Processus électoral : les journalistes échangent sur la meilleure posture à tenir

Jeudi 1 Juin 2017 - 18:01

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« Quel est le rôle des journalistes dans la couverture médiatique des sujets liés aux enjeux sécuritaires en RDC ? », la question avait servi de toile de fond au café de presse organisé ce 30 mai par Internews et Vox Congo au Centre de ressources des médias (CRM), à la Commune de la Gombe.

Les quatre intervenants au Café de presse Premier intervenant du jour, Tshivis Tshivuadi a fait l’état de lieu succinct de la liberté de la presse en RDC. Ce, conformément au dernier rapport rendu public à la fin de l’année dernière. Le président de l’ONG Journaliste en danger (JED) a affirmé alors que « plus de quatre-vingts cas de journalistes et médias ont été attaqués dans l’exercice de leur travail ». Mais de déplorer que  : « le 3 mai 2017, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, il a déjà été répertorié au moins 49 cas. Ce qui montre une tendance à la hausse des attaques contre la liberté de la presse. La situation de la liberté de la presse est donc en recul en RDC et continue à être inquiétante pour les professionnels des médias ».

Le but du Café de presse, soulignait pour sa part Kasonga Tshilunde, président de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), était d’emmener « les journalistes à échanger leurs expériences afin d’arrêter une stratégie de sorte à éviter que les incidents arrivés autrefois ne se reproduisent ». Un échange dont l’importance et la pertinence ont été saluées particulièrement en cette période jugée assez dangereuse, quasiment à la veille des élections. C’est donc à cet effet que Francine Mokoko Bina, journaliste correspondante à TV5 Monde Afrique et Éric Iziami, journaliste à Antenne A (AA) ont fait à tour de rôle un exposé succinct sur leur vécu personnel face à leurs homologues réunis au CRM, siège de JED.

Francine Mokoko dont le courage et le professionnalisme ont bâti la réputation au pays et en Occident est revenue sur ses 26 ans de métier dont elle a passé les huit premières années dans différents médias locaux, presse écrite et audiovisuelle. Ce, avant de se lancer sur le plan international, à la radio et à la télévision (Africa n°1 et TV5). En raison du propos du jour, elle s’est appesantie sur les périodes difficiles de son exercice professionnel dont une partie remonte à l’époque du régime Mobutu. Cette épopée lui a donné l’occasion d’évoquer divers épisodes inédits notamment du pillage de 1993 où elle s’est trouvée cloîtrée trois jours à la RTNC alors OZRT (Office zaïrois de radiodiffusion et de télévision). Et de déclarer alors : «  J’ai eu l’avantage de travailler aussi bien sous le Parti-État que l’actuel régime. Les déboires je ne les ai pas connus seulement avec l’avènement de Laurent Désiré Kabila. Déjà du temps du Maréchal Mobutu j’ai eu des accrochages avec l’armée et la police ». Et, justement, l’assistance a appris que c’est à la suite de son départ de la RTNC après neuf mois de chômage dû à une suspicion portée sur sa personne, en juillet 1997, du simple fait de son appartenance à la province du feu Maréchal Mobutu qu’elle sera recrutée par Africa n°1. Puis de fil en aiguille, elle s’est étendue sur le récit autour des manifestations de janvier 2015 où elle dut faire face cette fois à l’hostilité des manifestants et a clos son discours sur le plus récent des incidents. Ce dernier désagrément portait sur la récente grande évasion du Centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa (CPRK), l’ex-prison centrale de Makala. Là, elle a évoqué « un cas typique d’intolérance et de bavure policière » malgré que le Général Kanyama ait instruit le matin les policiers à ce sujet les enjoignant de laisser les journalistes faire leur travail.

Reporter à Antenne A, Éric Iziami a évoqué non sans émoi le récit pathétique de son arrestation arbitraire du 15 mars 2015 lors de la conférence tenue à Masina par les jeunes leaders du Balai citoyen et de Y’en a marre, deux mouvements citoyens actifs respectivement au Burkina Faso et au Sénégal. Les remous autour de cette histoire avaient défrayé la chronique pas seulement à Kinshasa, car RFI et France 24, à l’instar d’autres médias internationaux s’étaient chargés d’en faire écho. La salle remplie de journalistes très émus par l’évocation de cet épisode douloureux de la vie professionnelle de leur confrère a spontanément applaudi à la fin de son propos.

Le journaliste assure sa propre sécurité

L’intervention finale de Kasonga Tshilunde a été faite sous forme d’une ferme exhortation à l’adresse de ses pairs. « Il faut que le journaliste commence par se sécuriser lui-même, parce qu’en parlant des enjeux sécuritaires, cela englobe sa propre sécurité et celle de son environnement. Au départ, c’est le journaliste lui-même qui veille à sa sécurité, il est tenu de respecter le code de déontologie et de prendre la précaution d’informer son environnement sur le lieu du reportage et de l’heure. Ceci peut permettre de retracer son parcours s’il y va seul », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Au moment de la rédaction d’un article, il devrait se poser des questions sur l’opportunité de publication en ce moment-là et quelles peuvent en être les conséquences pour sa personne. Cela dénote donc de la responsabilité du journaliste de soupeser à son niveau personnel les enjeux de son papier et d’en endosser la responsabilité. Ce, quitte à pouvoir valablement se défendre s’il s’ensuit une interpellation ».Kasonga Tshilunde et Éric Iziami au moment du débat

Le politicien n’est pas un ami, mais un partenaire

Il est sorti du débat ouvert à l’assistance à la suite des exposés successifs des quatre intervenants précités que le journalisme « est un beau métier qui nous expose à de multiples risques ». Ce, fort du constat que les journalistes sont considérés comme des ennemis des forces de l’ordre, particulièrement de la police qui s’en méfie et n’hésite pas des fois à lui être hostile. De s’encourager alors mutuellement à continuer cependant à accomplir sa noble tâche avec dévouement, savoir que les journalistes sont tenus de toujours jouer la carte de la prudence. Et, par-dessus tout, de garder à l’esprit, entre autres choses, que le politicien n’est pas un ami, mais un partenaire et qu’il faille avoir un comportement conséquent.

En fin de compte, Le Courrier de Kinshasa (LCK) tient de Zaïna Kere-Kere, superviseur intérimaire du projet Vox Congo, que le sujet du Café de presse sera également débattu au niveau des autres provinces. « Il a pour enjeu de contribuer à la consolidation de la démocratie et d’un État de droit ici en RDC qui visiblement semble être entravé par certaines pesanteurs », a-t-elle affirmé. Quant à Vox Congo, nous a-t-elle dit, « il s’agit d’un programme radiophonique de l’agence Internews qui publie des bulletins d’information sur une douzaine de radios communautaires en RDC, plus précisément aux Nord et Sud Kivu, au Katanga et à Kinshasa. Nous sommes également actifs sur les réseaux sociaux Twitter, Soundcloud et Facebook ». Et d’ajouter : « Internews appuie non seulement les radios communautaires au Congo mais soutient également les efforts des journalistes pour aider les professionnels des médias à améliorer la pratique de leur métier ».

Par ailleurs, il convient de savoir, a souligné Zaïna Kere-Kere, qu’« Internews est l’une des agences de l’ONU en RDC financée par l’USAID et la Coopération Suisse. Elle a voulu se pencher sur la question du rôle des journalistes dans la couverture médiatique des sujets liés aux enjeux sécuritaires en RDC au regard du contexte politique actuel et de la complexité liée à la sécurisation des journalistes congolais ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Les quatre intervenants au Café de presse Photo 2 : Kasonga Tshilunde et Éric Iziami au moment du débat

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