Lutte anti-corruption : « Aucun service n'est épargné, la plupart des fonctionnaires sont coupables de concussion », souligne Lamir Nguele

Jeudi 7 Novembre 2013 - 18:30

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Dans son rapport annuel 2012 publié ce jeudi à Brazzaville, la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude a noté des dysfonctionnements au sein des administrations, tant dans l’exécution du budget que dans l’application de certaines mesures

« Les résultats de nos enquêtes et investigations contenus dans ce rapport, ne pourront faire l’objet d’aucune contestation. Ils sont fiables et crédibles. Il y a la corruption et la concussion partout. Le service le plus corrompu est celui des douanes, s’ensuivent les impôts, la police, l’enseignement, le trésor public... La corruption s’opère à l’angle d’un bistrot et il n’y a pas de témoin. Il n’y a que le corrompu et le corrupteur. Ce n’est pas facile, car cela concerne tous les secteurs », s’est indigné le président de ladite commission, Lamir Nguele.

Ce rapport est structuré en deux parties. La première porte sur les enquêtes et investigations dans les administrations publiques et la deuxième s’appuie sur le renforcement des capacités de lutte contre la corruption. Ces enquêtes et investigations ont porté sur le contrôle et l’exécution des chantiers de la municipalisation accélérée, du patrimoine immobilier de l’État, de l’application des mesures de gratuité dans le secteur de la santé, de la gestion et l’attribution des bourses universitaires des années 2010 et 2011, et enfin, l’affaire des enlèvements frauduleux des conteneurs au Port autonome de Pointe-Noire.

S’agissant des chantiers de la municipalisation accélérée, la commission s’est déployée à Pointe-Noire, dans le Kouilou, le Niari, la Cuvette et la Likouala. Sur 311 chantiers, 90 ont été totalement achevés, 33 en cours d’exécution et 188 chantiers abandonnés ou inexistants. À cet effet, les opérateurs économiques qui n’ont pas réalisé leur travail seront sommés soit d’achever les travaux, soit de restituer les fonds perçus. Concernant les dossiers de municipalisation accélérée de 2004, 2005, 2006 et 2007, vu le vide juridique, à cette époque, en matière de passation et d’exécution des marchés publics, la commission a indiqué que les dossiers litigieux seront transmis au tribunal civil pour que les sommes perçues par les adjudicataires récalcitrants soient remboursées à l’État congolais.

La commission veille à l’inventaire et à la protection du patrimoine de l’État

Dans l’exécution de ses missions, cet organe technique a observé des dysfonctionnements dans les services de la Direction centrale des logements et des bâtiments administratifs (DCLBA), basés à Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie, notamment, le manque de traçabilité des recouvrements, ainsi que la construction des immeubles privés au détriment des logements administratifs. Pour y remédier, cette commission recommande l’installation de matériel informatique dans le service du patrimoine immobilier et de l’équipement pour la conservation des fichiers des logements et bâtiments administratifs.

Face à ces dysfonctionnements, la commission de lutte contre la corruption a recommandé au ministre des Finances et au Secrétaire général de la présidence, de nommer un nouveau régisseur du Trésor public auprès de la DCLBA, de réduire les délais de signature des contrats de bail et de concession et enfin de mettre en place une commission mixte présidence de la République, ministère des Finances et autres structures qui interviennent sur la chaîne des logements et bâtiments administratifs.

Des dysfonctionnements ont été également enregistrés concernant les mesures de gratuité de la césarienne, des autres soins obstétricaux et du traitement du paludisme. Dans les départements de Brazzaville, Pointe-Noire, du Kouilou, du Niari, de la Cuvette-ouest, de la Cuvette et de la Likouala, cet organe technique a constaté que l’application des mesures de gratuité sur les traitements contre la tuberculose et le VIH-sida n'était pas effective. Pour ce faire, la commission recommande la création d’un observatoire sur le suivi de la mise en œuvre des mesures de gratuité, la centralisation des achats au niveau de la Congolaise des médicaments génériques (Comeg) et l’implication des autorités sanitaires locales.

Par ailleurs, des anomalies dans l’attribution et le paiement des bourses universitaires au cours des années 2010-2011 ont été notifiées. Les bourses des étudiants retardataires, absents ou décédés n’étaient ni reversées au Trésor public, ni justifiées. Pour améliorer la gestion et l’attribution des bourses, la commission a recommandé d’informatiser la Direction générale des affaires sociales et des œuvres universitaires (Dgasou), faire payer les bourses des étudiants non couverts par les zones pédagogiques par les services culturels des ambassades et enfin, procéder au paiement des bourses des étudiants par virement bancaire.

Sur l’affaire des enlèvements frauduleux des conteneurs au Port de Pointe-Noire, la commission a décelé la somme de 4.454.136.490 milliards FCFA comme préjudice subi par l’État congolais. Vu la gravité des faits, des poursuites pénales seront engagées pour que les coupables soient condamnés conformément à la loi.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Lamir Nguele faisant la lecture du rapport synthèse.