Partenariat consulaire : un exemple de coopération pour la formation et l’entrepreneuriat

Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:30

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La chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Pointe-Noire (CCIAMPN), en République du Congo, et la chambre de commerce et d’industrie de Paris et d’Île-de-France (CCIPIDF) ont inauguré le 27 mai 2013 la première École supérieure de commerce et d’industrie du Congo (Escic) dans le cadre d’un partenariat consulaire qui s’inscrit dans le principe de coopération pour un développement économique local par la formation des ressources humaines hautement qualifiées

À partir d’une enquête réalisée auprès d’entreprises de toutes tailles ressortissantes du bassin économique de sa circonscription, la CCIAMPN avait identifié des besoins en compétences dans tous les secteurs d’activité et dans tous les domaines des métiers notamment en maintenance industrielle, contrôle de gestion, qualité-sécurité-environnement (QSE) et en informatique.

Se démarquant du réflexe culturel qui consiste à apporter d’emblée une réponse d’ordre académique, la CCIAMPN s’est rapprochée d’Itescia, une école supérieure de la CCIPIDF qui développe des formations supérieures professionnalisantes et l’entrepreneuriat dans les domaines de la gestion et du management des technologies de l’information pour étudier la faisabilité d’un projet de formations qui permettraient de répondre aux attentes des entreprises en termes de compétences professionnelles.

Établir l'adéquation formation/emploi

L’analyse des besoins identifiés par la CCIAMPN, prenant en compte le contexte socioéconomique de la région de Pointe-Noire en particulier et du Congo en général, a fait émerger la question de l’adéquation entre la formation et l’emploi. Le taux de chômage atteint plus de 34% au Congo, touchant essentiellement la tranche des jeunes de 25 à 35 ans alors que les entreprises ont du mal à recruter. Le Congo, comme tous les pays d’Afrique subsaharienne, souffre moins du manque de diplômés – encore faudrait-il qu’ils soient d’un bon niveau de formation et en phase avec les offres d’emploi –, mais plus du manque de ressources humaines qualifiées et compétentes pour faire face aux défis économiques, anticiper l’impact des pressions concurrentielles, réglementaires et normatives, et enfin pour impulser le développement des économies locales et nationales et renforcer la compétitivité des entreprises sur le marché tant local que régional, voire international.

Dans cette perspective, la formation doit répondre à deux préoccupations : la disponibilité des compétences à court, moyen et long termes, et la construction des compétences nécessaires à des métiers en mutation ou en émergence et développer l’esprit d’entreprendre pour développer le secteur privé et créer des emplois. C’est pour relever ce double défi que la CCIAMPN a créé l’Escic, d’une part, dans le cadre d’un partenariat consulaire avec la CCIPIDF qui prévoit l’intervention d’Itescia comme opératrice de l’ingénierie pédagogique et, d’autre part, au niveau local d’un partenariat privé avec un organisme de formation et de conseil (Devel SA) qui a la charge d’en assurer la gestion.

Favoriser l'esprit d'entrepreunariat

Afin d’accompagner la CCIAMPN dans le développement de l’Escic, la CCIPIDF a délocalisé deux de ses formations supérieures à finalité professionnelle, respectivement de contrôleur de gestion et de responsable de systèmes de management QSE accessibles à la fois aux salariés désireux de renforcer leurs capacités immédiatement exigibles en situation professionnelle et aux jeunes étudiants dans le but de construire de réelles compétences professionnelles dans ces domaines tout en les sensibilisant à l’esprit d’entreprendre. Pour ces jeunes apprenants en formation initiale, il est intégré dans leur parcours de formation un projet de création d’entreprise ou d’activité structuré autour d’une idée centrale : la création d’une pépinière d’entreprises au sein l’Escic.

Sensibiliser l'ensemble des acteurs

Cette délocalisation des formations s’accompagne, d’une part, d’un transfert d’ingénierie pédagogique avec une mise à disposition, selon les besoins, des consultants-formateurs d’Itescia experts dans des modules cœur de métier et, d’autre part, de la formation de formateurs locaux à la pédagogie de l’alternance adaptée au contexte local. C’est une pédagogie spécifique et exigeante qui peut se décliner en pédagogie par projet, par résolution de problèmes et/ou par conception.

Ce projet de formations n’atteindra ses objectifs de façon pérenne qu’avec la participation d’entreprises locales, qu’elles soient privées ou publiques. Leur rôle en tant qu’actrices et parties prenantes aux actions formatives de l’Escic, soit en accueillant des stagiaires en leur sein soit en parrainant de jeunes créateurs, est primordial et incontournable. C’est en cela qu’une entreprise non seulement se distingue en tant qu’entreprise citoyenne, mais aussi en tant qu’actrice d’un développement durable.

Cet exemple de partenariat multiforme (Nord-Sud ; public-privé ; privé-privé…), comme beaucoup d’autres, figure une démarche stratégique qui contribuerait à impulser le développement économique en Afrique à condition naturellement d’en maîtriser les contours et les leviers. L’optimisme oblige à affirmer que tous les ingrédients sont disponibles, encore faudrait-il que le climat soit favorable à l’éclosion et à la dynamisation de la compétitivité des entreprises.

Au-delà des freins connus et souvent dénoncés, liés aux stratégies des États africains eux-mêmes et à l’indigence de la coopération Sud-Sud qu’il faut absolument éradiquer, le partenariat Nord-Sud, dans son expression la plus noble, est un atout majeur non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour les équilibres économiques et politiques futurs des pays du Nord. Dans cette perspective, la France devrait s’orienter résolument vers une relation partenariale équilibrée et sincère avec l’Afrique, prioritairement dans les domaines de l’économie, de la santé, de la formation et de la recherche.

Le taux élevé de chômage en Afrique subsaharienne (plus de 50% de la population active) s’explique notamment par la saturation des emplois publics et un secteur privé rabougri. Il y a donc nécessité de développer des stratégies privées, soutenues par des incitations publiques, qui favorisent la création et le développement des entreprises privées et induisent la mutation de la culture « fonctionnariale » prédominante vers une culture entrepreneuriale créatrice d’activités, d’emplois et de richesses. Dans ce registre, la diaspora africaine a un rôle à jouer et une place à prendre au côté des forces vives présentes dans nos pays.

 

NB : Philippe Kiessamesso est responsable de l’ingénierie de formation et des partenariats consulaires Itescia/CCIPIDF, et membre du Groupement des experts de la diaspora d’Afrique centrale.

Philippe Kiessamesso