Musique : "Makingo ma Ndima", une invitation au cœur de la vie des Aka

Vendredi 4 Octobre 2019 - 14:05

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Tout sur la pochette (la constance de la couleur verte sur les titres, la présence de la sylve et cette feuille au-dessus du titre) indique que le groupe polyphonique Ndima, issu des peuples Aka, a habilement concocté des magnifiques chants, invitant le mélomane à un voyage au cœur de la forêt congolaise et de la culture de ce peuple. Un album qui met à nu les réalités auxquelles font face homme et femme de ce clan.

Même si on ne comprend pas grand-chose par rapport à l’usage de leur dialecte,  on se laisse néanmoins séduire par les voix qui s’enchaînent les unes après les autres, les rythmes dansants et mélancoliques où chaque morceau révèle un pan d’histoire de ce peuple, sa coutume bonne ou mauvaise, le quotidien des femmes, sa marginalisation face aux Bantous, la sexualité, la polygamie…Un album plein de vie, puisqu’il met à nu les réalités auxquelles font face homme et femme de ce clan. Il est de ce fait une belle et juste façon de célébrer le vécu et la richesse culturelle de ce peuple.

Et pour commencer la randonnée, le groupe plonge dès les premières minutes de l’album à la rencontre d’une femme: "Ba passi Baaka", titre qui fait référence aux peines de certaines femmes au sein de leurs foyers. Le deuxième titre, "Akaya", quant à lui, relate l’histoire d’un homme nommé Akaya Mokondi qui délaisse sa première épouse au profit de la seconde, méprisant par conséquence les règles de la polygamie. En effet, entre les lamentations d’un homme qui supplie sa femme de ne pas divorcer (Di Angamou) et les recommandations d’un maître chasseur aux paysans à déployer plus d’efforts pour un meilleur rendement (Ganda Manionga), cet album est aussi la réponse qu’un homme donne aux femmes qui se moquent de sa laideur (Bobe). Il est aussi une invitation à la tolérance à travers le titre "Boune bomba me".

"Kosso" est certainement un des chants les plus revendiquant du registre puisqu’il dénonce le viol (Makoumou) bien connu des peuples Aka. Il consiste pour un homme à faire irruption dans une case pour imposer des relations sexuelles à une ou plusieurs femmes qui y dorment. "Motengue na Boudi" parle d’une femme qui ne sait pas se mouvoir au lit. Un sacrilège dans ce clan, quand on sait que la sexualité tient une place importante chez les Aka. Garante de la perpétuation du groupe, elle ne fait l’objet d’aucun tabou. "Bodzengué na passi", pour sa part, évoque les tourments du veuvage et ses conséquences. "Solo ya mombenga" est une belle chute, puisque les artistes dénoncent les multiples injustices auxquelles ils font face.

Dernier né du groupe Ndima, "Makingo ma ndima" est une invitation au cœur de la vie des Aka ( peuple autochtone dans les départements de la Sangha et de la Likouala), une ode à la vie dans la mesure où chaque titre révèle un pan d’histoire de ce peuple via des mélodies authentiques et singulières. Un opus qui nous entraîne dans des diversités sonores exceptionnelles. De plus, les voix complexes et uniques composent un  registre vocal (avec des changements brusques et  rapides des timbres) unique avec des rythmes tambourinés de la  harpe arquée (harpe cithare), de l’arc musical, de la flûte qui témoignent d’une riche culture artistique aujourd’hui menacée d’extinction.

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Pochette de l'album

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