Migrants : des morts, encore des morts, toujours des morts !

Jeudi 7 Mai 2015 - 18:33

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Un incident en Méditerranée a coûté la vie à une quarantaine de migrants. La vague d’arrivées sur les côtes italiennes ne cesse pas.

Il y a du déprimant dans le fait de devoir compter jour après jour le nombre de migrants terminant en mer – sous la mer – la folle entreprise de tenter de gagner l’Europe à partir des côtes libyennes. Le beau temps règne sur les rives méridionales et occidentales de la Méditerranée. C’est le moment propice pour les trafiquants de faire de juteuses affaires. Encaissant de 150 à 5000 euros (de 100.000 à un peu plus de 3 millions de F CFA) par personne pour une traversée qu’ils savent non assurée, les trafiquants mettent chaque jour à l’eau des dizaines d’embarcations à la condition des plus précaires.

Ainsi, il n’a pas suffi de dénombrer les 1200 morts répertoriés au cours du mois d’avril. Il n’a pas suffi de compter les 350 morts d’une seule traversée en octobre dernier : les morts se suivent et ne se comptent qu’avec peine chez les migrants provenant de partout et jouant leur destin en Méditerranée. Mardi, une autre clameur s’est élevée chez les humanitaires lorsque des migrants rescapés ont raconté n’être restés vivants que 137 sur les (plus ou moins) 200 qu’ils étaient en quittant les côtes libyennes, à bord de deux embarcations de fortune.

Les récits varient : la collision en pleine mer des deux embarcations pilotées par des mains inexpertes, le dégonflement d’un des bateaux (deux canots pneumatiques en caoutchouc) ? Mais les versions concordent sur un point indiscuté : « beaucoup de personnes sont tombées à la mer et ne sont plus remontées à bord » ! La marine militaire italienne, aidée par d’autres navires marchands ou des chalutiers, a pu sauver de la noyade 6.000 personnes depuis samedi ! Le pays appelle l’Union européenne à prendre des « mesures significatives ».

Le ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, est exaspéré devant les atermoiements des autres pays membres de l’Union. « Il ne suffit pas d'ajouter une dizaine de navires à ceux italiens » en Méditerranée pour résoudre le problème. Il faut aussi mener une lutte résolue « contre les trafiquants d'êtres humains », et mener une autre approche sur le droit d'asile. « Le sommet de l'UE a finalement confirmé le caractère européen du problème des migrants en Méditerranée, mais nous avons maintenant besoin de mesures significatives », a dit le ministre italien en se référant à la réunion européenne d’urgence du mois dernier à Bruxelles. Son pays est littéralement débordé. Les préfets, dans toutes les provinces, disent qu’ils n’ont plus de structures pour accueillir les migrants. « Une urgence européenne ne peut continuer à n'avoir que des réponses italiennes », a protesté le ministre des AE.

L’ancien président italien du conseil (premier ministre), ancien ministre et ancien président de la Commission de l’Union Européenne, Romano Prodi, estime que l’Europe paye ici le prix que lui a valu son indifférence envers les pays des bords sud de la Méditerranée. «Quand j’étais président de la Commission de l’Union européenne et que je voyageais dans la région, je me rendais compte combien l’Europe faisait erreur en se concentrant uniquement sur son élargissement. Il en est résulté une tragique asymétrie dans sa politique », soutient-il.

Lucien Mpama