Rassemblement de l’opposition : de la marche pacifique à la ville morte

Lundi 10 Avril 2017 - 17:56

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La marche pacifique initiée ce lundi 10 avril par la coalition de l’opposition pour réclamer l’application de l’accord du 31 décembre s’est muée, par la force des choses, en une journée ville morte, faute des manifestants partagés entre l’envie de soutenir l’action et la peur de représailles. 

Echec ou fiasco ? En tout cas, les uns et les autres ont une perception différente quant à l’initiative du Rassemblement de l‘opposition d’organiser une marche pacifique ce lundi 10 avril en vue de réclamer l’application de l’accord politique du 31 décembre. Les initiateurs avaient poussé l’outrecuidance jusqu’à appeler la population à une « mobilisation ultime » en vue de forcer l‘alternance au sommet de l‘Etat. La rue devrait, d’après les responsables du Rassemblement, gronder ce jour avec, pour point de chute, le Palais de la nation. Mais entre le discours et la réalité de terrain, il y avait une marge. Jusqu’en début d’après-midi de ce lundi, la marche annoncée avec pompe n’avait toujours pas commencé et jusqu’à la fin de la journée, aucun signe de manifestation de ce type n’a été signalé à travers la ville.

Le déploiement, la veille, des forces de l‘ordre et des unités de l’armée sur plusieurs coins de la capitale avait dissuadé de nombreux manifestants à ne pas s’hasarder loin de leurs habitations. De nombreux jeunes étaient partagés entre l’envie de manifester et la peur de la répression. Un peu partout dans la ville, tout attroupement était vite dispersé par les policiers qui usaient de sommation à l‘égard de plus téméraires. Des jeunes visiblement instrumentalisés n’ont hélas pu ériger des barricades sur les avenues ni brûler des pneus comme cela se fait habituellement en pareille circonstance. 

La grande mobilisation générale décrétée par l’UDPS et ses alliés du Rassemblement n’a donc pas eu lieu. En lieu et place de la marche pacifique contre le pouvoir, c’est une journée ville morte qui s’est imposée de fait. Seuls les véhicules de la police sillonnaient les rues et les avenues. Le transport en commun était quasi inexistant en ce début de semaine, hormis des bus Transco et quelques véhicules des particuliers circulant sans passagers ou presque. Sur les différents carrefours de Kinshasa (Place Victoire, Kintambo magasin, Echangeur, Pascal, Rond-point Ngaba etc), l’ambiance habituelle se recherchait encore jusqu’à la fin de la journée. À Limete, le quartier général de l‘UDPS, la police a carrément quadrillé la zone au grand désarroi des simples passants systématiquement apostrophés par les policiers en faction. Le dispositif policier était également observé dans les périmètres de certains instituts d’enseignement supérieurs et universités afin de contenir la fougue éventuelle des étudiants. Bureaux et commerces fermés, administration publique désertée, avenues dégarnies, parkings séchés etc, voilà à quoi a ressemblé Kinshasa en ce 10 avril. Une situation prévisible lorsqu’on sait que, la veille, la police avait déjà tiré la sonnette d’alarme en avertissant les manifestants : « La police nationale congolaise (PNC) empêchera l’exercice de toute manifestation publique à caractère politique, non autorisée à travers toute l’étendue du territoire national ». C’était tout dire.

« Un échec cuisant », d’après la Majorité présidentielle qui tourne en dérision la marche de colère du Rassemblement. « Manifester, c’est normal. Mais appeler à se liguer contre les institutions, c’est inacceptable. Vous êtes témoins que cette manifestation a été un échec cuisant. Aujourd’hui l’Opposition voulait démontrer qu’elle est populaire mais elle n’a pas réussi. Elle n’a pas pu faire une marche déferlante », a déclaré Aubin Minaku, coordonateur de la Majorité présidentielle.  Martin Fayulu (cadre du Rassemblement de l‘opposition) n’est pas de cet avis. Il se dit totalement satisfait de cette journée qui s’est finalement muée en une ville morte.  « Nous avons changé des stratégies vu les déploiements de la police et des militaires. Nous sommes totalement satisfaits de la journée d’aujourd’hui et finalement, ils nous ont aidés à transformer cette marche en une journée ville morte. Nous n’avons pas voulu mettre les gens en route pour que les forces de l’ordre viennent les tuer », a-t-il indiqué.

Dans un cas comme dans l‘autre, une chose est sûre, c’est que Kinshasa, cette mégalopole de plus de dix millions d’habitants, a ressemblé ce 10 avril en une ville en état de siège symbolisé par la forte présence militaire.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Le boulevard du 30 juin

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