Meurtre de deux experts de l’ONU au Kasaï : le mandat limité de Robert Petit à la base de la stagnation du procès

Jeudi 6 Septembre 2018 - 19:30

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Les experts des Nations unies ne mènent pas d’enquête indépendante dans le meurtre de deux leurs collègues, assassinés en mars 2017, a précisé, le 5 septembre, le procureur canadien obligé de faire avec cette réalité.

Bien qu’il ait repris depuis le 3 septembre après une suspension décrétée en octobre 2017, le procès des présumés meurtriers des deux experts de l’ONU, Michael Sharp et Zaida Catalan, assassinés en mars 2017 dans le Kasaï, n’offre pas assez de gages de crédibilité quant au dénouement de cette affaire. Le tribunal militaire de garnison de Kananga, qui a ouvert le procès, paraît ne pas avoir assez de visibilité dans sa conduite. En tout cas, c’est l’impression qui transparaît à la lumière de la première audience de la reprise qui risque de tirer en longueur. Sans ambages, le ministère public a estimé que ce procès ne devrait pas se dérouler dans la précipitation au regard de sa complexité. Ceci pour dire qu’on est loin de connaître la vérité dans ce double meurtre. La présence de l’équipe d’experts onusiens chargés d’appuyer l’enquête de la justice congolaise  ne semble pas non plus booster le dossier en vue de l'éclatement de la vérité. Cette équipe est conduite par le procureur canadien, Robert Petit, assisté par quatre  experts techniques et un personnel d'appui.  

Tout a l’air de piétiner, pour ainsi dire. C’est justement à cause de nombreuses  tergiversations qui caractérisent ce procès que Robert Petit est monté au créneau pour dire à haute voix ce qui cloche. Pour ce juriste, le mandat étriqué dont se prévaut son équipe est en partie à la base de la stagnation de ce dossier judiciaire. Intervenant le 5 septembre à la conférence de presse de la Monusco, il a tenu à préciser que l’équipe qu’il dirige apporte plutôt un appui conseil à la justice congolaise. Dans cette affaire, a-t-il dit, seule la justice congolaise a l’autorité légale et la responsabilité de mener à bien la recherche de la vérité, les enquêtes et les procès. « Nous sommes là pour appuyer la juridiction congolaise dans sa démarche. Pour ce faire, notre mandat comprend des experts déployés à Kananga, qui ont de l’expertise en enquête criminelle, qui travaillent avec le parquet militaire congolais et qui, l’appuyant dans ses démarches, lui suggèrent des mesures d’enquête diverses », a-t-il ajouté.

Des interférences qui entravent des investigations

Nommé par le secrétaire général de l’ONU dans le cadre de cette affaire, Robert Petit estime n’avoir suffisamment pas de marge de manœuvre pour mener à bien son enquête, tout en stigmatisant des interférences de toutes sortes tendant à entraver les investigations. Et de révéler que les experts onusiens travaillant sous sa coordination n’ont pas non plus la possibilité d’interroger les témoins. « Ils ne peuvent même pas interroger les témoins… Ils sont là simplement en appui conseil à ceux qui ont cette autorité, et c’est la juridiction congolaise. Donc, je voulais bien spécifier que nous n’avons pas le pouvoir d’aller interroger les témoins, de rencontrer les détenus, de mener nous-mêmes, de manière indépendante, des mesures d’enquête, parce que les seules qui ont juridiction ici, ce sont les autorités congolaises », a-t-il regretté.

Qu’à cela ne tienne. Robert Petit se veut toutefois optimiste. Il veut que les familles des deux experts onusiens assassinés, en plus de leurs accompagnateurs (interprètes et chauffeurs de moto), trouvent gain de cause dans ce procès en étant indemnisés à juste titre. Et de lancer : « C’est ce que nous allons essayer de faire, d’aider la justice congolaise à le faire dans le meilleur délai. Le procès lui-même a repris. Il y a des audiences qui vont se poursuivre où les preuves qui ont été accumulées pendant l’enquête vont être présentées à la cour. Et ce sera le forum où ces faits-là pourront être discutés ».

Rappelons que Michael Sharp et Zaida Catalan avaient été assassinés le 12 mars 2017 alors qu’ils avaient quitté la ville de Kananga avant d’être retrouvés morts dans la région de Bunkonde, en territoire de Dibaya (Kasaï-Central). Les deux experts onusiens avaient pour mission d’enquêter sur les violences dans la province du Kasaï-Central, après la crise née du phénomène Kamuina Nsapu. Le tribunal militaire de garnison de Kananga a ouvert le procès de leurs présumés meurtriers le 5 juin 2017.

Alain Diasso

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