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Quelle politique du logement au Congo-Brazzaville ?

Lundi 17 Septembre 2018 - 19:30

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Dans les quartiers populaires des grandes villes du pays, les opérateurs privés ont fortement développé le secteur de l’immobilier. Les endroits nouvellement choisis comme Massengo ou Kintélé à Brazzaville, Nanga, Ngoyo, Warf ou Mpita  à Pointe-Noire voient émerger de maisons de luxe. Certains particuliers font appel à des ingénieurs étrangers, chinois notamment, pour construire des villas très « attractives », c’est-à-dire au meilleur rapport qualité/prix sur le marché.

Cependant, après cinquante-sept ans d’indépendance, une trop grande partie de la population congolaise vit encore dans des quartiers insalubres. Les maisons sont construites en matériaux non durables et sont exposées à des risques d’intempéries récurrents.

Comme dans de nombreux pays d’Afrique ou d’Europe, les prix des loyers au Congo suivent la loi de l’offre et de la demande. Dans les quartiers résidentiels de Brazzaville, le loyer pour un appartement cinq pièces est de 400 000 F CFA et de 750 000 F CFA pour une villa. A Pointe-Noire, les prix des locations sont encore plus élevés. De plus, il est nécessaire de disposer d’un groupe électrogène et d’ajouter des frais de gardiennage, de jour comme de nuit.

Il existe à Brazzaville des logements dont le coût à l’acquisition s’élève à 65 millions de FCFA. Lorsqu’on sait qu’un cadre gagne en moyenne 422 000 FCFA par mois (et que le pouvoir d’achat du Congolais moyen est d’environ 150 000 FCFA par mois), on imagine mal comment les membres des classes moyennes pourraient acquérir de telles maisons en location/acquisition.

Malgré un développement très significatif de l’immobilier, les Congolais ont du mal à trouver un logement décent et à un prix raisonnable. Les logements construits par l’État à Bacongo ou à la cité du Clairon, à Brazzaville, leur sont difficilement accessibles. Le coût trop élevé et les interminables procédures pour les acquérir ont découragé de nombreuses familles. Souvent, les gens doivent se contenter d’acheter pour un à trois millions de FCFA environ, une parcelle de terrain de 400 mètres carrés (20 m sur 20) dans les banlieues, à la merci des phénomènes naturels comme les inondations, les érosions, l’ensablement, pour espérer bâtir ensuite une maison familiale.

Pendant la période du boom pétrolier (2004-2014), l’État congolais a réalisé des programmes immobiliers dans plusieurs villes comme pour répondre à la demande toujours croissante en logements. Les principales villes congolaises ont bénéficié de programmes de construction de logements sociaux. Brazzaville a engrangé plus de la moitié de ces programmes, dans les quartiers de Bacongo, de Mpila, Camp Clairon, Camp 15-août au centre-ville, et dans la nouvelle commune de Kintélé. Dans les départements, à Oyo, Kinkala, Dolisie, Owando et Pointe-Noire, les programmes immobiliers de construction de logements ont permis l’émergence de maisons modernes. Dans certaines villes secondaires, des fonctionnaires, évoluant essentiellement dans les secteurs de l’éducation et la santé, bénéficient désormais de logements de fonction d’un standing moderne, grâce à la politique de municipalisation accélérée. La rénovation des immeubles ayant appartenu à la Direction centrale des logements et bâtiments de l’État participe de cette politique.

Aujourd’hui, tout le monde le sait, avec la crise économique qui sévit dans le pays depuis pratiquement 2015, le secteur de l’immobilier est dans la récession. Ce qui a entraîné un arrêt des programmes de construction de logements et une baisse significative des coûts des loyers.

Pour contribuer à résorber la crise du logement dans le pays, le gouvernement a créé la Banque congolaise de l’habitat, avec un capital porté à dix milliards de F CFA. Un outil dont les Congolais devraient se servir pour acquérir des logements, en prenant des crédits à moyen terme. De plus, une nouvelle société de promotion immobilière a vu le jour, afin de faciliter l’accès de la population aux logements modernes construits par les pouvoirs publics.

On peut aussi se féliciter de la baisse générale des prix des matériaux de construction, particulièrement le ciment. Dans un pays où l’auto-construction est encore le moyen le plus répandu pour avoir une maison, la baisse du prix du ciment grâce à l’implantation de trois ou quatre nouvelles cimenteries est un facteur important d’accès à un logement décent.

En fait, une politique de logements audacieuse et efficace devrait s’appuyer sur un programme d’urbanisation du pays équilibré et volontaire. Ce programme est indissociable d’un pacte productif, écologique et social : rénovation des bâtiments, des moyens de communication et des infrastructures. La distribution de l’eau et de l’électricité reste aléatoire dans notre pays (certains réseaux électriques datent des années 1940). Faut-il espérer qu’avec les réformes de l’ex-Société nationale d’électricité) et de l’ex- Société nationale de distribution d’eau devenue La Congolaise des eaux, les services et les taux de desserte vont s’améliorer?

Pour ce qui concerne la politique d’accès aux logements, il serait souhaitable de mettre en place un « Conseil d’orientation  de l’urbanisme, du logement et du foncier» rattaché au ministère en charge du logement dont l’objectif serait de fixer les grandes lignes d’une politique indicative réunissant les experts (du foncier, urbanistes, aménageurs, ingénieurs, économistes, sociologues, etc.) et les acteurs du monde industriel (constructeurs du BTP) et financier (banques et réseaux du micro-crédit). Ces différents acteurs auraient ainsi la possibilité de se concerter pour atteindre un futur désiré qui améliore les conditions d’habitat et de vie de la majorité de la population.

Un programme d’urbanisation national guidé par un conseil d’orientation devrait avoir pour mission d’apporter aux politiques (gouvernement et ministères) les solutions les plus efficaces pour le logement mais également pour les villes et l’aménagement des territoires.

À moyen et plus long terme, outre les progrès sociaux et économiques obtenus par une concertation judicieusement conçue entre partenaires sociaux privés et publics, cela pourrait mettre fin aux ghettos, refaire la mixité sociale et réduire les inégalités. Afin qu’un jeune congolais lambda ayant obtenu le concours de la Fonction publique puisse disposer d’un logement décent à crédit sans le concours de son oncle, frère ou une connaissance bien placée.

 

 

Roger Ndokolo président de l’ Unirr

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Édition Quotidienne (DB)

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