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Quelle politique extérieure pour les Etats-Unis ?

Samedi 5 Novembre 2016 - 15:45

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Qu'Hillary Clinton, ou Donald Trump sorte vainqueur demain de l'élection présidentielle ne changera rien au fait que la politique extérieure des Etats-Unis va devoir évoluer de façon radicale. Au terme des deux mandats successifs de Barack Obama, la première puissance mondiale ne peut plus, en effet, fermer les yeux comme elle l'a fait jusqu'à présent sur la modification des rapports de force au sein de la communauté internationale qui marque le début de ce vingt-et-unième siècle.

Quitte à se répéter rappelons en quelques phrases les changements que la diplomatie américaine va devoir inscrire au coeur de sa stratégie planétaire.

  1. Même si les Etats-Unis occupent toujours le premier rang des nations sur le plan économique, financier, militaire ils se trouvent aujourd'hui talonnés par la Chine, l'Inde, la Russie qui contestent ouvertement la prééminence acquise par les Américains au sortir de la seconde guerre mondiale et confortée par l'effondrement de l'Union soviétique dans les années quatre-vingt dix du siècle précédent. Jusqu'à présent plus verbale et gestuelle que réelle sur le plan stratégique, cette contestation se fait de jour en jour plus pragmatique, plus opérationnelle comme en témoignent les actions engagées par la Chine en Asie du sud et par la Russie en Europe de l'Est ou au Levant. A terme rapproché elle ne peut qu'entraîner une révision de la diplomatie américaine dont on perçoit dès à présent les premiers signes sur différents fronts.

2) Fait majeur et qui explique au moins en partie cette révision fondamentale le principal allié des Etats-Unis, à savoir l'Union Européenne, est en voie sinon d'implosion du moins de fragmentation dont le "brexit" britannique constitue le signe annonciateur. Vu de la Maison Blanche, du Département d'Etat, du Pentagone, l'affaiblissement de la vieille Europe ne peut, à terme rapproché, que mettre en péril le système de défense commun bâti autour de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (Otan) à la fin des années quarante lorsque la "guerre froide" prit le pas sur l'alliance qui avait permis la victoire des alliés en 1945. Il impose, d'une part, un recentrage de l'action diplomatique et militaire américaine sur le vieux continent et, d'autre part, la recherche d'un nouvel équilibre à l'échelle planétaire avec les autres grandes puissances.

3) Ce rééquilibrage s'impose d'autant plus que, sur le plan économique, les Etats-Unis sont en train de perdre la suprématie qu'ils avaient acquise à la faveur des deux guerres mondiales et plus encore grâce au dynamisme de leur économie ultralibérale. La percée de la Chine et dans une moindre mesure - pour l'instant du moins - de l'Inde sur les cinq continents a en effet comme conséquence que la domination du dollar dans le domaine monétaire, mais aussi des multinationales américaines dans le domaine des affaires s'affaiblit de jour en jour. Il suffit pour s'en convaincre de considérer comment les capitaux chinois s'investissent en Afrique, en Europe, en Amérique Latine, ou comment le yuan s'impose dans le groupe jusqu'ici très fermé des grandes monnaies face au dollar ou à l'euro.

4) Dans un pareil contexte l'Amérique d'Hillary Clinton ou de Donald Trump ne peut que réviser son positionnement stratégique. Outre le fait qu'elle ne pourra plus intervenir de façon anarchique comme elle l'a fait successivement au Vietnam, en Afghanistan, en Irak, comme elle l'a laissé faire par ses alliés en Libye, comme elle a tenté de le faire à Cuba et en Syrie elle sera obligée de modifier sa vision du monde. Et tout particulièrement, bien sûr, de considérer les pays en voie d'émergence non comme des obligés mais comme des partenaires avec lesquels il faut compter. Dans ce nouveau contexte l'on peut être certain que l'Afrique fera l'objet d'une attention particulière étant donné son poids démographique, l'abondance de ses ressources naturelles, son positionnement géographique, ses enjeux stratégiques.

Ajoutons, pour conclure provisoirement sur le sujet, que la Maison Blanche ne pourra plus refuser très longtemps encore la réforme de la gouvernance mondiale qu'imposent les changements en cours sur toute l'étendue de la planète et à laquelle aspirent légitimement les peuples du tiers-monde. Qui sait même si elle ne sera pas  conduite à faire elle-même de cette réforme l'un des pivots de sa diplomatie afin de regagner l'estime, et donc les appuis, que lui ont fait perdre les interventions  aussi aventureuses  qu’anarchiques de ses  dirigeants tout au long du dernier demi-siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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