Nord-Kivu : les jeunes Nande de Kinshasa dénoncent des massacres ciblés à Beni-Lubero

Jeudi 26 Avril 2018 - 17:00

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Des jeunes ressortissants de la province, établis dans la ville capitale, ont fait entendre leur voix à travers une correspondance adressée à la communauté nationale et internationale afin que cesse le "carnage" qui se déroule dans cette partie du pays.

Les jeunes de la communauté nande établis à Kinshasa se sont indignés de la situation sécuritaire à Beni-Lubero, dans la province du Nord-Kivu, caractérisée par des massacres ciblés à répétition. Dans une lettre ouverte adressée à la population congolaise et signée par le porte-parole de leur association, Trésor Kakule Kolobani, ces jeunes visent à sensibiliser la communauté nationale et internationale au carnage dont est victime la population civile des villes de Butembo, Beni et Lubero, « du fait de leur appartenance à la communauté Nande, autochtone de ce coin » de la province.

Dans cette correspondance, en effet, la Coordination de la jeunessse nande de Kinshasa (Cojeunak) a indiqué que c’est depuis avril 2014 que la population civile de Beni est victime des massacres ciblés. Une situation qui a entraîné,  selon cette organisation, une crise humanitaire sans précédent et la méfiance de la population envers l’État suivies de l’effritement de son autorité.

Un bilan catastrophique

Rappelant que cette situation et les massacres qu'elle a occasionnés seraient l’œuvre de la rébellion ougandaise, les ADF, dont les relations avec Kinshasa évoluent en dents de scie, les jeunes nande ont dressé, comme bilan de ces quatre années d’insécurité dans leur contrée, les assissinats sauvages des milliers de personnes, la disparition des milliers d'autres, des centaines de villages incendiés et dévastés ainsi que des milliers de personnes vouées à l’errance et à la pauvreté indescriptible.

Pour ces jeunes nande, les opérations militaires menées dans ces zones n’ont rien apporté si ce n’est la militarisation à outrance de ces contrées avec la création d'une greffe d’insécurité par certains éléments incontrôlés de l’armée régulière. La Cojeunak regrette, par ailleurs, que les missions parlementaires et autres officiels descendus dans cette partie du Nord-Kivu n’aient eu comme suite que des rapports qui moisissent dans des tiroirs des autorités sans que la situation ne s’améliore sur le terrain. « Cette situation crée une méfiance de la population vis-à-vis du gouvernement de la République », a écrit la Cojeunak.

"Victime de son hospitalité"

La Cojeunak explique que la situation vécue dans cette contrée est due à l’esprit expansionniste qui hante certaines communautés des pays de la région des Grands lacs. « Ces attitudes antagonistes sont à la base des alliances politico-militaires qui se font et se défont », souligne-t-elle, martelant que c’est cette dynamique de la région des Grands lacs qui fait que « la province du Nord-Kivu a toujours été la porte d’entrée de l’instabilité de la RDC par la manipulation et la complicité de certaines tribus appuyées par des pays voisins qui caressent le rêve de domination au-delà de la frontière conventionnelle du pays ».

Relevant l’hospitalité qui caractérise depuis toujours la région Beni-Lubero, la Cojeunak pense que, malgré le pardon accordé, il faudra réévaluer les recommandations formulées dans le mémorandum de l’Association culturelle nande/Kyaghanda-Kinshasa, adressé le 18 mars 2016 au président de l’Assemblée nationale. L’association voudrait également qu'une enquête parlementaire soit diligentée à Beni-Lubero et que les auteurs des actes décriés soient traduits en justice. En outre, la Cojeunak souhaite la création d'un cadre d’interpellation d’acteurs politiques, des commanditaires, des planificateurs et des tireurs des ficelles de ces massacres, bien connus et pointés du doigt par la population locale lors de la mission humanitaire et de sensibilisation des ministres originaires du Nord-Kivu.

L'association a aussi exhorté à la poursuite de la neutralisation totale et systématique de tous les groupes armés locaux ainsi qu’à la restauration de l’autorité de l’État. L’identification de tous les réfugiés rwandais vivant en RDC, la relève des militaires et policiers originaires du Nord-Kivu dont l’accointance avec les milices locales est avérée, la collecte des armes de guerre distribuées par certains leaders politiques à la population civile de Masisi, Rutshuru, Goma et Nyirangongo, font aussi partie des recommandations formulées. Il y a également l’encouragement du cadre de concertation intercommunautaire et l’accompagnement de ces communautés dans les initiatives tendant à consolider la cohabitation pacifique entre elles, l’enquête internationale dans la région, l’appel à une force internationale, l’exigence d’un tribunal pénal spécial international pour l’Ituri ainsi que la réévaluation des recommandations contenues dans les différents appels de la Cojeunak et la lettre ouverte de la société civile de Beni-Lubero.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Photo: le logo de la Cojeunak.

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