Paiements sociaux des industries extractives : un « flou » sur les quatre-vingt dix millions décaissés en 2013 et 2014

Lundi 4 Janvier 2016 - 17:38

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La Ligue congolaise de lutte contre la corruption (Licoco) a invité le Groupe multipartite de l’Initiative pour la transparence de l’industrie extractive (Itie) à mettre en place de toute urgence un mécanisme d’encadrement et de contrôle des projets. Pour arriver à bien évaluer l'impact social "des millions de dollars américains déjà engloutis", la Licoco a exigé l’audit de certains projets.

Depuis 2007, la RDC publie chaque année un rapport sur la mise en œuvre de l’Itie. Classé récemment "Pays conforme", le pays doit maintenir impérativement un bon niveau de transparence dans l'industrie extractive pour continuer à bénéficier de ce statut privilégié. Des voix s'élèvent parmi les organisations de lutte contre la corruption pour mettre en garde contre l’absence d'impact réel des projets sociaux en cours dans les zones minières. En effet, à en croire la Licoco, le niveau d’extrême pauvreté des populations riveraines n’en est plus ou moins qu’une illustration.

Les rapports de l’Itie aident à mieux tracer les paiements reçus des entreprises extractives. De ce fait, ils rendent possible l'évaluation de ces projets et permettent, le cas échéant, de demander des comptes au gouvernement sur leur utilisation. Dans une analyse très critique, la Licoco fait état d’une contrainte majeure. Selon elle, certains projets sociaux prêtent délibérement à confusion. « Nous constatons avec beaucoup d’amertume que les industries extractives contribuent plus dans le cadre des projets étatiques et individuels plutôt que celui des projets sociaux. Des millions de dollars américains sont engloutis dans des projets avec des libellés flous, des projets pour soutenir des structures étatiques ou pour soutenir des animateurs de ces structures mais que l’on fait passer pour des projets sociaux », a-t-elle dit.

Se basant sur les chiffres des rapports Itie 2013 et 2014, la Licoco a identifié le décaissement annoncé d’un peu plus de quatre-vingt dix millions de dollars américains. Cet argent a eu comme principal objectif de financer des projets à impact sur la lutte contre la pauvreté dans plusieurs secteurs de la vie nationale dont la santé, l’éducation, l’agriculture, le développement communautaire et les infrastructures communautaires. Il y a aussi l'argent mobilisé dans le cadre des contrats chinois sur les infrastructures. « Nous constatons avec beaucoup de regret que le gouvernement de la RDC cherche à justifier les fonds provenant de cet accord. Des routes déjà opérationnelles depuis plusieurs années sont reprises dans le rapport 2013 et 2014 pour justifier les fonds décaissés par la partie chinoise », a pousuivi la Licoco.

Procédant à une évaluation de leur impact, la Licoco constate la même précarité dans les zones minières. Elle déplore des milliers de dollars américains affectés à des projets aux contours très flous. Il y a, par exemple, les 60 000 dollars américains alloués, en 2013, à un projet dénommé « Communauté de Muanda » sans aucune autre indication sur la nature, le lieu, les bénéficiaires et les exécutants du projet. Au cours de la même période, l’organisation identifie un financement de 101 000 dollars américains alloués cette fois au médecin directeur d’un hôpital. Il y a également le cas des 13 000 dollars américains affectés au ministère des Hydrocarbures. Pour la Licoco, ces projets ne revêtent aucunement un caractère social au sens défini par la loi, c’est-à-dire des projets à fort impact sur la lutte contre la pauvreté.

Pour rappel, le rapport Itie 2013 indique le décaissement de 1,540 million de dollars américains par les entreprises pétrolières. Leur financement du social a baissé en 2014, passant à 1,486 million. Il s’agit d’une cagnotte destinée essentiellement au Kongo central, à l’ancienne province orientale, au Nord-Kivu et à Kinshasa. Quant aux entreprises minières, le rapport Itie situe leur niveau de financement du social à 40,851 millions de dollars américain. En 2014, il est passé à 46,371 millions de dollars américains USD. Tout le sens de la démarche de la Licoco est d’arriver à bien évaluer l’impact réel de ces projets sur la lutte contre la pauvreté.

Laurent Essolomwa

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