Processus de paix dans le Pool: ce que l’on attend du pasteur Ntoumi

Mardi 23 Janvier 2018 - 17:30

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D’ici là que les plus hautes autorités congolaises se prononcent sur sa liberté de mouvements, Frédéric Bintsamou, pasteur Ntoumi, n’aura d’autre choix que de s’engager à fond aux côtés du gouvernement pour la mise en œuvre de l’accord de Kinkala.

Après près de deux ans durant lesquels sa traque par la Force publique est en passe de s’achever par une sorte de non-lieu, le pasteur Ntoumi est à nouveau impliqué dans un processus de retour à la paix dans le département du Pool. Avec lui, sans conteste, la longue suite des hommes de tout âge, « milicianisés » pour la cause, pour certains depuis vingt ans, qui attendent aujourd’hui de bénéficier de l’assistance multiforme de la République généreuse. C’était déjà le cas pour les plus anciens d’entre eux, quand furent signés les premiers accords de paix il y a de cela quinze-vingt ans.

Elément perturbateur, hier, Frédéric Bintsamou est dans sa posture du moment, et dans l’optique du ramassage des armes illégalement détenues par les ex-combattants, présenté davantage comme « L’ambassadeur le plus efficace auprès des ex-combattants ». C’est en ces termes que la commission ad hoc mixte-paritaire qui venait de remettre les conclusions de ses travaux au Premier ministre, Clément Mouamba, le 22 janvier, a désigné l’ex-délégué général auprès du président de la République chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre.

La confiance par des actes

En tout état de cause, les guerres commençant bien souvent par les mots, les mauvais mots, les signes annonciateurs de la paix empruntent toujours fortement aux bonnes paroles. A vrai dire, entre les parties signataires du texte de Kinkala, la confiance est en train de prendre corps. On le souhaite définitivement. Dans un tel agenda, le recours aux armes ne doit pas être la pièce de rechange appropriée pour obtenir ou la concrétisation d’une demande, ou la réalisation d’une revendication même ardente. On ne dialogue pas le couteau entre les dents.

Quand on regarde les grandes lignes de l’accord du 23 décembre, les tâches que doit accomplir le pasteur Ntoumi en font évidemment la personne clé du côté de l’ex-rébellion : « Cessez le feu et arrêter les hostilités, faciliter le ramassage des armes et les remettre à la commission et aux institutions habilitées, ne créer aucune entrave au processus de rétablissement de l’autorité de l’Etat dans le Pool, à la libre circulation des personnes, des biens et services sur les routes et les rails, au déploiement de la Force publique ».   

Cela suppose pour le pasteur d’avoir la maîtrise de toutes les écuries qui opéraient dans le département du Pool depuis la dernière épreuve de force. Sur ce point, il a certainement une longueur d’avance sur les événements puisqu’à ce jour aucun chef d’écurie ninja-n’siloulou ne s’est déclaré opposé à l’application de l’accord. Mais, que leur avait-il promis au moment de s’engager ? Qu’attendent ces écuries de leur principal meneur à l’heure où, finalement, leur sort en ces temps de paix ne dépend pas exclusivement de lui ?

Eloigner le piège de la surenchère

Alors que de son côté, le gouvernement examine l’opportunité de rendre sa liberté et ses droits au pasteur Ntoumi (pensons à la demande formulée en ce sens par la commission ad hoc), la difficulté pour lui réside tout de même dans la façon de convaincre les ex-combattants à renoncer à toute violence, mais pas seulement. Citoyens à part entière comme l’ensemble de leurs compatriotes avant l’éclatement des violences, le 4 avril 2016, ces jeunes ont été embarqués dans une aventure qui ne finit pas sans laisser des ressentiments.

Il n’y a pas que des traumatismes physiques, il y a des espérances miroitées dans toutes les rébellions par l’issue positive ou non de leur mouvement. Le travail à faire à l’endroit des ex-combattants à démobiliser dans le Pool est de leur réapprendre à s’accepter comme des citoyens libres, des Congolais venant des familles qui existent et devant participer avec l’ensemble de leurs compatriotes à l’effort de construction nationale sans tout attendre d’une manne qui tomberait du ciel.

Car le piège, dans lequel ils peuvent être enfermés, ou s’enfermer serait de croire qu’en raison du coup de feu qu’ils donnent, ils auraient tous les droits et rien pour leurs concitoyens restés en dehors du conflit. Bien entendu, il y a l’effort à fournir par le gouvernement de soulager les ex-miliciens, de leur apporter l’aide dont ils ont besoin, de rendre la dignité à la population éloignée de ses terres de résidence du fait des violences. Le processus pourrait être long, mais l’essentiel sera d’en suivre l’exécution dignement.

Le temps de la paix

Quand il appelait dans un post à « corriger » l’accord signé par ses représentants avec le gouvernement, le pasteur Ntoumi évoquait le sort des détenus. Réponse lui avait été donnée par son allié pendant la présidentielle de 2016, Guy Brice Parfait Kolélas, de ne pas faire d’amalgame. Frédéric Bintsamou pensait sans doute aussi à sa propre situation qui est sur le point d’être examinée à son avantage.

Peut-être se verrait-il à nouveau réhabilité dans son ancienne fonction de panser dans le sillage de l’exécutif, les traumatismes des violences qui ont endeuillé de nombreuses familles congolaises dans le département du Pool ces deux dernières années. Au nom de la volonté partagée de bâtir le Congo ensemble ainsi que le rappelait le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Raymond Zéphirin Mboulou, dans son discours, le 17 janvier, à l’ouverture des travaux de la commission ad hoc sur la mise en œuvre de l’accord de Kinkala : « Le temps de la paix est arrivé ».

La Rédaction

Légendes et crédits photo : 

Le pasteur Ntoumi, ici lors d'une opération de destruction d'armes à Kinkala; Une vue des ninjas reçus pour cantonnement à Kinkala/ Photos DR

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