Que va décider le pape François ?

L’erreur que commettent nombre de commentateurs dans le moment où le pape François doit gérer l’un des problèmes les plus graves auxquels l’Eglise catholique se soit trouvée confrontée depuis sa naissance, il y a plus de deux mille ans, à savoir la pédophilie qui gangrène une partie du clergé dans de nombreux pays, l’erreur donc est de croire que le successeur de Benoît XVI jettera comme on dit l’éponge pour cette raison et se retirera à son tour afin d’échapper aux attaques de toute nature qui empoisonnent son existence. Ayant vécu tout au long de son long parcours  et surtout lorsqu’il était archevêque puis cardinal de Buenos Aires, en Argentine, des moments très difficiles, il est parfaitement armé pour résister aux pressions médiatiques et politiques auxquelles il se trouve présentement confronté.

S’il se retire, ce qui est malgré tout possible, ce ne sera pas pour échapper à ces pressions mais pour une toute autre raison que l’on peut résumer en quelques phrases de la façon suivante.

Le problème majeur qu’il lui faut résoudre depuis son élection au trône de Pierre, le 13 mars 2013, et contre lequel, en revanche, il semble mal armé pour y parvenir dans un délai raisonnable est celui que pose depuis fort longtemps et à tous les papes qui se sont  succédé au Vatican la Curie romaine, autrement dit le gouvernement de l’Eglise dont la composition comme la puissance ne sont guère compatibles avec la volonté de réforme qui anime le pape François.

Constituée pour l’essentiel d’évêques et de cardinaux issus du Vieux continent, c’est-à-dire de  l’Europe, avec un fort contingent de prélats italiens, cette institution est fondamentalement, viscéralement conservatrice. Et même si les cardinaux issus du Tiers-monde, d’Afrique notamment, s’efforcent de traduire en actes la volonté de réforme du pape François, les lignes de force auxquelles celui-ci se heurte aujourd’hui ne semblent guère pouvoir bouger avant longtemps.

Soit dit en passant, c’est très précisément la raison pour laquelle son prédécesseur, Benoît XVI, avait choisi il y a cinq ans de quitter son poste de souverain pontife et de se retirer dans un couvent installé au cœur même de la Cité du Vatican. Devant affronter de façon constante les hauts dignitaires de l’Eglise qui refusaient sournoisement d’obéir à ses injonctions et qui couvraient sans le reconnaître des dérives de toute sorte, en particulier dans le domaine financier, celui-ci avait fini par se convaincre qu’il n’avait aucune chance de mener à bien la modernisation de l’Eglise. Epuisé par les batailles qu’il devait livrer jour après jour, il a donc choisi de vivre ses dernières années librement, enfin délivré du carcan dans lequel il se trouvait enfermé.

Alors que sort sur les écrans de cinéma européen le film de Wim Wenders coproduit avec le Vatican qui lui est consacré – « Le pape François. Un homme de parole » – et qu’il multiplie les déclarations affirmant sa volonté de lutter contre les dérives des prêtres et des évêques, il n’est pas certain que le successeur de Benoît XVI, qui entrera dans sa quatre-vingt troisième année le  17 décembre prochain, poursuive très longtemps encore la bataille qu’il a engagée mais qu’il ne semble guère pouvoir gagner. Non à cause des attaques qui le ciblent sur les questions que sont la pédophilie, la procréation assistée, la reconnaissance du mariage pour tous, la place des femmes dans l’église et autres sujets délicats figurant au cœur des débats publics à Rome et ailleurs mais en raison de son impuissance face à la haute hiérarchie de l’Eglise qui refuse de l’écouter et d’appliquer ses décisions.

Quitte à passer pour un oiseau de mauvais augure, nous ne serions pas surpris si un jour prochain le pape François décidait de suivre l’exemple de son prédécesseur.