Procès de la tragédie du 4-Mars : les auditions des accusés se poursuivent

Dimanche 11 Août 2013 - 4:15

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Sept accusés ont comparu depuis la date de l’ouverture du procès le 6 août à Brazzaville. Ces auditions, comme celles des 9 et 10 août, ne donnent pour le moment aucune précision sur l’origine de l’incendie provenant de l’Établissement central de réparation des armements et munitions (Écramu) qui a ravagé la zone militaire de Mpila, ainsi que des maisons d’habitation le 4 mars 2012

Le vendredi 9, devant la cour, le caporal-chef Blood Kakom, l’un des principaux accusés, se présente à la barre. L’atmosphère est détendue. Le caporal-chef débite ses propos d'un ton décidé, déclarant qu’il s’était rendu dans sa chambre (à l’Écramu) pour se restaurer. Il a tenté, en vain, d’allumer son foyer de charbon pour réchauffer ses aliments, car, dit-il, le charbon était humide. Après s’être restauré, il a pris du repos. Il entendit alors un bruit soudain, semblable à un grondement de tonnerre. Il sortit de sa chambre pour observer si le ciel était nuageux. N’observant guère de signes d’orage, il vit le sergent Eyengolo qui s’écria devant lui : « Ancien Kakom, regarde le feu derrière toi, ce feu provient d’où ? ». À ces mots, il se retourna, vit le feu et se mit à courir. « Je vis une grande flamme à environ dix mètres de ma position, car ma chambre était à la huitième porte du lieu de l’incendie », déclare Blood Kakom. Se retrouvant avec les autres à l’extérieur de la caserne, il donna son téléphone à Mafoua afin d’appeler les secours. C’est alors qu’il y eut la première détonation.

Il affirme à la Cour que le dépôt de nitrates des sociétés de construction Socofran, SGE-C, CGC, Escom et autres renfermait environ 25 000 cartons de nitrates, qui, selon lui, ont causé l’explosion.

Le sergent Eyengolo, quant à lui, avoue avoir vu le caporal-chef Kakom à cinq mètres du dépôt de nitrates : « J’ai vu Kakom, qui marchait normalement, tournant le dos au feu. J’ai crié : “ Kakom le feu qui s’allume derrière toi provient d’où ? Qui a mis le feu ? ” Je me situais à ce moment-là au fond de la caserne. » Le sergent Eyengolo déclare avoir sauté le mur pour se retrouver à l’extérieur du camp militaire.

À son tour, le colonel Atipo kaba, responsable du régiment blindé, affirme être victime dans cette affaire, car dit-il, l’incendie ne provenait pas du régiment blindé, mais de l’Écramu. Au moment des faits, il s’était rendu sur les lieux pour faire un constat. Il déclare avoir organisé, le 5 mars, des équipes de relais pour sécuriser les lieux. Le 31 mars, il fut interpellé par la DGST, puis incarcéré.

Le samedi 10 août, l’officier de permanence, Ngolali Missié, répondant aux questions de la partie civile sur l’extinction du feu, déclare : « Le militaire ne combat pas le feu, mais combat contre un ennemi militaire. » Faisant la ronde des services de garde, il s’était rendu compte de l’absence de Gana et du caporal-chef Rodrigue Oba. Il affirme à la Cour avoir vu un camion-remorque plein de nitrates dans l’enceinte de la caserne (à l’Écramu), dans la nuit du 3 au 4 mars 2012.

La dernière audition est celle du lieutenant à la retraite Wilfried Ndebeka, parachutiste de carrière. Se trouvant à Pointe-Noire au moment des faits, il déclare ne pas connaître le motif de son incarcération. Il a été rappelé d’urgence à Brazzaville alors qu’il séjournait depuis le 27 février dans la ville océane avec son fils de douze ans. Selon lui, cette arrestation était arbitraire vu qu’il se trouvait à Pointe-Noire pour des raisons d’affaires.

Aucune lumière sur cette affaire pour l’instant

Les accusés Kakom et Ngolali déclarent avoir été durement torturés à la DGST (Direction générale de la sécurité du territoire) suite à cette affaire. Kakom ajoute avoir refusé de signer le procès-verbal de la DGST, qui selon lui n’était nullement en rapport avec les faits rapportés. « Un officier de la DGST m’a dit : “ On va te donner un document à signer. ” Ils m’ont torturé pour que j’accepte de le signer. Puis un officier m’a présenté une somme de 50 millions pour la signature et promis de me faire voyager. Je lui ai répondu que je ne voulais pas m’enrichir en condamnant des innocents. Après que j'ai décliné l’offre, ils m’ont conduit au cimetière pour m’enterrer vivant. C’est ainsi que j’acceptais de négocier dans l’intention de voir les commanditaires de ces actes. Ils ont ensuite fait appel à mes parents et menacé de s’en prendre à eux si je maintenais ma position. Ne sachant que faire, j’ai signé ce document, raison pour laquelle cette version ne coïncide pas avec les faits relatés ce jour », fait savoir l’accusé Blood Kakom.

Tous ces accusés déclarent à la Cour n’avoir eu aucune relation directe avec le colonel Marcel Ntsourou. En outre, les avocats de la défense, face aux premières auditions, demandent un transport sur les lieux pour constater les faits afin d’éclairer la lanterne de la cour. Ils présentent alors deux documents, l’un comportant l’ordre de mission signé du chef d’état-major général de l’époque, Charles-Richard Mondzo, afin que soient chargés des nitrates au port autonome de Pointe-Noire ; et l’autre, le rapport du canadien Jacques Landry, spécialisé en détection de mensonge, appelé par la DGST, qui fut retiré du dossier des présumés coupables. Ils demandent également à l’État et aux sociétés de construction qui stockaient ces nitrates à la caserne de comparaître devant la cour, le moment venu. Pour les avocats de la défense, l’État doit répondre des actes de ses préposés.

Notons que plus d’une trentaine de témoins se sont présentés à la cour durant les deux journées.

Josiane Mambou-Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le président de la Cour criminelle au centre. (© DR) Photo 2 : Un avocat de la défense prenant la parole. (© DR)