PED : le renforcement des administrations fiscales des pays du Sud, une nécessité selon Catherine Olier

Vendredi 11 Avril 2014 - 19:54

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En charge de la fiscalité au sein de l’ONG Oxfam à Bruxelles (Belgique), Catherine Olier a expliqué que les pays du Sud, principales victimes des flux financiers illicites - estimés à 950 milliards de dollars - manquent de moyens pour participer à l’échange automatique d’information en matière fiscale

Les pays comme le Luxembourg et l’Autriche viennent d’accepter d’augmenter la quantité d’information partagée automatiquement par les autorités fiscales en Europe à partir de 2016. Catherine Olier se pose la question de savoir si cela constitue une bonne nouvelle pour les pays en développement.  

En effet, cette directive sur la fiscalité des revenus d’épargne ne concerne que les États membres de l’Union européenne (UE), avec l’idée de rendre automatique l’idée d’un échange entre les États de l’Union. Ce qui, a priori n’aura pas d’impact sur les pays en développement. Mais la promesse faite par l’Autriche et le Luxembourg d’adopter la directive est une avancée, car elle va participer à la mise en place de l’échange automatique d’information au niveau mondial demandée par le G20.  

Pour le moment, ce projet du G20 d’échange automatique d’information entre les autorités fiscales des pays doit se faire dans les règles de réciprocité d’échange. Ce qui exclut de facto les pays en développement dont les administrations fiscales ne sont pas prêtes à mettre en place une telle norme. Mais ce système va créer deux mondes. D’une part celui des pays développés pouvant lutter efficacement contre l’évasion fiscale, et d’autre part, celui des autres pays. Pour éviter cet écueil, Catherine Olier pense que le G20 devrait accepter de ne pas imposer la réciprocité dans l’échange d’information fiscale, « afin de permettre aux pays en développement de lutter eux aussi contre l’évasion fiscale. Par ailleurs, il faut renforcer les administrations fiscales dans les pays du Sud afin qu’ils puissent, à moyen terme, participer pleinement au système d’échange ».

Elle note que le G20 regarde avant tout ses propres intérêts, c’est-à-dire les questions qui concernent les vingt pays les plus développés. Elle souligne aussi les raisons pour lesquelles un État devient un paradis fiscal : « un taux de taxation des étrangers très bas, voire nul ; mais aussi la culture du secret et l’absence de coopération en matière fiscale avec d’autres États ». Pour elle, ne pas impliquer les pays en développement dans le système mondial d’échange automatique de données fiscales c’est aussi prendre le risque que « ces mêmes pays soient tentés de devenir des paradis fiscaux ».

Le principal argument de la part du G20 en faveur du maintien du principe de réciprocité serait, d’après elle, la crainte que les pays en développement n’aient pas les moyens de traiter les informations fiscales de manière confidentielle et sécurisée. Mais, elle reconnaît qu’il est tout de même difficile de connaître la véritable priorité des pays en développement, leur position n’étant pas toujours prise en compte dans les négociations internationales qui ont souvent lieu qu’entre les pays développés dans des enceintes telles que le G20.

Catherine Olier relève que les pays en développement sont victimes également de l’évasion et de l’optimisation fiscale, « même si les montants restent par définition difficiles à évaluer ». Selon les chiffres de Global Financial Integrity (GFI) qui englobent l’ensemble des flux financiers illicites, les pays en développement ont perdu 950 milliards de dollars en 2012. Ce qui représente sept fois le montant de l’aide publique au développement que consacrent les pays développés aux pays du Sud.

En effet, pour un dollar d’aide publique au développement, ce sont sept dollars qui ressortent sous forme de flux financiers illicites. Par ailleurs, la part de l’impôt dans le PIB reste faible dans les pays en développement comparés à celle des pays dits riches. En 2011, la part de l'impôt dans le PIB des 27 États membres de l’UE était en moyenne de 38,8 %. Dans les pays en développement, ce ratio tombe à 15-20 %.

Catherine Olier propose des solutions : par exemple le renforcement des administrations fiscales des pays du Sud via le financement et l’assistance. En 2007, seulement 0,15% de l’aide publique de développement était alloué aux questions fiscales. Selon Catherine Olier, il faut également mettre en place un cadre législatif adapté à la lutte contre l’évasion fiscale, par exemple en mettant en place le reporting pays par pays des grandes entreprises internationales. Ce reporting, qui existe déjà pour les banques, devrait obliger les multinationales européennes investissant dans les pays en développement de dévoiler le nombre d’employés, les bénéfices qu’elles engrangent et le montant des impôts qu’elles payent, afin de s’assurer que la taxation se fait bien dans le pays où se trouve l’activité réelle et non dans un paradis fiscal.  

Noël Ndong