Opération « Likofi » : un jeu de ping-pong entre Human Rights Watch et Richard Muyej

Jeudi 20 Novembre 2014 - 12:45

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Alors que le ministre congolais de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières accusait cette ONG internationale de « diabolisation et de chantage », cette dernière vient de relever des contre-vérités dans les propos du ministre.

Dans une sorte de réponse, le 20 novembre, aux propos du ministre de l’Intérieur tenus lors de sa conférence de presse organisée le 19 novembre pour démentir le rapport d'Human Rights Watch (HRW) sur les dérapages enregistrés au cours de l’opération « Likofi », cette ONG internationale estime que les individus présentés par Richard Muyej ne figurent pas parmi les cas documentés par elle. Pour HRW, en effet, les noms fournis par les familles des victimes n’ont aucun rapport avec ceux qui ont été cités par le ministre de l’Intérieur.

Selon cette ONG, lors de sa conférence de presse, le ministre Muyej a présenté deux individus dont il a affirmé qu’il s'agissait de personnes figurant sur deux photographies publiées dans le rapport querellé, l’une d’elles étant identifiée comme ayant été tuée lors de l’opération Likofi, et la seconde comme ayant été victime d’une disparition forcée. Richard Muyej a également affirmé qu’un troisième homme, dont la photo a été publiée dans le rapport en tant que victime d’une autre disparition forcée, avait comparu devant un tribunal, puis jugé et remis en liberté. Ce dernier n’était pas présent lors de la conférence de presse. « HRW a comparé les noms cités par M. Muyej à ceux des personnes figurant sur nos propres listes, mais qui n’avaient pas été publiés dans le rapport afin de protéger les familles des victimes. Or, il y a une divergence entre les noms. Les noms fournis à HRW par les familles des victimes n’ont aucun rapport avec ceux qui ont été cités par M. Muyej. Ainsi, nous estimons que les individus présentés par Muyej ne figurent pas parmi les cas documentés par HRW », a souligné cette ONG internationale.

Un travail en synergie

HRW a, par ailleurs, émis le souhait de recueillir davantage d’informations auprès du gouvernement au sujet de ces trois individus présentés, afin d’examiner leurs cas. « Et nous espérons obtenir l’autorisation du gouvernement pour mener des entretiens avec eux », a estimé cette ONG dans sa réaction. Par ailleurs, cette association a salué l’engagement du ministre congolais à poursuivre l’enquête du gouvernement sur les allégations de meurtres et de disparitions forcées commis par la police durant cette opération, et à présenter les résultats de ces investigations d’ici à la fin de l’année. « Nous appelons de nouveau à ce que la commission chargée de mener ces enquêtes soit renforcée par la participation de représentants de la société civile et d’observateurs internationaux, afin de mieux garantir son indépendance et la crédibilité de ses conclusions », a souhaité HRW.

Richard Muyej, note-t-on, a estimé que les rédacteurs de ce rapport se sont inscrits dans la logique de « diabolisation, de lynchage médiatique, de chantage éhonté et d’humiliation contre le gouvernement de la République et le peuple congolais ». Le ministre de l’Intérieur a présenté, séance tenante, deux jeunes hommes présumés victimes de disparition forcée dont les photos ont été publiées dans le rapport de HRW. Selon Richard Muyej, ces deux jeunes hommes sont incarcérés à la prison de Makala où ils ont été transférés par le parquet. « Avec les preuves ainsi établies qui contredisent suffisamment les allégations de HRW, quelle crédibilité pouvons-nous accorder aux publications de cette ONG et aux sources de leurs informations que sont certaines familles en mal de déclarations ? », s’est interrogé Richard Muyej, qui a également mis en doute l’authenticité des photos des morts présentées dans le rapport de cette ONG comme étant des personnes tuées par les forces de la police.

Il est également rappelé qu’en réaction à un précédent rapport sur cette opération, le gouvernement congolais a expulsé le directeur du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme, Scott Campbell. Des réactions ont fusé de partout pour condamner cette décision du gouvernement congolais alors que ce dernier est resté, de son côté, « serein », balayant d’un revers de la main toutes les allégations.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Les éléments de la Police nationale congolaise commis à l'opération "Likofi"/Photo John Bompengo-RO.