Migration : Paolo Gentiloni tente de réveiller l’Europe

Vendredi 16 Décembre 2016 - 18:20

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Le nouveau Premier ministre est allé au contact à Bruxelles jeudi, mais il en est revenu déçu du peu de solidarité de la part des pays européens.

C’était en quelque sorte son baptême du feu. Nommé en début de semaine et obtenant la confiance du Parlement mardi et mercredi, M. Paolo Gentiloni, le Premier ministre italien, s’est rendu au Conseil de l’Europe, à Bruxelles, jeudi. Ancien ministre des Affaires étrangères de M. Matteo Renzi auquel il a succédé à la primature, Paolo Gentiloni n’a rencontré aucune figure inconnue à Bruxelles. Même les dossiers sur la table du Conseil, Syrie et surtout immigration, n’avaient rien de nouveau pour lui.

Mais au-delà des applaudissements de salle et des félicitations empressées des députés européens de gauche pour sa nouvelle fonction, le Premier ministre italien est revenu à Rome avec une légère amertume. Car sur le dossier de l’immigration, il a buté sur les divisions européennes de toujours, qui amoindrissent l’impact des mesures de solidarité longtemps soutenues par M. Matteo Renzi pour aider l’Italie à faire face à la pression migratoire et la freiner depuis les pays de départ des candidats à l’immigration vers l’Europe.

M. Paolo Gentiloni a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy. Avec eux, il a signé l’accord de soutien économique au Niger, pays-clé par lequel transitent des milliers de migrants et refugiés qui gagnent ensuite la Libye par le désert, d’où ils s’embarquent pour les ports italiens de Sicile. L’aventure a déjà coûté la mort à des milliers de téméraires et de désespérés, ce dont ne veut plus l’Italie.

Mais les 27 autres membres de l’Union européenne (UE) ne sont pas aussi empressés que Rome de voir s’arrêter cette hécatombe en Méditerranée. L’accord avec le Niger constitue, a dit M. Gentiloni, « le premier pas concret » dans la mise en œuvre de la Migration compact, idée italienne consistant à investir massivement dans les pays de provenance des flux de migrants pour y créer des emplois et des opportunités et ainsi assécher la source. L’idée séduit en Allemagne, peu ailleurs. Bien plus, au sein de l’UE chacun veut l’interpréter à sa manière.

Aussi le nouveau premier ministre italien a-t-il fait le constat qu’au-delà des mots, les élus européens n’ont rien lâché de vraiment décisif, ils « sont en retard » sur la question de l’immigration. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Sergej Stanishev, et d’autres leaders européens de gauche ont rendu hommage au « travail remarquable » accompli par M. Matteo Renzi et encouragé son successeur à maintenir le cap. Le socialiste français Pierre Moscovici, commissaire européen à l’Économie et aux Finances, s’est fendu de paroles fort aimables affirmant que l’Italie continuait d’être dirigée « par un gouvernement ami ». Mais c’est tout.

Pour M. Gentiloni, le temps des bla-bla est passé. « La question principale aujourd’hui, parmi tant d’autres, c’est l’immigration. Et sur ce point, l’Italie est très exigeante. Nous ne sommes pas satisfaits par les discussions sur le règlement de Dublin qui fixe les mesures d’accueil des réfugiés » au sein de l’UE. D’où un énervement à Rome lorsque des pays comme la Slovaquie essaient d’imposer une vision plus restrictive de la question de ventilation des réfugiés à travers tous les États membres de l’UE.

Avant de se démettre de ses fonctions le 5 décembre dernier, Matteo Renzi avait tapé du poing sur la table contre des pays comme la Hongrie qui veulent ériger des murs anti-immigrés (« avec les fonds européens ») alors que l’Italie doit supporter seule le poids des flux de réfugiés sur son sol. À son tour, Paolo Gentiloni s’est également insurgé contre la notion de « solidarité flexible » que tentent d’avaliser les pays d’Europe de l’Est là où l’Union, par son accord de Dublin, impose une solidarité sans épithètes à tous. « Nous avons lancé un programme pour faire face ensemble aux phénomènes migratoires venus d’Afrique. Nous l’avons lancé en janvier. Nous en attendons les résultats concrets !», a tempêté le nouveau Premier ministre italien. Les atermoiements sont d’autant moins compréhensibles que tous les membres de l’UE ont positivement accueilli cette idée italienne, a ajouté Mme Federica Mogherini, la Commissaire européenne aux Affaires étrangères.

L’Italie rappelle aussi que ses efforts au Niger, pays qu’a visité M. Gentiloni récemment, commencent à porter leurs fruits. Seulement 1500 migrants y ont été enregistrés au mois de novembre dernier, contre 72.000 en mai. Il s’agit de coopérer avec les principaux pays de provenance des migrants africains comme l’Érythrée, le Sud-Soudan, l’Éthiopie, la Somalie ou le Mali, pour éviter la répétition des drames mortels en Méditerranée ainsi que  la montée du populisme dans une Europe où le racisme ne se cache même plus.

Lucien Mpama

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