Modification de la Constitution : la bataille des textes se transporte à Washington

Samedi 2 Août 2014 - 15:26

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Les délégués de la majorité et de l’opposition vont, en marge du sommet Afro-américain prévue du 4 au 6 août, faire triompher leurs idées devant les stratèges américains réunis au sein de la National endowment for democracy (NED). 

Un échantillon de la classe politique congolaise est attendu incessamment à Washington en marge du sommet afro-américain prévu pour le 6 août. À l’invitation du président des États-Unis, Barack Obama, une cinquantaine de chefs d’État africains effectueront le déplacement de la capitale fédérale américaine pour échanger sur les questions de démocratie, de développement et du respect des droits de l’Homme. Les responsables politiques et de la société civile congolaise invités à ces assises interviendront, avec leurs pairs africains, au forum organisé en prélude du sommet proprement dit. L’administration américaine, à travers l’organisateur qu’est le NED, une structure américaine émargeant au budget du Sénat, voudrait en savoir un peu plus sur le débat engagé en RDC sur la révision constitutionnelle. Telle est, somme toute, l’objectif visé par la convocation à Washington des délégués de la majorité et de l’opposition qui devront défendre leurs positions respectives par rapport à cette problématique.

Du côté de la majorité, le dévolu a été jeté sur Évariste Boshab (secrétaire général du PPRD), Ramazani Shadari (président du groupe parlementaire PPRD à l’Assemblée nationale), Lambert Mende (président du CCU et porte-parole du gouvernement) et Jean-Pierre Kambila (conseiller à la présidence). Ces quatre personnalités ont reçu l’aval de leur autorité morale pour défendre les idéaux d’une mouvance présidentielle hostile à toute idée de maintien de l’actuelle Constitution ne cadrant plus avec l’évolution de la donne sociopolitique. Les opposants invités à ce forum ont été triés parmi les plus bouillants. L’on cite, entre autres, Martin Fayulu de l’Ecidé, Vital Kamerhe de l’UNC, Félix Tshisekedi de l’UDPS et Thomas Luhaka du MLC. Aux dernières nouvelles, il nous revient que Clément Nkanku Bukasa, coordonnateur national de l’Union pour la Nation (UN) pourrait aussi figurer dans les rangs. Deux activistes de la société civile, en l’occurrence, Jérôme Bonso de la Linelit et Gérard Bisambu d’AETA sont également attendus à Washington.

Des positions tranchées

Débats houleux en perspective donc pour ces acteurs politiques alignés en deux camps distincts ne partageant pas les mêmes convictions. Alors que la majorité s’en tient à l’article 218 qui égrène la procédure de révision de la Constitution, l’opposition recourt pour sa part à l’article 220 qui énonce des dispositions intangibles dont la forme de l’État, le nombre et la durée des mandats du président de la République. Elle va plus loin et brandit l’article 64 qui l’autorise « à faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la Constitution ».     

Depuis que le Parti du peuple pour la démocratie et le progrès social (PPRD) a ouvertement déclaré sa position favorable à la modification de la Constitution, le débat dans la classe politique sur cette question devient plus que vif. Sortant sa grande artillerie lors d’une matinée politique, le parti présidentiel évolue désormais à ciel ouvert, ne cachant plus ses intentions sur la perspective d’une révision constitutionnelle, salutaire selon elle pour harmoniser la logique institutionnelle aux aspirations populaires. Le pavé d’Évariste Boshab, fervent défenseur de la révision constitutionnelle et par ailleurs auteur d’un ouvrage prémonitoire « Entre la révision de la Constitution et l'inanition de la nation », a le mérite d’avoir ravivé le débat sur la nécessité de procéder aux reformes institutionnelles.

Constantes dans leur prise de position, la majorité et l’opposition restent figées dans leur perception et chacun de deux camps ne manque pas d’argument quant à ce. Pour les tenants de la révision, cette démarche est salutaire pour la RDC appelée à se démarquer d’une Constitution élaborée dans un contexte de belligérance pour se conformer au processus d’émergence dans lequel le pays est actuellement impliqué. Il sera donc question pour les délégués de la majorité et de l’opposition invités à Washington de puiser dans leur background en recourant aux notions de droit pour étayer leur argumentaire et espérer convaincre sur la portée de leur choix.

Vivement l’alternance

Dans quelle mesure ce débat pourrait-il influer sur la position américaine déjà déclinée indirectement via le secrétaire d’Etat américain John Kerry et l’envoyé spécial des États-Unis dans la région des Grands lacs, Russ Feingold, lors de leur dernier passage en RDC ? Difficile en tout cas de le dire. Mais tout ce que l’on sait est que les deux proches collaborateurs de Barak Obama ont, par rapport à l’échéance de 2016, exhorté au respect strict de la Constitution. Décryptant le message, l’opposition a vite conclu à une mise en garde à peine voilée de l’administration Obama contre un troisième mandat de Joseph Kabila. Est-il que la rencontre de Washington permettra de lever un coin de voile sur cette question à travers des indications claires sur la participation ou non de Joseph Kabila à la présidentielle de 2016.

Recevant il y a quelques jours cinq-cents jeunes leaders africains à la Maison blanche, le président américain a indiqué que l’Afrique ne pouvait pas s’engager sur le chemin de développement sans une véritable démocratie. Tout en insistant sur le respect de la loi censé être la norme devant régir les États africains, Barak Obama a, en même temps, réitéré sa volonté de voir l’alternance s’opérer à la tête des États du continent. « Un État de droit, c'est aussi le fait que les dirigeants ne gardent pas le pouvoir éternellement. Si vous avez les mêmes dirigeants tout le temps, vous n'avez plus d'idées nouvelles et le respect de la loi va en diminuant », avait-il déclaré. Des phrases sans doute prémonitoires qui, selon certains analystes, trahissent la volonté de l’administration américaine à faire bouger les lignes sur le continent tout en jetant les bases d’un nouveau partenariat.                   

 

 

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

1: Évariste Boshab 2: Félix Tshisekedi