Numéro spécial Francophonie : L’université Senghor et le développement africain

Mercredi 12 Novembre 2014 - 18:00

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S’il est aujourd’hui une certitude, c’est que l’Afrique incarne pour la Francophonie à la fois son passé, son présent et son avenir. La Francophonie est née en Afrique ; une Francophonie sans l’Afrique, c’est-à-dire privée de sa base, serait sans avenir aucun

Albert LourdeIl est donc naturel que, de longtemps, la Francophonie se soit intéressée particulièrement à l’Afrique, en décidant notamment, lors du sommet de Dakar, en 1989, de créer une université internationale de langue française au service du développement africain qui porterait le nom de Léopold Sédar Senghor, chef d’État sénégalais, immense poète et homme de culture qui, il y un demi-siècle, a pensé tous les grands thèmes qui sont aujourd’hui discutés et prônés dans le monde francophone : démocratie, État de droit, promotion de la femme, diversité culturelle, dialogue de civilisations.

Le sommet a doté l’université Senghor d’une double nature : université de la francophonie, reconnue d’utilité publique internationale, mais également, aux côtés de l’AUF, de l’AIMF et de TV5 Monde, opérateur direct et reconnu des sommets francophones qui lui ont donné pour objectif de former et de perfectionner – en français et sur place – des cadres de haut niveau capables d’impulser et d’accompagner le développement africain. Il s’agit de constituer, au cœur du développement de l’Afrique, un corps de fonctionnaires et d’experts d’élite, « les hussards noirs », en somme, de la bonne gouvernance africaine. Pour répondre à cette mission, l’université Senghor propose, à Alexandrie, des formations hautement spécialisées qui ne concurrencent pas mais qui complètent les cursus offerts dans les pays par les universités nationales.

Il s’agit d’un master en développement, master professionnel qui se décline en neuf spécialités : gestion du patrimoine culturel, gestion des industries culturelles, communication et médias, gestion de l’environnement, gestion des aires protégées, santé internationale, politiques nutritionnelles, management de projets, gouvernance et management public. L’université Senghor forme également à distance les formateurs de directeurs d’établissements scolaires (lycées et collèges) avec son master « gestion des systèmes éducatifs ». Le master en développement fonctionne conformément au système LMD, ce qui favorise et explique sa reconnaissance internationale.

D’autant que l’université Senghor propose un rassemblement performant et souple de compétences, un corps professoral sans équivalent sur le continent. Chaque année une centaine de professeurs, avec des professionnels de très haut niveau venus de l’ensemble des pays francophones, y dispensent des enseignements spécialisés en y faisant partager leur expérience pratique et leur diversité pédagogique. Telles sont les raisons pour lesquelles notre master a suscité, en dépit des difficultés que traverse l’Égypte, plus de 3 000 candidatures provenant d’une quarantaine de pays différents.

Depuis sa création, l’université Senghor a ainsi donné à près de 1 500 cadres africains issus de 37 nationalités différentes non seulement un master reconnu internationalement, mais surtout une conception globale de la bonne gouvernance et du développement durable à travers tous ses aspects : santé, culture, administration, environnement. En réunissant des cadres venus de différents horizons africains, en les faisant vivre et travailler ensemble durant deux années, l’université Senghor favorise l’émergence d’une coopération administrative interafricaine francophone. En proposant des formations sur place, sur le continent africain, l’université Senghor œuvre à endiguer le fléau de la fuite des cerveaux. En offrant des perspectives de stages dans l’ensemble des pays francophones, elle est ouverte sur la complexité et la diversité du monde.

Le continent africain va connaître dans les prochaines années une révolution démographique qui portera sa population, selon les spécialistes, à deux milliards d’habitants. Les besoins de formation vont dès lors être immenses ; c’est pourquoi l’université de la Francophonie pour l’Afrique aborde naturellement une évolution, une adaptation, rendue indispensable, afin d’apporter, à sa place et selon ses moyens, une réponse efficace à ces nouveaux besoins. Contrainte, lors de chaque campagne de recrutement, à refuser plus de 2 000 candidatures de qualité, Senghor a entrepris de se rapprocher de ces publics qui ne peuvent pas, ou qui ne souhaitent pas pour des raisons diverses, venir en Égypte, en ouvrant des formations tant au Maghreb que dans la partie subsaharienne du continent.

L’université Senghor a dès lors décidé de s’externaliser dans les pays, en ouvrant, en partenariat avec des établissements nationaux reconnus, des filières spécialisées formant des « campus Senghor » qui ont vocation à accueillir et à former sur place des étudiants de haut niveau, dans une période où les déplacements Sud-Nord sont rendus plus difficiles. Cette formule permet, par sa souplesse, de décupler et d’adapter l’offre de formation à la réalité et aux besoins du terrain sans jamais sacrifier l’exigence d’excellence. Car l’université, dont l’unité est préservée, garde le contrôle total du pilotage, l’entière maîtrise académique, pédagogique, administrative et financière des externalisations dans une construction rationnelle, cohérente et solidement articulée.

Les campus Senghor offrent encore plusieurs atouts majeurs sur la voie de la réussite africaine : d’une part, ils font ponctuellement appel aux ressources professorales et à l’expertise professionnelle locale, assurant ainsi l’entière adéquation des enseignements dispensés aux réalités nationales et le désenclavement des professeurs africains désormais reliés aux réseaux universitaires de Senghor ; d’autre part, en formant les spécialistes qui font défaut aux universités africaines, ils nourrissent la perspective à terme d’une formation délivrée par les experts du Sud eux-mêmes, ne faisant plus appel que ponctuellement aux expertises du Nord.

Des campus Senghor sont actuellement ouverts en Côte d’Ivoire, au Burkina-Faso, au Maroc, à Djibouti. Des pourparlers sont en cours pour Libreville, Saint-Louis du Sénégal, Djibouti et Tunis. La mise en place d’un espace numérique de travail au sein duquel les professeurs, les étudiants, les personnels des différents campus pourront dialoguer et échanger leur expérience nous permettra de faire de l’université Senghor, à partir des campus situés dans les différents pays, une grande université internationale en réseau, une grande université virtuelle en appartenance partagée par tous les francophones.

Vice-président du Centre méditerranéen de littérature, membre du jury du Prix Méditerranée, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, professeur à l’université de Perpignan où il a occupé les plus hautes fonctions, directeur de l’Institut français de droit comparé et de droit musulman, le professeur Albert Lourde a consacré sa carrière et ses travaux à l’outre-mer et à la Francophonie. Après avoir exercé de hautes responsabilités au Maroc, en Afrique noire et en Asie du Sud-Est, il dirige aujourd’hui l’université Senghor.

Albert Lourde