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Obama et les contraintes de la realpolitik

Samedi 1 Août 2015 - 9:15

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Barack Hussein Obama, le président des Etats-Unis, quittera-t-il la Maison Blanche l’année prochaine dans la même apothéose qui entoura son élection à la tête de son pays pour la première fois en 2008 ? Sans doute non. Il n'est que de songer à la montée de la haine raciale contre la communauté noire de ce pays sur son propre sol. Comme si ceux qui perpètrent ces violences ciblées voulaient lui rappeler en partie ses origines. Au bout de deux mandats (2008-2012 et 2012-2016) menés au pas de charge à la tête de la première puissance mondiale, l’Obamania a pris un coup. Mais on ne pourrait pas dire que cet enfant d’Afrique et du Kenya par son père, Américain par sa mère, son éducation et sa formation,  n’entrera pas dans l’Histoire par la grande porte.

Enfant d’Afrique, cela est dit, Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, aura fait preuve de beaucoup de tact dans l’accomplissement de sa mission. En 2008, il hérite d’un pays diplomatiquement en déclin du fait des deux mandats calamiteux de son prédécesseur Georges Walker Bush. Ce dernier avait lui-même été chargé du lourd fardeau laissé par son propre père, Georges Bush senior, (1989-1993) commandeur de la première guerre d’Irak en 1990. En termes de propension au bellicisme, les deux autres précédents mandats de l’autre président républicain, Ronald Reagan (1980-1988), renseignaient aussi sur le caractère exclusivement punitif des interventions des Etats-Unis d’Amérique hors de leurs frontières. Presque la raison du plus fort.

Devant les deux cadeaux empoisonnés que constituaient pour lui les guerres en Irak et en Afghanistan, Obama a mis en application à la fin de l'année 2011, ses promesses de campagne de retirer progressivement les troupes américaines des deux théâtres d’opération. Même si, dans le premier comme dans le second pays, les résultats sont demeurés mitigés. Si, en effet, les Irakiens votent leurs dirigeants au suffrage universel, les violences induites par la guerre, suivie de la longue occupation américaine et les dissensions confessionnelles ont occasionné beaucoup plus de victimes que du temps de Saddam Hussein. Si les Afghans vont aux urnes pour élire leur président et leurs députés, la menace talibane reste présente et mettra longtemps à disparaître.

Barack Obama a néanmoins, en partie, terminé le travail commencé par Georges Bush fils en privant Al-Qaïda de son géniteur, Oussama Ben Laden. Parviendra-t-il, d’ici la fin de son mandat, à fermer le camp de Guantanamo dans lequel sont maintenues en prison, parfois sur la base du soupçon, de nombreuses personnes capturées à la suite des attentats du 11 septembre 2001 ? La question reste posée. Il avait promis de la faire dès sa prise de fonction, mais confronté à la réalité du terrain, le président démocrate a mis de côté les considérations humanitaires et de respect des droits humains qui sont le sous-bassement de la liberté individuelle et de la démocratie.

L’une des manches de la politique internationale sur laquelle Obama a marqué des points est sans doute son penchant à la négociation. Contre l’avis des conservateurs de son pays, Obama a renoué les relations diplomatiques avec Cuba après plus de cinquante ans de rupture. Si des faucons à la Havane et à Washington s’arrachent les cheveux pour dénoncer cet aboutissement, les citoyens des deux pays, plus nombreux et plus dynamiques, y trouveront leur compte. Même chose pour la conclusion il y a peu, avec l’Iran, des accords sur le nucléaire.

Par ces réalisations, Obama a montré combien la puissance peut être aussi cette capacité de prêter attention à l'opinion des plus faibles. Dans son pays, des voix habituées à la rétorsion s’étaient levées pour réclamer la guerre contre l’Iran. Même l’allié israélien disait la même chose. Il leur a prouvé le contraire. Il faut voir comment les diplomates occidentaux se pressent aux portes de Téhéran depuis la signature de l’accord avec le régime des Ayatollah pour comprendre que dans certaines circonstances, se parler est plus bénéfique, plus rentable que se tirer dessus.

Il restera pourtant une épine dans le pied d’Obama : sa relation avec le président russe Vladimir Poutine, et plus généralement entre l’occident dont les Etats-Unis sont le porte-étendard et la Russie. Il y avait quelques années, les deux hommes s’étaient vus, avaient longuement conversé donnant à dire que le dégel produit par la chute du mur de Berlin en 1989 façonnait à jamais une nouvelle ère des relations internationales. Or, depuis l’éclatement de la crise ukrainienne et le rattachement de la Crimée à la Russie, le temps est remonté vers les années de la guerre froide. Si l’on n’y prend garde, il quittera la Maison Blanche sans échanger de parole avec son homologue du Kremlin.

Terminons enfin sur la récente tournée du président Obama en Afrique, sans doute la dernière avant la fin de son mandat. Au cours de celle-ci, le chef de la Maison Blanche a longuement évoqué divers sujets liés au développement de l’Afrique. S’il a salué les progrès accomplis sur cette voie expliquant, comme beaucoup d'autres dirigeants et d'experts avant lui, que l’Afrique est le continent du futur, Obama a aussi pointé du doigt des anachronismes qui constituent autant d’écueils dans cette quête du progrès: le « cancer » de la corruption, les alternances politiques jugées chaotiques, le terrorisme qui s’enracine et contre lequel il a promis le soutien de son pays.

Barack Obama a même touché les sensibilités de la vieille Afrique de son père en se posant en défenseur de la cause des homosexuels. On ne sait pas si sur cette dernière trouvaille, il a fait des émules parmi ses nombreux interlocuteurs. On ne sait pas non plus si son doigt accusateur en direction des "alternances difficiles", même s'il n'avait pas valeur d'injonction, a été le meilleur extrait de ses déclarations. Tout compte fait, sur ce dernier volet, c'est Obama, fils d’Afrique qui parlait, c’est aussi Obama l’Américain issu d’un pays de vieille culture démocratique qui s’exprimait. Avec sa propre sensibilité.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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