Lutte contre la corruption : la RDC toujours mal cotée

Jeudi 21 Juin 2018 - 19:15

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Disposant d'un budget de cinq milliards de dollars américains, le pays perd paradoxalement chaque année environ quinze milliards de dollars à cause de la corruption, la fraude et la contrebande, s’est indigné le conseiller spécial du chef de l’État en la matière, à l’ouverture de la rencontre régionale Afrique de Transparency international qui se tient à Kinshasa, du 20 au 22 juin.

La République démocratique du Congo (RDC) a encore du chemin à faire dans le cadre de la lutte contre la corruption. Tel est, en tout, le constat qui se dégage à la lumière de l’intervention du conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance, lutte contre la corruption et financement du terrorisme. Luzolo Bambi, qui s’exprimait le 20 juin à l’ouverture de la rencontre régionale Afrique de Transparency international à Kinshasa, a brossé un tableau sombre du pays à ce sujet. La RDC, a-t-il, peine à  mettre en œuvre les différentes recommandations faites en matière de lutte contre ce fléau. Aux acteurs de la société civile africaine engagés dans la lutte contre la corruption et représentants de différents pays de la région, l’officiel congolais a stigmatisé la tendance à l’accumulation des richesses observée dans le chef de plusieurs compatriotes œuvrant dans les institutions au détriment de l’État.

La corruption qui gangrène le système économique national, sur fond de coulage des recettes, ne permet pas un partage équitable du revenu national. Moralité, le budget de l‘Etat qui en subit le contrecoup peine à atteindre des seuils dignes du grand Congo. Situé approximativement autour de cinq milliards de dollars, sans commune mesure avec le potentiel économique et fiscal du pays, ce budget est  nettement en deçà des quinze milliards de dollars qui empruntent des voies détournées pour aller moisir dans les poches des individus du fait de la corruption, de la fraude et de la contrebande. Le Trésor public en pâtit sérieusement. « Avec la corruption, les moyens publics sont privatisés pour des intérêts privés », a-t-il déclaré.

Le paradoxe entre la taille réelle du budget national et le coulage des recettes requiert une conscientisation collective sur le danger que constitue la corruption qui demeure un frein au développement et paralyse les Etats. Comment remédier à ce fléau ? Luzolo Bambi a indiqué à ce sujet que le chef de l'Etat avait déjà donné le mot d'ordre et il ne reste plus qu'aux autres institutions de faire leur part, tout en ajoutant que « les mécanismes répressifs existants doivent être réactivés ». Il s’agit, simplement, selon lui, de mettre en œuvre à court terme de nombreux principes de gestion et surtout de contrôle via notamment le contrôle parlementaire.  Sur ce même registre, le conseiller spécial du chef de l’Etat a déploré le faible taux des prisonniers poursuivis pour corruption, détournement de fonds ou mégestion. La quasi-inexistence de la jurisprudence pour corruption en RDC fait qu’aujourd’hui, les prisons congolaises ne comptent presque pas de personnes condamnées pour corruption. «Sur plus de cinq mille prisonniers sous ce statut, à peine cinq seulement sont condamnés pour corruption », a-t-il fait savoir.

À la suite de l'officiel congolais, le chef de la délégation de l'Union européenne (UE) en RDC a exprimé sa satisfaction face au travail qu'abattent les acteurs de la société civile contre la corruption.  Bart Ouvry a néanmoins insisté sur la nécessité de lutter contre la corruption, considérée comme un fléau qui dérègle la fonction de l’économie, indiquant que les investisseurs craignent l’impact nocif de la corruption qui détruit le capital social lorsque les biens publics sont privatisés. Le diplomate européen a déploré le fait que les moyens déviés par la corruption dépassent les moyens mis à disposition pour l’aide publique au développement. « La lutte contre la corruption est une question des valeurs, des principes et d’intérêts », a-t-il relevé, avant de revenir sur les principaux axes d'intervention de l’UE en RDC, notamment la redevabilité et la transparence, l’amélioration de la gouvernance, la réforme de l’armée, de la police, le renforcement de la Justice afin d’abolir l’impunité dans le pays. L’UE travaille également avec la société civile qui joue un rôle important avec l’aide de la presse. Enfin, Bart Ouvry a mis l’accent sur le leadership politique, soulignant que les partenaires ont un rôle d’accompagnement, mais l’action des élus et des gouvernants est primordiale pour lutter contre la corruption.
 

Baromètre de la corruption...

Point focal de Transparency international dans le pays, la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (Licoco) a présenté, à l’ouverture des travaux, l’économie du rapport sur « Le baromètre mondial de la corruption : cas de la RDC ». Les objectifs poursuivis par cette étude sont d’identifier et classer les défis les plus importants auxquels le pays est confronté en matière de gouvernance, de mesurer le niveau de corruption perçue par les citoyens des diverses fonctions gouvernementales, de mesurer le niveau d'interaction avec les administrations et d’évaluer la corruption perçue par les citoyens de ces prestations de service. Une série de questions liées à la corruption a été posée à des personnes composant un échantillon. « Le baromètre mondial de la corruption de la RDC donne un aperçu objectif de la situation de la corruption en RDC. Certaines réponses demandent urgemment qu’il y ait vote des lois renforçant la lutte contre la corruption (loi sur la protection des dénonciateurs des pratiques de la corruption ou la loi sur l’accès à l’information publique). Les résultats des enquêtes doivent interpeller les autorités pour qu’elles prennent en compte les désidératas des citoyens. Les autorités doivent travailler pour proposer des lois pour renforcer la lutte contre la corruption, avoir des politiques pour combattre la corruption et sanctionner les auteurs des pratiques de corruption », a conclu le président de la Licoco, Ernest Mpararo.
solution pour endiguer, entre autres, la mise en lumière des valeurs.

Notons que la rencontre régionale Afrique de Transparency international rassemble chaque année les sections nationales et les partenaires du mouvement anti-corruption en Afrique, afin de discuter de questions d’intérêt commun à l’égard de leur travail. La rencontre offre une plate-forme de redevabilité mutuelle, d’apprentissage des pairs et de planification des initiatives collectives. Elle s’inscrit dans la ligne des changements souhaités dans la stratégie 2020 de Transparency international. A la clôture des travaux, ce vendredi, il sera adopté un ensemble de mesures visant à renforcer davantage les actions collectives de Transparency international en Afrique sur les questions identifiées pour un impact plus grand. Les participants auront, entre(temps, discuté des aperçus sur la base d'expériences liées au travail de Transparency international en Afrique et les implications éventuelles pour le futur.

 

Alain Diasso et Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le conseiller spécial du chef de l'Etat en matière de lutte contre la corruption, l'ambassadeur de l'Union, la représentante de l'ambassade du Canada, etc Photo 2 : Les participants posant en famille, à l'ouverture de la rencontre régionale de Transparency international à Kinshasa

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