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Radio France Internationale à la dérive

Mercredi 30 Juillet 2014 - 12:45

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Rien, finalement, ne rend mieux compte de la lente marche vers l’abîme de la « Radio du monde » – ainsi se nomme-t-elle elle-même avec une émouvante modestie  – que la façon dont elle a rendu compte du Forum sur la paix et la réconciliation en Centrafrique qui s’est tenu la semaine dernière à Brazzaville. Affichant dès le départ un scepticisme appuyé quant aux résultats prévisibles de ce rendez-vous de la dernière heure entre les factions qui se déchirent sur le terrain, elle n’a cessé de jeter sciemment de l’huile sur le feu en affirmant de différentes façons que rien de positif n’en sortirait. Et bien entendu elle s’est, comme on dit dans notre jargon, « plantée » une nouvelle fois puisqu’un premier pas, reconnu unanimement par la communauté internationale, a été franchi sur la route qui mène à la paix.

À diverses reprises dans les dernières années nous avons mis en garde, dans nos colonnes, RFI contre la vision fausse, déformée même, qu’elle projette de l’Afrique et des Africains, ce qui nous a valu d’être définitivement exclu de ses revues de presse alors même que Les Dépêches de Brazzaville sont aujourd’hui l’un des médias les plus lus et commentés dans cette partie de l’Afrique. Mais ces appels au bon sens n’ont rien changé au comportement d’une rédaction qui juge, depuis Paris, l’évolution du continent sans tenir aucun compte des informations que font remonter vers elle ses propres correspondants. Dans le concert des médias qui nient la réalité des évolutions en cours, quand ils ne déforment pas purement et simplement la vérité, la « Radio du monde » figure donc, et de plus en plus, en bonne place.

Prenons comme exemple, précisément, le Forum sur la paix et la réconciliation en Afrique qui s’est tenu à Brazzaville. Tout au long de ces trois journées, RFI n’a pas cessé de dire, ou de laisser entendre sous différentes formes, qu’il ne ferait  progresser en rien la cause de la paix. Et lorsqu’il s’est achevé, mercredi soir, avec cette extraordinaire cérémonie au cours de laquelle les frères ennemis ont signé enfin l’accord par lequel ils s’engagent à suspendre les hostilités, sont tombés dans les bras les uns des autres, ont chanté main dans la main l’hymne national centrafricain, le seul commentaire entendu sur les ondes de la « Radio du monde » a été que tout cela relevait du théâtre, de la mise en scène, de l’illusion.

Si la « Radio du monde » avait observé avec attention la scène et les coulisses du forum, si elle s’était informée à bonnes sources au lieu de se livrer à son fâcheux penchant pour la spéculation, elle ne serait pas arrivée aux conclusions négatives qu’elle ne cesse de diffuser sur ses ondes. Elle aurait compris que le processus engagé s’inspire très directement de celui qui permit au Congo, il y a seize ans, de sortir de l’ornière dans laquelle il s’était enfoncé et qu’il a, de ce fait, toutes les chances de ramener la paix en Centrafrique. Elle aurait construit ses commentaires sur de véritables analyses, non sur des spéculations sans fondement. Elle se serait demandé si, au-delà de l’accord sur la cessation des hostilités, les mouvements présents à Brazzaville ne se sont pas engagés, de façon plus discrète et loin des micros ou des caméras, sur les actions à venir très concrètes qui permettront de restaurer l’unité du pays ; bref, elle aurait fait le travail d’information qu’elle est sensée accomplir et n’aurait pas sombré une nouvelle fois dans la désinformation.

Nous savons bien que RFI et, de façon plus générale, l’Audiovisuel extérieur de la France traversent une passe difficile. Mais cette situation interne très tendue ne devrait pas avoir d’incidence sur le traitement de l’information par ses journalistes : d’abord, bien sûr, parce que les règles éthiques de leur profession exigent un strict respect de la réalité des faits ; ensuite, parce que la « Radio du monde » est un média public, financé par l’État, qui est donc perçu à travers le monde comme la voix de la France. Pourquoi donc les autorités françaises, qui ont engagé leur pays  politiquement, militairement, et financièrement au côté de la Centrafrique laissent-elles un organe de presse qui dépend d’elles se livrer à une telle campagne de désinformation ? Font-elles preuve de laxisme ou tiennent-elles un double langage ? Peut-on leur faire réellement confiance dans la quête de la réconciliation qui débute ?

Ces questions sont aujourd’hui sur toutes les lèvres à Bangui, à Brazzaville et dans les institutions qui se sont engagées dans la recherche d’une issue pacifique à la crise qui déchire depuis des mois la Centrafrique. Souhaitons qu’elles reçoivent rapidement des réponses à la hauteur du doute croissant que nourrit, dans cette partie de l’Afrique, le comportement pour le moins discutable de RFI.

Jean-Paul Pigasse    

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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