Médias : l’État congolais accusé d’avoir liquidé l’essentiel de la liberté de la presse

Samedi 23 Juin 2018 - 15:30

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Freedom for journalist (FFJ) a affirmé, dans un communiqué publié à l’occasion de la célébration du vingt-deuxième anniversaire de la promulgation de la loi sur la liberté de la presse en République démocratique du Congo (RDC), que les différentes dispositions de ce texte ont été écornées durant les deux décennies par les pouvoirs publics.

La loi sur la liberté de la presse en RDC, a soutenu FFJ, a été systématiquement et intentionnellement violée par ceux qui incarnent la puissance de l’État. « Cette loi, promulguée le 22 juin 1996 et fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse sous le maréchal Mobutu, a vu ses différentes dispositions écornées. Comme en témoigne l’exégète de l’organisation », a-t-elle fait savoir dans son communiqué .

La télévision nationale, selon Me Gérard Nkashama, chargé d'assistance légale à FFJ, a visiblement « cessé d’être un média de service public pour se muer malheureusement en média d’État, et prédominée par une seule opinion et pensée proches du régime. Tandis que certaines émissions conçues au départ pour garantir la pluralité d’opinions, rarement diffusées, ne reçoivent que des opposants mineurs sans épaisseur politique ». Cet activiste dit fonder son constat sur la base de l’article 36 de la loi sus évoquée qui dit que « les médias de l’État doivent fonctionner dans l’indépendance, la neutralité et le respect du principe de l’égalité de tous devant la loi ».

 Les responsables de FFJ ont dit avoir fait une exégèse de cette loi déjà prise à partie pour son caractère « liberticide ». L’État, ont-ils noté, a l’obligation d’assurer et de rendre effectif le droit à l’information, selon l’article 13 de ce texte. Cette principale organisation de défense de la liberté de la presse accuse l’État de ne pas respecter cette disposition et de bloquer une loi intimement liée à ce droit citoyen. « Depuis qu’elle traîne au parlement, la proposition de loi sur l’accès à l’information publique, censée être transmise au chef de l’État pour promulgation, est intentionnellement phagocytée puisqu’elle fait obligation aux détenteurs de la puissance publique de rendre compte de leur gestion à la communauté », a souligné FFJ.

L'organisation qui dit avoir passé sous scanner l’article 13 se plaint également de l'article 17, une autre disposition de cette loi qui n’a jamais été appliquée et qui stipule que « l’État peut octroyer une aide indirecte aux entreprises privées de presse au titre des tarifs préférentiels…».

Aide à la presse ou corruption ?

Aux yeux des majors de FFJ, en effet, la presse, dans son fonctionnement actuel, est orpheline de l’appui de l’État. «  l’entrée du président Laurent-Désiré Kabila, une aide a été accordée à la presse de manière plutôt à la diviser puisque d’autres responsables des médias n’avaient pas eu accès à cette aide qui, à nos yeux, paraissait bien comme une corruption plutôt qu’un réel appui à la presse, les facilités attendues ne sont jamais venues, ce qui a annihilé l’essor des médias privés et découragé l’émergence de la contradiction », a souligné FFJ.

Devant quelques journalistes réunis à son siège, l’organisation a souligné,  en outre, que lorsqu’un média diffuse une information qui ne plaît pas aux détenteurs de la puissance publique, la loi sur la presse est immédiatement violée. « L’article 28 de cette loi montre et démontre que la responsabilité pénale est individuelle selon que l’auteur de l’article mis en cause est le seul responsable. A défaut de l’auteur, c’est le directeur de la publication ou encore l’éditeur ou l’imprimeur, selon les cas. Mais en RDC, il suffit d’avoir une ascendance sur la police ou l’armée pour en faire usage contre les médias et les journalistes »,  a regretté l’ONG.

Souvent, a-t-elle expliqué, les agents de la force publique font irruption dans des rédactions et, à bras raccourcis, prennent brutalement l’éditeur, l’auteur de l’article et même tous les journalistes et autres membres du personnel. « Ceci devra cesser », a martelé FFJ qui a  plaidé, par ailleurs, pour les vendeurs des journaux dans la rue. La vente, le colportage ou la distribution sur la voie publique des journaux, a rappelé cette organisation, est libre. « Nous assistons à une systématique rafle des journaux, les vendeurs de ces journaux sont happés, brutalisés par le police après une série de coups de matraques, les journaux déchirés sur-le-champ », a-elle fait constater, indiquant qu'il s'agit là  de la violation de l’article 45 de la loi en la matière.

Proposant des pistes de solutions, FFJ rappelle aux uns et autres leurs tâches. « Garantir le droit de la population à une information pluraliste, fiable et objective, assurer la neutralité et l’équité des médias publics… » seraient, selon cette association, parmi les mission de l’autorité de régulation, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, qui devrait « veiller au respect de la loi fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse ».

Lucien Dianzenza

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