Opinion

  • Brin d’histoire

Pas d’omelette, sans casser des œufs

Jeudi 14 Juin 2018 - 12:16

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Le 10 juin dernier, la cérémonie de lavement des mains s’est déroulée dans le Pool, revenu dans le giron de la République. Plus de vingt-cinq ans, après la fin de la Conférence nationale, cette célébration est caduque. La guerre de 1997 et ses funestes conséquences l’ont définitivement disqualifiée, comme instantané historique cathartique.

La Conférence nationale souveraine, il y a plus d’un quart de siècle, avait ouvert la boîte de Pandore. Qu’est-ce à dire ? « Créée par Héphaïstos, Pandore était une femme douée et protégée des dieux ; Athéna, en particulier, la couvait ; un jour, elle reçut de Zeus une boîte qui contenait tous les maux. Pandore épousa le frère de Prométhée et Zeus, pour se venger de ce dernier et de l’humanité qu’il voulait détruire, incita le marié Epiméthée à ouvrir la boîte de Pandore. Lorsque la boîte fut ouverte, les maux se répandirent sur terre et, au fond de la boîte, ne resta que l’espérance ». Non, l’espérance, vertu théologale religieuse, mais la confiance diffuse en l’avenir. Comme on s’en est aperçu, passé l’allégresse de l’avènement de la démocratie pluraliste, on se rendit vite compte que la Conférence nationale, véritable boîte de Pandore, avait semé, par ses conséquences, la désolation dans le pays. Chacun, dans cette sarabande infernale, s’est pris pour le premier moutardier du pape en faisant « le jacques». Tout ceci, bien évidemment, aux dépens et à la honte des hommes politiques bileux, habitués à manier avec fourberie le coup de Jarnac.

Comme si de rien n’était, on se lava les mains sans avoir vraiment détruit en nous le démon de la division interethnique. La Conférence nationale a exacerbé le repli identitaire. C’est ce que nous avons désormais en héritage. Le paysage politique était engorgé de partis ethniquement ou régionalement marqués, plus de deux cents ; des individus sans références solides ont été propulsés aux postes de responsabilité ; les ministères et autres institutions sont désormais des succursales villageoises où le patois est roi. Certains semblent avoir oublié ces legs désastreux. Ces dysfonctionnements fréquents et ces entorses à l’orthodoxie administrative, banalisées depuis la fin de la Conférence nationale, n’ont pas fini de faire des dégâts. Lundi dernier, le ministère de l’Intérieur a décidé de siffler la fin de la récréation. De ce magma de partis, seuls quarante-neuf remplissent les conditions légales d’existence. Parmi ceux-ci, des bourgeons de partis-greffons. Ils  n’ont pas de représentants dans les institutions de la République. Ils ne doivent leur notoriété qu’a des criailleries épisodiques. Cet écrémage doit se poursuivre par la mise en place des critères d’éligibilité plus drastiques. Parmi les partis qui se targuent d’être la vraie opposition, nombreux ont été éconduits et ne figurent pas sur la liste officielle du ministère de l’Intérieur. Risible que tout ça !

« Brin d’histoire » est véritablement, par sa volonté d’exploration du passé et de notre mémoire, une machine à remonter le temps. Pas toujours facile dans un monde oublieux et volontairement amnésique. Tous les avis sont dans la nature. Le mien est clair : quels que soient les propos laudatifs de circonstance, autour du 10 juin, ayons le courage de tourner la page de la Conférence nationale, en jetant définitivement dans les décombres de l’histoire cette relique désormais sans intérêt. « Il faut une grande hardiesse pour être soi : c’est surtout dans nos temps de décadence que cette qualité est rare » (Eugène Delacroix, Journal, 15 janvier 1800). Sans jeu de mots, cette célébration du 10 juin est désormais incongrue et, au surplus, délesté de sa substance symbolique. N’ayant pu nous éviter la guerre du 5 juin 1997, elle a raté sa vocation, celle de taire les rancœurs et bâtir un Congo en paix, uni, prospère et solidaire.

Dire, aujourd’hui, que le pays va mal, c’est enfoncer des portes ouvertes. Un homme politique africain, en visite sur un chantier dans son pays, en voyant le spectacle désolant qui s’étalait sous ses yeux, dépité, s’est lâché en direct sur les médias : « Ce pays est foutu ». Trop tard, les téléspectateurs avaient entendu ce cri de désarroi. Il croyait que les micros étaient arrêtés. Au moment des faits, cet homme était aux affaires. Avait-il seulement conscience de sa propre responsabilité dans cette débâcle généralisée ? Au fond, individuellement, qu’a-t-il fait, quel est son bilan après des années à son poste ? C’est, d’ailleurs, la même attitude d’innocence feinte que ceux qui ont perdu leurs postes et s’exonèrent du bilan collectif, tirant à boulets rouges sur les institutions auxquelles ils ont appartenu un moment.

La longue présence au pouvoir de certains hommes, dont les résultats connus sont calamiteux, est contreproductive. La conscience de l’échec les habite sans les déranger le moins du monde. Il faut débarrasser le pays de cette chienlit. D’où, la nécessité incontournable de changer l’équipe gouvernementale actuelle, hypertrophiée et inefficace. C’est ce qu’attend le peuple. Il est important, collectivement et individuellement, que chacun fasse son bilan. Ce faisant, certains « Artaban » de la politique, chez nous, baisseraient définitivement pavillon. L’écrémage opéré lundi dernier par le ministère de l’Intérieur est de bon augure. Il faut aller plus loin.

La foi est la plus haute passion de tout homme (Kierkegaard). Aujourd’hui, l’enjeu est de redonner la foi républicaine et travailler à mettre en marche « le Congo que nous voulons » : beau, riche et prospère pour tous. Cette responsabilité incombe au chef de l’Etat, et à lui seul. La crise actuelle, même profonde, est conjoncturelle. Elle doit nous aider à retrouver les fondamentaux de la bonne gouvernance : casting de qualité des hommes à responsabiliser, choix économiques intelligents et pertinents, lutte contre la cavalerie financière, etc. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.       

 

 

Mfumu

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