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Nos parlementaires peuvent-ils s’en sortir?

Lundi 26 Mai 2014 - 0:28

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Les élus du peuple à l’Assemblée nationale (Congo-Brazzaville), plus que leurs doyens, les sénateurs relevant de la chambre haute du Parlement, ont de réels problèmes. D’abord vis-à-vis de leurs suppléants, avec lesquels ils partagent le même bulletin de vote lors des scrutins électoraux puis s’installent dans une méfiance réciproque sitôt le prestigieux siège gagné. Ensuite, avec leurs mandants à qui, le voulant ou non, certains d’entre eux promettent le Ciel et la Terre. Enfin avec la communauté nationale, auprès de laquelle ils peinent parfois à montrer que le rôle qu’ils remplissent dans l’hémicycle bénéficie réellement au pays.

Pour ce qui est des suppléants, la discorde avec les députés titulaires a parfois pris l’allure d’une guerre des tranchées. Les premiers reprochent aux seconds d’accaparer tous les avantages procurés par la fonction. Depuis quelques années, en effet, d’après ce que l’on apprend dans les conversations, le poste a pris du volume en termes de rétribution et, même s’ils ne peuvent pas se prévaloir de venir à bout de tous leurs soucis pécuniaires, les bénéficiaires ne se considèrent pas néanmoins comme des laissés pour compte de la République. Et c’est bien les questions de porte-monnaie qui fonderaient la grogne des suppléants. En silence, ils disent se battre pour obtenir le relèvement de leur prime, ajoutant que le suppléant qui siège en lieu et place du député titulaire frappé d’incompatibilité ne se contenterait que de becquées dérisoires portées par son mentor.

À échéance régulière, en fin de session parlementaire, les députés sont tenus de rendre des comptes à leurs électeurs au moyen des descentes parlementaires. La loi prévoit pour cela des frais de descente que l’on dit conséquents. Au fil de ces retrouvailles, effectivement, le député est abordé par la population qui lui expose toutes les difficultés de la circonscription. Elles ne sont pas seulement d’ordre sémantique, car l’un des défis de ce dialogue est d’expliquer au paysan analphabète du coin ce qu’est l’aval pétrolier, ou encore l’avenant au marché conclu avec la société X chargée de colmater les brèches d’un pipeline érodé par les intempéries. Les interlocuteurs du député parlent de route, d’eau, d’électricité, d’école, d’hôpital, mais aussi de savon, de sel, de pétrole, alors même que dans sa dernière session ayant motivé la descente parlementaire, l’Assemblée nationale a essentiellement voté la loi sur la réforme du régime des retraites. C’est un exemple.

Il n’est pas rare de voir certains députés, s’ils n’abandonnent pas totalement, prendre de plus en plus de recul pour se rendre dans leurs circonscriptions lorsqu’ils ne peuvent plus faire face aux demandes de construction d’une passerelle sur tel ruisseau, à celles accumulées des semaines entières sur les aides sociales à régler. Au quotidien, semble-t-il, le député congolais paye comptant la dérive que subit sa fonction, dont l’essence, sous d’autres cieux, est le travail parlementaire, le vote des lois, le contrôle de l’action gouvernementale. Citoyen, il est vrai, le député est par excellence le porte-parole de ses concitoyens auprès des institutions qui doivent trouver des solutions à leurs nombreuses doléances. S’il se substitue à ces dernières, il n’y a pas de doute, il sera débordé. Ce qui est le cas chez nous.

À y regarder de près, peut-être le problème se pose-t-il de savoir repenser la noble fonction de l’élu du peuple à l’Assemblée nationale plus que galvaudée par la pratique de tous les jours. Mais il revient aux pouvoirs publics de reprendre l’initiative dans tous les secteurs de la vie nationale où leur présence a fait défaut depuis de longues années. En parlant d’élus en difficulté, les sénateurs ne sont pas en reste. Ils sont à leur tour foudroyés du regard par les (leurs) Grands Électeurs (conseillers départementaux et municipaux) qui réclament un statut particulier. Par ces temps d’intenses débats sur la réforme des institutions de la République, juristes, constitutionnalistes, philosophes et sociologues ont du pain sur la planche.

Gankama N'Siah

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