Opinion

  • Réflexion

A quoi jouent les grandes puissances ?

Samedi 7 Janvier 2017 - 13:12

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Difficile, il est vrai, de le savoir dans ce moment très particulier où la Russie redevient l'un des principaux acteurs de la scène internationale, où la Chine affirme sa volonté de prévenir en Extrême-Orient les agressions qui lui ont coûté si cher tout au long des deux derniers siècles, où les Etats-Unis prennent enfin conscience qu'ils ne sont pas maîtres du jeu stratégique qui s'esquisse au plan mondial, où l'Inde oscille entre le repli sur soi et la conquête d'un empire commercial face à sa voisine chinoise.

De cet affrontement général qui ne dit pas son nom mais qui se traduit par de fortes tensions diplomatiques entre les "Grands" peuvent naître le pire comme le meilleur à terme plus ou moins rapproché : le pire si l'intérêt égoïste l'emporte, comme ce fut le cas tout au long du siècle précédent, sur la volonté d'instaurer une paix durable au plan mondial ; le meilleur si la prise de conscience qui se dessine dans le cadre de la lutte pour la préservation de la nature et qui peut s'étendre à bien d'autres domaines de l'activité humaine s'impose à tous les peuples sur les cinq continents  comme la seule façon de sauver notre espèce du désastre que provoquerait inéluctablement de  nouveaux affrontements planétaires.  

L'erreur que l'on peut commettre dans ce moment très particulier serait de croire que les leçons ont été tirées des drames de toute nature qui ont émaillé l'émergence du monde moderne et, par conséquent, de penser que la paix mondiale se trouve assise sur des bases solides en ce début de l'année 2017. Les évènements tragiques qui ont émaillé l'année 2016 en différentes régions de la planète sont là pour démontrer, d'une part, que les guerres dites "asymétriques" menées par les extrémistes de tout poil menacent partout la paix y compris dans des zones comme l'Europe réputées jusqu'à présent pour leur stabilité, d'autre part que le rééquilibrage des relations internationales dû à la réémergence de la Chine et de la Russie ne consolide nullement la paix mondiale mais, bien au contraire, provoque de nouvelles tensions dont une crise de grande ampleur peut sortir à tout instant.

L'incertitude qui marque ce moment est d'autant plus grande que, comme c'était à prévoir, l'Organisation des Nations Unies s'enferme simultanément dans une forme de paralysie qui la rend incapable de réduire les tensions croissantes entre les grandes puissances. Alors que le Conseil de sécurité, pour ne citer que lui, a pour mission principale de protéger le consensus entre ses cinq membres permanents - Chine, Etats-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, France, Royaume Uni - il vient de démontrer, à la faveur de la guerre en Syrie, son incapacité à concilier les positions sur les sujets les plus sensibles. Et l'on peut être certain qu'il en ira de même dans les prochains mois lorsque les tensions en Mer de Chine méridionale ou en Europe de l'Est s'aggraveront comme on peut dès à présent le prévoir.

Dans un semblable contexte la seule méthode qui permettrait de conjurer les mauvais démons s'agitant de plus en plus ouvertement sur la scène mondiale serait de réformer en profondeur la gouvernance mondiale. Mais l'on voit mal comment l'Américain Donald Trump, le Russe Vladimir Poutine et le Chinois Xi Jinping pourraient s'accorder sur une modernisation de cette même gouvernance dont l'effet premier serait de réduire leur influence en supprimant le droit de veto qui confère à chacun d'eux et depuis des décennies un pouvoir exorbitant ; ceci alors que la Grande-Bretagne se trouve embourbée dans le « Brexit » et que la France ne sait pas qui la gouvernera demain.

Il est à craindre, comme cela s'est passé depuis le début de l'ère moderne, que la passion l'emporte sur la raison jusqu’au jour où les grandes puissances prendront conscience du fait que leur opposition conduit l'humanité tout entière au désastre. On en est encore loin !

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles