Lutte anti-braconnage : « les juges commencent à comprendre les enjeux de la conservation de la faune », déclare Corneille Moukson Kutia

Vendredi 17 Juin 2016 - 22:56

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Les organismes internationaux tirent la sonnette d’alarme sur le fait qu'en 2050, dans les pays africains les populations vont doubler ou tripler. Cette croissance démographique aura des fortes répercussions sur les ressources naturelles et notamment la faune. Ainsi donc, les conservateurs de la faune font plusieurs suggestions aux Etats pour atténuer le braconnage. A ce sujet, lassistant juridique du Fonds mondial pour la nature dans l’Espace Tridom Interzone Congo (WWF-ETIC), Corneille Moukson Kutia, a répondu aux questions des Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Notre pays a commémoré la Journée internationale de la vie sauvage. Quel a été l'apport du projet WWF au Congo ?

Corneille Moukson Kutia (CMK) : Le WWF au Congo contribue déjà depuis 2005 à la protection de l’Espace TRIDOM Interzone Congo (ETIC) en synergie avec nos équipes au Cameroun et Gabon dans le cadre de la gestion des ressources naturelles au sein du paysage écologique prioritaire Tri-nationale Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM). Des activités variées y  sont menées : appui à la lutte anti-braconnage, création d’aires protégées (Messok Dja), inventaires grande faune, et minimisation des impacts environnementaux des industries extractives. En dehors de cette zone, nous soutenons également la promotion de bonnes pratiques pour la gestion durable des forêts, notamment en accompagnant les entreprises forestières vers la certification FSC, ainsi qu’en appuyant le FSC et le secteur forestier à travers l’élaboration de standards nationaux.

A la faveur de la Journée internationale de la vie sauvage le projet WWF-ETIC a émis des messages de reconnaissance par mails et transmis par le staff du WWF à ses employés et partenaires, afin de leur rappeler nos engagements communs liés à la protection de la nature et à la préservation de la vie sauvage.

DB : En 2050 selon les estimations des organismes internationaux les populations des pays africains vont doubler ou tripler. Selon-vous, quel sera alors l'impact de cette augmentation sur la faune ? Et que suggérez-vous pour atténuer le braconnage ?

CMK : l’augmentation de la population mondiale pourrait être un enjeu important pour l’éco-tourisme. Ceci ne serait possible que si les populations locales très souvent impliquées à l’abattage des éléphants, et les groupes criminels organisés qui les approvisionnent en armes et munitions comprennent l’importance de préserver la vie sauvage, elle pourrait être bénéfique pour les populations autrement en créant des emplois au travers les parcs et sites touristiques. Mais cette augmentation pourrait aussi avoir une influence négative sur la faune sauvage si les gouvernements ne prennent pas des mesures assez fortes pour la gestion des ressources fauniques comme la viande de brousse. Il y aura certainement une augmentation de la demande et par conséquent une diminution importante de la faune on pourrait arriver à la disparition totale de certaines espèces animales de la surface de terre. Dans le cadre de la lutte contre le braconnage, le Congo est signataire de plusieurs conventions internationales à l’image de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites) dite convention de Washington 1973. Il a donc l’obligation de se soumettre à ces engagements et inclure dans sa politique interne les dispositions de droit international dont il a exprimé son engagement.

LDB : Souvent les organismes qui œuvrent pour l'environnement sont mécontents de l'issue des procès des délinquants fauniques. a quoi est dû cela ?

CMK : Je ne voudrais pas parler au nom de toutes les organisations œuvrant pour la conservation de l’environnement, mais plutôt en mon nom propre, je trouve que quelques efforts se sont fait  ressentir récemment et que les juges commencent à comprendre les enjeux de la conservation et la politique du gouvernement en la question. À la base il ne s’agit pas seulement d’un mécontentement des ONG de la conservation mais aussi des populations qui aimeraient continuer à voir et entendre parler les éléphants qui subissent actuellement une pression énorme de la part des braconniers. En revanche, il est vrai que nous comptons sur la promptitude du juge à punir d’avantage les braconniers et trafiquants de produits fauniques afin d’éradiquer ce fléau.

LDB : Pouvez- vous nous expliquer ce qui s'est passé lors de la récente audience du braconnier Mboka Fulgence au tribunal de Ouesso ?

CMK : En effet lors de l’audience où a comparu Mboka Fulgence pour les faits d’homicide involontaire, complicité d’abattage d’une espèce intégralement protégée (éléphant), et complicité de détention illégale d’arme de guerre, audience tenue le 21 avril 2016 au Tribunal correctionnel de Ouesso, le juge a décidé de lui faire clémence en acceptant la demande de mise en liberté provisoire formulée par ce dernier.

Au regard des discussions à la barre, il en ressortait qu’il n’était pas le commanditaire de la partie de chasse de l’éléphant qui a valu la vie à un Bahaka (autochtone). En effet Parce que, la personne qui reconnaissait son implication au titre de commanditaire et propriétaire d’une arme de guerre, Ngouema Antoine, renie maintenant cette accusation devant le juge alors qu'il l’a pourtant formulée devant les officiers de police judiciaire cautionnée dans le procès-verbal d’interrogatoire. Il rejette à présent le tort sur celui qui aurait perdu la vie et enterré en forêt, en ignorant l’origine de cette arme.  Y a-t-il eu arrangement interne entre complices, détenus dans la même cellule pour tromper la vigilance du juge ?

Bien que ce ne fut pas le cas dans cette affaire, rare sont les détenus qui obtiennent une mise en liberté provisoire et qui reviennent suivre les audiences car alors pour eux cela signifie liberté définitive.

A l’audience du 9 juin, le juge se prononce alors sur cette affaire en acquittant Mboka Fulgence et condamnant en outre son complice Ngouema Antoine, qui aurait participé à la partie de chasse. Ce dernier a été condamné à 2 ans de prison avec sursis et une amende de 500.000 FCFA.  

Néanmoins, nous réitérons que le département de la Sangha reste encore un foyer du braconnage de l’éléphant car cela se justifie par le nombre exorbitants des arrestations réalisées. Plus de la moitié des procédures que connait le Tribunal de grande instance de Ouesso sont relatives aux infractions fauniques.

Propos recueillis par Fortuné Ibara

Légendes et crédits photo : 

Le juriste, Corneille Moukson Kutia, travaillant pour le compte du Fonds mondial pour la nature dans l’Espace Tridom Interzone Congo (WWF-ETIC)

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