Mick Élysée : « Le produit congolais est noble en lui-même »

Dimanche 21 Mai 2017 - 21:30

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Sa passion, c’est la cuisine et la gastronomie congolaise c’est son fort. Il suffit de l’entendre en parler et s’en convaincre même sans l’avoir vu à l’œuvre. Jovial, l’artiste, c’est ainsi qu’il se définit, a confié aux Dépêches de Brazzaville qu’il est parti de Londres dans l’idée de partager avec ses homologues de Kinshasa ce qu’il sait faire le mieux avec les produits du terroir en y ajoutant une touche tendance et sa dose de fantaisie. Pour ce faire, il a établi ses quartiers au Roméo Golf ce dimanche 21 mai 2017.

Kin Bruncher avec le Chef Mick Élysée de Londres Les Dépêches de Brazzaville : Comment devrait-on vous présenter à nos lecteurs ?

Mick Élysée : Je suis le chef Mick Élysée. Je réside en Angleterre mais à la base, je suis Congolais. Je suis parti du Congo à mon adolescence. J’ai travaillé un peu partout. J’ai fait mes études en France et je suis parti de là un peu pour découvrir le monde et chercher une technique pour promouvoir la cuisine africaine que je connaissais déjà mais que j’ai perfectionné. La clé, elle, est très simple, c’est le marketing.  

L.D.B. : Peut-on savoir ce qui vous amène à Kinshasa  ?

M.E. : J’ai quelque chose de très important à faire. Je veux promouvoir notre cuisine, notre culture à travers le Kin bruncher qui se tiendra ce dimanche 21 mai au Roméo Golf. Ce sera l’occasion de mettre notre culture gastronomique en lumière. Le but c’est de travailler des produits locaux sous différents angles. Je vais dire une petite anecdote à ce propos. Nous achetions des tomates au marché Kitoko Food hier. Il y avait plusieurs variétés dont des vertes qui ne sont pas du tout consommées parce que cela ne fait pas partie de notre culture. Les gens pensent que la tomate verte n’est pas bonne à consommer. J’ai expliqué à l’agriculteur que c’est très bon et qu’il faut juste savoir la cuisiner. C’est un de ses aspects qui permet de considérer les produits locaux sous un autre angle et de pouvoir les consommer.

L.D.B. : À quoi doit-on s’attendre à Kin Bruncher  ? Avez-vous prévu d’y présenter une spécialité méconnue, la faire déguster…

M.E. : C’est la spécialité congolaise travaillée sous un angle différent que d’ordinaire. Il y aura une variété de produits locaux organiques bios mais travaillés de façon différente. Les petites aubergines thaï communément appelées solo ici sont généralement mangées en sauce, mais nous allons en faire une salade. Beaucoup de produits seront travaillés différemment, c’est sûr qu’il y aura de la découverte. Je dirai même la redécouverte de nos produits du terroir qui seront légèrement modernisés. Nous n’allons pas trop les changer parce que les recettes congolaises doivent le rester. Nous allons juste les parer d’une nouvelle robe, leur apporter une nouvelle touche.

L.D.B. : Un mot sur la manière dont les choses vont se passer ? Est-il prévu autre chose que de la dégustation, la préparation de recettes, par exemple  ?

M.E. : Oui, nous tiendrons trois ateliers. Il y en aura un pour la charcuterie, un autre pour les pâtes et un troisième pour les sucreries. En fait, il y aura un grand buffet découverte avec d’un côté les salés, les sucrés, les chauds et les froids. Ce sera une sorte de voyage qui va nous faire parcourir le Congo à travers les plats de différentes régions réunies.

L.D.B. : Quelle est la touche personnelle du chef Mick, sa signature qui permet de le reconnaître parmi tant d’autres  ?

M.E. : Ma touche particulière n’est pas magique. C’est la valeur que j’accorde aux produits de mon terroir. J’ai juste choisi de personnaliser la cuisine congolaise, la donner une petite touche tendance, internationale. Mais je le fais de manière simple et pratique, car ne dit-on pas : « Les choses les plus simples sont les meilleures » ?.

L.D.B. : Il me semble que vous avez quand même bâti votre renommée sur un plat inédit ou une particularité bien appréciée de ceux qui vous connaissent et en parlent ?

M.E. : Je travaille beaucoup le poisson. Pour moi, chaque produit a une touche particulière parce que je travaille à l’instinct, je suis un artiste. Je n’ai pas de plats faits à l’avance. Tout ce que j’utilise a quelque chose de particulier parce que je l’ai à l’instant. Je vous dirai peut-être que je vais faire des tomates avec une petite gelée de bissap parce que c’est ce que j’ai à l’instant. Mais si demain, il fait froid, je penserais à autre chose. Le produit congolais est noble en lui-même, donc il ne faut pas trop le changer. Il faut savoir qu’à la base pour faire une bonne cuisine, il faut un bon produit. La touche vient avec le flair. Je n’ai pas des choses prédéfinies. Et, en tant qu’artiste, je fais du freestyle.  

L.D.B. : Vous vous définissez comme un artiste. Doit-on y comprendre que vous y mettez une certaine dose de fantaisie…

M.E. : Il y a beaucoup de fantaisie car tout ce qui est joli attire. Mais j’essaie de mettre beaucoup de beauté et de passion surtout dans ce que je fais. Une bonne cuisine est faite avec passion. Il y a pas mal de fantaisie mais l’on ne s’y perd pas. C’est une fantaisie logique.

L.D.B. : Un mets qui présente bien attire, est-ce donc essentiel de miser sur la beauté des plats  ?

M.E. : La beauté, ce n’est pas l’essentiel. Nous faisons en sorte de lier l’utile à l’agréable. L’essentiel c’est le goût et non la beauté du plat. Nous jouons sur les deux. La beauté compte parce qu’à la base nous mangeons avec les yeux. Pour attirer les gens, il faut forcément qu’il y ait de la couleur, de la texture, du parfum. Je travaille beaucoup sur cela. La beauté est importante à ce niveau-là et elle est créée avec ce que l’on a. Il ne faut pas chercher ailleurs pour embellir le mets congolais. Nous faisons avec ce que nous avons tout en utilisant des techniques modernes, que les chefs sur place n’ont pas la chance d’avoir. C’est cela aussi le but du concept Kin Bruncher qui consiste à prendre des chefs congolais qui ont évolué ailleurs comme moi afin d’organiser un échange avec les chefs locaux. Il ne s’agit pas de démonstration mais d’échange entre nous.  

L.D.B. : Selon vous, quel est l’ingrédient congolais parfait ou magique comme vous le dites. Celui qui convient à tout  ?

M.E. : Le gingembre. Ah oui, c’est mon truc fétiche. Moi, j’en mets un peu partout. "Naza Congolais, naza mwana mboka, mwa pilipili ekoki kozanga te" ! (rires).

L.D.B. : Les mets que vous proposez sont donc assez relevés…

M.E. : Les mets relevés, cela donne du caractère à tout ce que l’on fait. Je propose par exemple une sauce au chocolat et piment, c’est excellent ! Je fais aussi du caramel salé-pimenté. Au fait, il y a du piment mais je n’en mets pas trop. J’arrive à jouer sur la balance car le piment c’est bon mais cela peut aussi devenir agressif donc j’utilise le salé et le sucré. Et, le gingembre, puisqu’il relève le goût, donne du goût à tout ce que l’on prépare, je le mets dans le poisson, la viande, les pâtisseries… cela donne du caractère à tout ce que l’on fait ( petits rires).  

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Kin Bruncher avec le Chef Mick Élysée de Londres

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