et politique aussi cohérent que puissant sur le plan économique. Mais, hélas, au lieu de s’en tenir là et de travailler sérieusement sinon à la fusion  de ses peuples, du moins à la construction d’une communauté structurée capable de prendre au sein de la communauté internationale la place que lui réservait cette renaissance, elle s’est crue capable d’absorber les pays de l’Est européen qui venaient tout juste de s’affranchir de la tutelle soviétique ; et ce faisant elle a commis une erreur qu’elle paie aujourd’hui au prix fort comme le montrent les crises en série qui la secouent.

Cette extension, voulue essentiellement par l’Allemagne réunifiée qui voulait imposer à nouveau son leadership sur le continent et ne pouvait y parvenir qu’en incluant ses voisins de l’Est européen, a en effet provoqué trois crises dont la combinaison pourrait s’avérer dramatique à court terme.

° Elle a conduit, d’abord, à la construction, à Bruxelles, d’une tour de Babel administrative aussi puissante que déconnectée du réel et donc dangereuse par les décisions qu’elle prend. Toutes proportions gardées le système technocratique qui régit présentement l’Union européenne présente les mêmes défauts que celui qui conduisit à l’implosion de l’URSS. Il ne peut au final que provoquer des crises internes en série.

° Elle a conduit, ensuite, les pays comme la Grande-Bretagne –  qui ne souhaitait pas à l’origine  faire partie de la CEE et qui avait constitué sa propre communauté, l’AELE –  à rompre ses liens avec l’Europe. D’où le Brexit qui envoie un signal fort aux Européens puisqu’il prouve que l’un des trois « grands » de l’Union européenne ne croit plus à l’avenir d’une communauté que domine de facto l’Allemagne.

° Elle a conduit, enfin, la Russie à entreprendre de reconstruire sur sa frontière occidentale les barrières élevées durant la « guerre froide » pour se protéger des invasions subies dans le passé, notamment lors de la deuxième guerre mondiale. D’où l’annexion de la Crimée, la mise sous contrôle de la partie Est de l’Ukraine, les menaces plus ou moins déguisées contre les Pays baltes et surtout le renforcement de son arsenal militaire.

Etant donné ce qui précède, l’Union Européenne n’a plus que deux voies ouvertes devant elle : ou bien elle resserre les rangs et revient aux principes, aux valeurs, aux objectifs qui lui permirent de se construire il y a soixante ans ;  ou bien elle poursuit sur la voie suicidaire où elle s’est engagée, ne recrée pas un noyau dur en son sein, ne remet pas de l’ordre dans son appareil administratif à Bruxelles.

Dans le premier cas elle a une chance de mener à bien le grand œuvre entrepris par ses Pères. Dans le second cas elle sombrera vite dans un nouveau chaos dont nul ne peut dire ce qu’il sortira.

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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